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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 73

Le mercredi 28 juin 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 28 juin 2000

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le Sénat

Le Greffier adjoint et greffier principal-Émission d'une commission à Gary W. O'Brien

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat qu'une commission a été émise sous le Grand Sceau du Canada à Gary W. O'Brien, greffier adjoint et greffier principal du Sénat, le nommant commissaire chargé de faire prêter le serment d'allégeance aux membres du Sénat, et de recevoir leurs déclarations de qualifications.

Des voix: Bravo!

Le Légiste et conseiller parlementaire-Émission d'une commission à Mark Audcent

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat qu'une commission a été émise sous le Grand Sceau du Canada à Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, le nommant commissaire chargé de faire prêter le serment d'allégeance aux membres du Sénat, et de recevoir leurs déclarations de qualifications.

Des voix: Bravo!

Hommage aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, étant donné que notre session tire à sa fin, je profite de l'occasion pour remercier tous les pages qui nous ont si bien servis ces dernières années, et pour signaler ceux qui quittent le Sénat après deux années de service auprès de nous.

Jaideep Mukerji a été le page en chef adjoint. Il est avec nous depuis deux ans et a beaucoup aimé son séjour au Sénat. En effet, il dit regretter que si peu de Canadiens ont eu la possibilité de vivre ce qu'il a vécu.

[Français]

L'année prochaine, Jaideep participera à un programme qui lui permettra de voyager à travers le monde et de poursuivre ses études en science politique.

Par la suite, il compte se rendre en Inde, pour une durée d'un an, afin de faire du travail humanitaire dans une clinique qui se spécialise en chirurgie des cataractes pour le bénéfice des pauvres.

[Traduction]

Il aimerait exprimer ses remerciements à tous les honorables sénateurs.

Alexander Jeglic est, lui aussi, avec nous depuis deux ans et a beaucoup aimé son séjour ici. Il vient de terminer ses études en droit des affaires à l'Université Carleton et il poursuivra son droit à Chicago.

(1340)

En plus des sénateurs, il tient également à remercier tout le personnel qui lui a prêté main forte. Je ne connais pas les liens particuliers qu'il entretient avec le personnel. Il faudra donc lui demander ce qu'il veut dire par cela. Il espère mettre à profit ses compétences pour améliorer la situation socioéconomique dans son pays natal, l'ex-Yougoslavie.

Le prochain page sur ma liste est Gregory Kolz. Gregory a fait partie du programme sur deux ans. En septembre, il entamera sa quatrième et dernière année d'un programme d'études avec spécialisation en sciences politiques à l'Université d'Ottawa. Il espère pouvoir revenir un jour dans sa ville natale de North Bay, en Ontario, pour encourager d'autres jeunes Canadiens à s'inscrire au programme des pages. Il a l'intention de faire carrière en droit ou dans l'enseignement, et peut-être dans l'avenir être le premier parmi les anciens pages à accéder aux fonctions de sénateur.

Non seulement Gregory remercie-t-il tous les sénateurs avec lesquels il a travaillé, il remercie aussi spécialement les membres du comité sénatorial permanent des banques et du commerce auprès desquels il a passé les dernières semaines; celles-ci lui ont d'ailleurs paru passionnantes.

[Français]

Le prochain page à nous quitter est Jean-François Lauzon. Malheureusement, il est un de ceux qui n'ont passé qu'une seule année avec nous. Il doit nous quitter puisqu'il a reçu son baccalauréat en science politique de l'Université d'Ottawa ce printemps.

Malgré tout, il a vécu une année extraordinaire qui lui a permis de compléter ses connaissances du système parlementaire canadien.

[Traduction]

Jean-François travaille actuellement pour le compte d'un ministre du Cabinet fédéral. Au cas où les sénateurs s'interrogeraient sur l'identité de ce ministre, je dirai simplement que ce ministre a devant lui une ou deux journées d'attente très angoissée avant de connaître le résultat du vote que nous prendrons demain après-midi dans cette Chambre. Il entre dans une catégorie spéciale, je dirais, en ce qui concerne le Sénat.

[Français]

Jean-François compte entreprendre ses études de maîtrise à l'Université de Montréal en septembre 2001.

[Traduction]

Le page suivant est Jane Thomson. Jane va terminer l'année prochaine son baccalauréat spécialisé en sciences politiques en participant au programme d'échange de stages parlementaires de Carleton-Leeds. Certains des honorables sénateurs connaissent ce programme d'échange, car ils ont eu affaire à certains de ses stagiaires. Jane va travailler en tant que stagiaire ici, sur la Colline du Parlement, durant la première moitié de l'année, et, durant la seconde moitié de l'année, elle ira travailler à Westminster, situé à Londres, en Angleterre. Jane nous dit qu'elle a passé deux années formidables ici, avec nous, et elle remercie tout le monde de son aide.

Les honorables sénateurs savent peut-être que, la première fois que Jane a fait une demande pour le programme des pages, on a estimé qu'elle n'était pas suffisamment bilingue. Elle a donc travaillé à améliorer sa connaissance des deux langues en prenant des cours spéciaux, qu'elle a réussis. Nous avons fait appel à elle à de nombreuses reprises pour prendre la parole au Forum pour jeunes Canadiens et autres, pour parler de notre programme de pages.

[Français]

Le dernier sur ma liste n'est certainement pas celui qu'on connaît le moins, puisque Robbie est toujours très actif.

[Traduction]

Robbie Tremblay s'est joint au programme des pages en février 1998, et cela fait trois ans qu'il est avec nous. Je ne sais pas trop comment il a fait pour rester trois ans dans un programme de deux ans, mais ça, c'est Robbie, je suppose. Il espère poursuivre son travail bénévole auprès des jeunes homosexuels et terminer son baccalauréat en sciences politiques et en sociologie. Une fois diplômé, il projette d'étudier le travail social et espère mener une carrière en planification urbaine, élaboration de programmes et intervention sociale.

Au nom de tous les sénateurs, j'aimerais exprimer nos remerciements à ce groupe de jeunes Canadiens formidables qui nous ont si bien servis au cours de l'année passée ou des deux ou trois dernières années, et leur souhaiter beaucoup de succès dans l'avenir et peut-être de revenir ici un jour en qualité de sénateur.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Santé

A Guide to End of Life Care for Seniors

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, le 7 juin, j'ai eu l'honneur de participer au lancement officiel d'un ouvrage intitulé: «A Guide to End of Life Care for Seniors». Nous avons participé à l'élaboration de ce guide, subventionnée par Santé Canada, dirigé par plusieurs grands spécialistes des domaines des soins palliatifs, de la gérontologie et de la médecine.

Le guide vise à améliorer les soins palliatifs à prodiguer aux personnes âgées en consolidant les meilleures pratiques, en diffusant un guide national concernant les soins quotidiens, en élaborant un jargon des soins palliatifs, et en facilitant l'autonomie et l'indépendance des personnes âgées au niveau de la participation aux décisions qui les concernent.

Le guide s'adresse essentiellement aux professionnels des soins de santé et aux agents des services sociaux oeuvrant dans des établissements offrant des soins à long terme ou des soins actifs, ou dans des organismes communautaires. Le guide sera également utile aux personnes âgées et aux membres de leur famille qui les soignent, aux agents de planification des soins de santé, aux étudiants et, dans une certaine mesure, au grand public. J'espère, en fait, qu'on pourra tirer de ce guide un ouvrage conçu davantage à l'intention des clients, et plus facile à consulter. C'est d'ailleurs aussi le souhait exprimé par les rédacteurs du guide. Le guide sera bientôt disponible sur Internet et j'insérerai un lien dans ma page Web.

Je tiens à féliciter les coprésidents du comité consultatif national qui a rédigé ce guide, le docteur Rory Fisher, de l'Université de Toronto, et le docteur Margaret Ross, de l'Université d'Ottawa. Les deux sont très respectés dans le domaine des soins palliatifs. De concert avec les autres participants au projet, ils ont produit un document exceptionnel qui, à mon avis, contribuera grandement à parfaire nos connaissances sur les soins palliatifs de qualité.

Les droits de la personne

Un vent de changement

L'honorable Calvin Woodrow Ruck: Honorables sénateurs, je suis très heureux d'avoir une fois de plus l'honneur d'intervenir brièvement au Sénat. Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont aidé au cours de mon séjour au Sénat. Je viens de connaître deux années fort intéressantes. Le temps a filé, mais Dieu a été bon.

Mon intervention portera surtout sur les droits de la personne et le vent de changement qu'on peut observer.

C'est le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau qui, en 1977, a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'adoption de cette mesure au Canada a exercé une influence importante sur moi et sur de nombreux autres membres des groupes minoritaires. De fait, j'ai été embauché comme agent des droits de la personne. Ce poste m'a vraiment donné l'occasion de contribuer à redresser les torts. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis ce temps, et j'adresse mes remerciements à notre Dieu et sauveur qui nous a permis d'avoir la Loi sur les droits de la personne. Cela nous a donné l'occasion de travailler avec des jeunes et de les aider à trouver des emplois dans des magasins qui, traditionnellement, n'embauchaient pas de membres des minorités visibles. Les services de police de bon nombre de villes comptent désormais à leur effectif des hommes et des femmes noirs. Il y a aussi noirs, hommes et femmes, qui sont agents de la GRC, le service policier d'élite du Canada, et tout cela est attribuable à la Loi sur les droits de la personne.

Nous avons beaucoup progressé, honorables sénateurs, mais il reste encore énormément à faire. Les vents du changement se font continuellement sentir.

Je repense à ce qui s'est passé en 1917 lorsqu'une explosion a rasé près de la moitié de la ville de Halifax. En temps opportun, cette partie de la ville a été réaménagée, mais pas un seul noir n'a eu la possibilité d'habiter dans l'un ou l'autre des nouveaux logements. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les droits de la personne, cette situation a changé. J'ai personnellement été marqué par le fait que je n'ai pu habiter dans ce secteur. Je me suis adressé à la Commission foncière d'Halifax en vue d'obtenir un terrain. Ils m'ont envoyé d'un service à l'autre et m'ont dit de leur faire parvenir une lettre, ce qui était plutôt inhabituel. Quoi qu'il en soit, j'ai rédigé la lettre. Tout cela s'est produit à l'époque où je travaillais au Chemins de fer nationaux du Canada.

(1350)

J'ai posté la lettre à Newcastle au Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas entendu parler du directeur de la Commission foncière et, par conséquent, je me suis rendu à son bureau. Il m'a dit que tous les terrains avaient été retenus et qu'il n'était pas en mesure de m'attribuer un lot dans ce secteur. Ce n'est qu'un exemple des obstacles que nous devions surmonter.

Toutefois, l'histoire n'a pas pris fin sur cette note. J'ai présenté ma plainte à la Commission des droits de la personne et, au moment opportun, le terrain est devenu disponible. Je l'ai refusé parce que, entre-temps, j'avais acheté un autre terrain.

Honorables sénateurs, le vent du changement a fait une différence dans le cas des personnes membres des groupes minoritaires. Comme je l'ai dit, nous avons beaucoup progressé et il reste encore beaucoup à faire.

Je remercie de nouveau tous les honorables sénateurs qui m'ont prêté assistance au fil des ans. Je leur souhaite tout le succès possible dans la poursuite de leur travail pour le compte du Parti libéral du Canada.

[Français]

Les langues officielles

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je voudrais soulever une difficulté qui me préoccupe et qui devrait être corrigée. Il s'agit de la pratique voulant que nous puissions nous exprimer dans la langue officielle de notre choix dans cette Chambre. En effet, des honorables sénateurs, les autochtones en particulier, n'ont pas le droit de s'exprimer et d'être compris dans leur langue nationale. Par contre, dans les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut, les représentants autochtones, dans leur législature, peuvent s'adresser à leurs collègues dans la langue nationale de leur choix.

Nous dénombrons dans les Territoires du Nord-Ouest 11 langues officielles et nous prévoyons l'interprétation de ces langues lors de discours ou de commentaires. Il serait juste et équitable de la part du Sénat de songer à laisser à nos sénateurs des Territoires du Nord-Ouest la possibilité de s'exprimer, ici au Sénat, dans la langue nationale de leur choix. Je m'explique. Le Sénat a la réputation d'être le défenseur des régions et des minorités. Voilà une bonne raison pour laquelle nous devrions pouvoir faire appel à des interprètes afin que nous puissions comprendre ce que nos amis et collègues, les sénateurs des Territoires du Nord-Ouest, nous disent dans leur langue nationale.

Je vous donne un exemple: mon grand-père, Louis-Philippe Gauthier, été élu député de Gaspé en 1911. Il ne parlait pas anglais. Il est venu au Parlement canadien et il s'est exprimé en français. Si nous consultons le Hansard de l'époque, nous y lisons tout simplement: «Louis-Philippe Gauthier, député, spoke about a Wharf in Sainte-Anne-des-Monts.» En 1958, M. Diefenbaker a établi l'interprétation des discours en Chambre, et ce fut un pas en avant très important pour le parlementarisme canadien.

Honorables sénateurs, il est temps de faire un autre pas, celui de reconnaître, comme le font les législatures territoriales, le droit de nos amis autochtones de s'exprimer dans leur langue au Sénat canadien, qui se veut le défenseur des minorités, le défenseur des Territoires du Nord-Ouest et le défenseur des régions.

[Traduction]

Le partenariat Canada-États-Unis

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur, la semaine dernière, de participer à la deuxième rencontre annuelle du Partenariat Canada-États-Unis, organisée par le président Clinton et le premier ministre Chrétien pour régler les problèmes concernant la frontière de nos deux pays. J'ai été agréablement surpris d'y voir une centaine de hauts fonctionnaires et politiques des deux gouvernements, dont les consuls généraux de l'État de Washington et de la Colombie-Britannique, des hauts fonctionnaires américains et des responsables de l'application de la loi, de l'immigration et du commerce transfrontalier.

Le fait d'observer les membres du partenariat passer ensemble autant de temps pour trouver des moyens d'améliorer les relations de nos pays a été pour moi une expérience remarquable. Ces personnes s'occupent du programme PACE, des mesures visant à faciliter le passage de la frontière dans les deux sens et de questions concernant l'immigration. Les Américains facilitent le passage de nos citoyens vers les États-Unis et les Canadiens facilitent la venue des Américains en sol canadien.

Le partenariat est une organisation productive et progressiste du fait de l'engagement de toutes les parties intéressées. Celles-ci consacrent beaucoup de temps à discuter de questions comme le terrorisme, l'immigration illégale, le trafic des stupéfiants, et cetera. Les participants ont consacré les deux jours de la rencontre à l'amélioration des relations entre le Canada et notre voisin et à la solution de problèmes touchant nos deux pays.

Je félicite les organisateurs de la rencontre. Il valait la peine d'y être pour voir l'intérêt réel manifesté par les plus hauts responsables des diverses organisations fédérales américaines et canadiennes. En dépit de tous les graves problèmes qui persistent, le Canada et les États-Unis cherchent constamment des moyens d'améliorer leurs relations sociales et commerciales.


AFFAIRES COURANTES

La Banque de développement du Canada

Dépôt du rapport annuel

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de la Banque de développement du Canada, intitulé «La BDC, du financement au rythme de l'innovation. Donner du pouvoir aux idées afin d'être à la mesure du monde».

[Français]

La sécurité des transports

Dépôt du rapport du comité des transports et des communications sur la sécurité aérienne

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications intitulé «Rapport sur la sécurité aérienne.»

[Traduction]

Sa Majesté la reine Élizabeth, reine mère

Message du Sénat à l'occasion du centième anniversaire de la reine mère

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 59(18) du Règlement du Sénat, je propose:

Que le Président du Sénat envoie une adresse à Sa Majesté la reine Élizabeth, reine mère, lui transmettant les voeux chaleureux et les félicitations sincères de tous les sénateurs à l'occasion de son centième anniversaire de naissance.

(La motion est adoptée.)


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ferai un bref commentaire au sujet des travaux du Sénat avant que nous n'entamions l'article 1 de l'ordre du jour, la reprise du débat en troisième lecture du projet de loi C-20. J'aimerais que nous tenions d'abord, durant la période consacrée aux initiatives ministérielles, le débat en troisième lecture du projet de loi C-19 concernant la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

(1400)

Projet de loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre

Troisième lecture

L'honorable Peter A. Stollery propose: Que le projet de loi C-19, Loi concernant le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et visant la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, j'ai l'impression que l'un des rares éléments positifs qui est ressorti de la crise yougoslave est la mise sur pied du tribunal sur les crimes de guerre dans l'ancienne Yougoslavie. Même s'il est difficile, voire impossible, de mettre fin aux atrocités, nous faisons un grand pas en avant en faisant savoir aux individus qui commettent ces atrocités qu'ils s'exposent à être arrêtés. Pendant leurs procès, des éléments de preuve seront présentés pour déterminer s'ils sont coupables ou innocents. Je crois que cela est de bon augure pour l'avenir du monde. C'est un des rares éléments positifs, et j'ai personnellement vécu des guerres civiles et des troubles de toutes sortes dans différents pays. C'est un véritable pas en avant.

Je participe au débat sur le projet de loi C-19 en pensant à tout ce qui va mal et au fait qu'il faut parfois des années avant que ces individus soient amenés devant les tribunaux. Essentiellement, le projet de loi remplit l'engagement que le Canada a pris en faveur de la création de la Cour pénale internationale et apporte les modifications nécessaires à différentes lois canadiennes de manière à rendre possible le respect des procédures nécessaires au fonctionnement de cette cour. La CPI sera, en fait, la suite logique de la cour de La Haye qui juge actuellement les responsables des atrocités commises dans l'ancienne Yougoslavie.

La Cour pénale internationale, la CPI, sera une institution ayant comme mandat exclusif de veiller à ce que la justice soit rendue également partout dans le monde. Il est à espérer qu'aucun pays et aucun individu n'obtiendra un traitement préférentiel devant cette cour. La CPI servira les intérêts et protégera le bien-être de tous les citoyens de la planète, autant les enfants et les femmes que les hommes. Le principe d'égalité est un élément central de la CPI.

Je tiens à féliciter tous les pays qui résistent présentement aux pressions exercées par les États-Unis, qui réclament des immunités spéciales devant la CPI. Si la position américaine était acceptée, la cour perdrait toute influence morale. J'exhorte les pays qui résistent aux pressions des États-Unis à continuer à faire preuve de la plus grande détermination face à ceux qui seraient prêts à compromettre la crédibilité de la cour. La CPI a adopté le principe d'égalité comme l'un des piliers centraux de ses fondations et absolument rien ne doit miner ce pilier de quelque manière que ce soit.

Le projet de loi portant sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre ainsi que sur la Cour pénale internationale illustre bien la tentative de reconnaissance du principe de l'égalité par la communauté internationale. Ces efforts se reflètent également dans le Statut de Rome dont les dispositions sont plutôt révolutionnaires, tout particulièrement celles qui visent les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les femmes et les enfants en période de conflits armés.

Honorables sénateurs, aux termes du Statut, le processus de sélection des titulaires doit prévoir une juste répartition des hommes et des femmes tant parmi les juges qu'au sein du personnel du bureau du procureur et de tous les autres organes de la Cour. D'autres dispositions exigent que les juges, procureurs et autres employés aient une connaissance particulière du domaine de la violence faite aux femmes. L'intégration de personnel ayant une expérience de la violence sexuelle et de celle qui s'exerce en fonction du sexe permet d'assurer que les crimes de guerre commis exclusivement contre des femmes constitueront toujours une préoccupation importante.

Honorables sénateurs, la CPI sera mise sur pied une fois que 60 pays auront ratifié le traité. Une fois établie, la Cour constituera une force permanente de dissuasion qui aidera à prévenir la répétition des crimes atroces contre l'humanité. La CPI aidera tout particulièrement à garantir que tous ceux qui tentent de commettre un génocide en ayant recours à la violence sexuelle et ceux qui utilisent la violence sexuelle comme une arme de guerre seront poursuivis pour leurs fautes.

Honorables sénateurs, j'aimerais prendre quelques minutes pour attirer votre attention sur un point du dixième rapport du comité des affaires étrangères. Nous mentionnons que les membres du comité regrettent de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour consacrer au projet de loi toute l'attention qu'ils auraient aimé y consacrer. Nous étions d'avis qu'il était important que le gouvernement souscrive au Statut de Rome et, dans cette optique, les deux partis ont accéléré l'examen du projet de loi C-19.

Toutefois, les membres du comité ont aussi recommandé qu'un comité du Sénat mène une étude sur les questions et préoccupations découlant du projet de loi, ainsi que sur toute nouvelle question découlant de l'adoption du Statut de Rome et de la mise sur pied de la Cour pénale internationale. Votre comité recommande que cette étude soit terminée d'ici trois ans.

Honorables sénateurs, je crois que les membres du comité ont eu l'impression que le projet de loi C-19 présentait des difficultés, bien que je ne veuille pas mettre de mots dans la bouche de mes collègues, qui peuvent eux-mêmes exprimer leur opinion. Des changements et même des amendements en bonne et due forme seraient utiles sur certains plans. D'aucuns demanderont: «Dans ce cas, pourquoi l'avoir adopté?» Parce que nous sommes d'avis qu'il était préférable de l'adopter plutôt que de le rejeter. Nous entendons revenir sur la question au comité, car nous pensons qu'il y a lieu d'apporter des changements et des améliorations. Il y a des questions qui se posent, mais je ne vais pas accaparer le temps des honorables sénateurs pour en parler cet après-midi. Je tenais néanmoins à souligner ce point, car le comité avait le net sentiment d'avoir fait de son mieux dans les circonstances. Le projet de loi se prête largement à des améliorations.

Cela dit, honorables sénateurs, c'est avec plaisir que j'appuie le projet de loi C-19 à l'étape de la troisième lecture.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, mon collègue accepterait-il quelques questions?

Le sénateur Stollery: Oui.

Le sénateur Nolin: Dans la deuxième partie de son discours, l'honorable sénateur a fait allusion à certaines préoccupations que le comité avait au moment de l'examen du projet de loi C-19. Je crois comprendre que vous avez entendu le ministre des Affaires étrangères. Avez-vous mis le ministre au courant de ces préoccupations?

(1410)

Le sénateur Stollery: Oui, le ministre est au courant de nos préoccupations. Il était d'accord pour que nous consacrions trois ans à l'étude de ces questions et à la rédaction d'un rapport. L'étude ne serait pas spécialement faite par notre comité. La réponse à la question est oui. Nous avons entendu le témoignage d'un témoin très intéressant pendant 10 ou 15 minutes. Plutôt que de ne comparaître que pendant 5 minutes, il est resté un bon quart d'heure et a soulevé des points qui ne manquaient pas d'intérêt pour les membres du comité.

Le sénateur Nolin: Dois-je comprendre que le ministre va suivre de très près les travaux de l'étude proposée dans le rapport et peut-être présenter dans l'une des deux Chambres de ce Parlement, les modifications nécessaires suite à l'examen que vous allez faire du projet de loi C-19 et de l'application du statut de Rome?

Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, sans doute est-ce l'espoir des membres du comité que le ministre nous prenne au sérieux. Si nous trouvons des problèmes dans ce projet de loi, - et je pense que nous allons en trouver - je suis confiant qu'il y apportera les corrections nécessaires.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): J'ai deux questions à poser à l'honorable sénateur. Pendant son intervention, il a fait allusion à ses préoccupations au sujet d'un certain nombre de questions en évolution qui sont abordées dans le rapport. Quelles seraient les trois préoccupations les plus importantes?

Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, nous avons essayé d'étudier rapidement le projet de loi. Les sénateurs s'interrogent sur un certain nombre d'éléments du projet de loi. Ce serait une erreur que d'essayer de choisir les trois choses les plus importantes, car un grand nombre de questions se posent. Il serait déplacé d'établir un ordre de priorité.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, nous avons ici le dixième rapport. Le comité nous dit ceci:

[...] votre comité regrette de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour accorder au projet de loi toute l'attention qu'il aurait souhaité.

C'est ce qu'on lit dans le compte rendu.

Voici un comité qui fait rapport sur un projet de loi sans proposition d'amendement et qui nous dit dans son rapport: «Nous aurions aimé avoir plus de temps pour faire du bon travail.» Nous savons qu'il existe une certaine culture de la médiocrité dans ce pays, mais je trouve cela inacceptable.

En guise de réponse à ma question tout à l'heure, le président du comité a dit avoir plusieurs réserves sérieuses à faire au sujet de ce projet de loi. Je n'arrive pas à comprendre comment un comité sénatorial peut dire, d'une part, qu'il a manqué de temps pour étudier cette question et qu'il aurait aimé en avoir plus et, d'autre part, qu'il a plusieurs réserves sérieuses à faire au sujet du projet de loi, mais qu'il veut quand même qu'il soit adopté.

Le sénateur pourrait peut-être nous éclairer à cet égard. Il y a quelque chose que je n'ai pas bien compris.

Le sénateur Stollery: Je puis dire au sénateur que des discussions se sont tenues avant notre réunion d'hier. On s'est demandé si l'adoption du projet de loi serait reportée à l'automne ou si le projet de loi serait adopté avant l'ajournement qui, espérons-le, devrait avoir lieu demain.

La réponse que j'ai obtenue à titre de président du comité, c'est que le Sénat estimait que, tout bien considéré, il valait mieux que le projet de loi soit adopté maintenant en raison de ses caractéristiques bénéfiques, dont l'une concerne la mise en oeuvre du Statut de Rome, à laquelle nous nous sommes tous engagés. À mon avis, c'est la raison pour laquelle les sénateurs de l'opposition et du gouvernement ont décidé de l'adopter hier.

Le sénateur Kinsella: Enfin, honorables sénateurs, dans l'exemplaire du dixième rapport qui figure dans les Journaux du Sénat, au deuxième paragraphe, on peut lire:

Toutefois, votre comité regrette de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour accorder au projet de loi toute l'attention qu'il aurait souhaité.

Dans l'exemplaire que j'ai reçu du bureau, il y a une autre phrase qui se lit comme suit:

Il regrette d'autant plus que ce projet de loi pourrait bien servir de modèle à d'autres États qui élaboreront et mettront en oeuvre des lois liées à la Cour pénale internationale.

Je crois comprendre que le comité de l'honorable sénateur a décidé de ne pas inclure cette dernière phrase. Si tel est le cas, une explication s'impose peut-être. Même si ce n'est pas le cas, l'affirmation ou l'expression du sentiment que certains membres du comité estiment que le projet de loi C-19 pourrait servir de modèle à d'autres États rend le problème d'autant plus grave.

Le sénateur Stollery: Bien sûr, l'honorable sénateur a entre les mains une copie de la motion. Même si le comité a décidé de ne pas inclure cette phrase, l'honorable sénateur a maintenant réussi à l'inclure puisqu'elle figure maintenant dans les Débats du Sénat. Nous avons pris la décision de ne pas inclure cette phrase dans le rapport.

À la réflexion, en lisant la phrase qui vient d'être ajoutée dans le hansard, on peut évidemment comprendre que nous n'étions pas d'accord avec la teneur de cette phrase.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je désire parler du projet de loi. Je prendrai le temps nécessaire pour faire lecture du dixième rapport.

Hier, le comité sénatorial permanent des affaires étrangères avait l'honneur de présenter son dixième rapport. J'invite les honorables sénateurs a écouter attentivement le texte du rapport.

Votre Comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-19, Loi concernant le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et visant la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et modifiant certaines lois en conséquence, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 22 juin 2000, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Toutefois, votre Comité regrette de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour accorder au projet de loi toute l'attention qu'il aurait souhaité.

Les honorables sénateurs constateront que la suite du paragraphe a été rayée dans le rapport déposé sur la table. Avec les ordinateurs d'aujourd'hui, ce passage du rapport aurait tout simplement été supprimé.

Comme le sénateur Kinsella l'a fait remarquer, la phrase qui a été rayée se lit comme suit:

Il regrette d'autant plus que ce projet de loi pourrait bien servir de modèle à d'autres États qui élaboreront et mettront en oeuvre des lois liées à la Cour pénale internationale.

Le rapport du comité, tel que reproduit dans les Journaux du Sénat, poursuit:

En conséquence, votre Comité recommande qu'un comité sénatorial[...]

- lequel, nous l'ignorons -

[...] entreprenne une étude continue sur les questions et les préoccupations que soulève le projet de loi ainsi que sur les enjeux en évolution ayant trait à l'entrée en vigueur du Statut de Rome et à l'établissement de la Cour pénale internationale. Votre Comité recommande que cette étude soit effectuée d'ici trois ans.

Respectueusement soumis,

(1420)

Permettez-moi de retracer le parcours législatif du projet de loi C-19. J'ai fait cette recherche depuis hier. D'abord, il y a eu les étapes à la Chambre des communes: première lecture, le 10 décembre 1999; deuxième lecture, le 8 mai; rapport du comité, le 7 juin; étape du rapport, le 9 juin; et enfin troisième lecture, le 13 juin. Ensuite, il y a eu la première lecture au Sénat, le 14 juin; puis la deuxième lecture jeudi dernier, le 22 juin. Qui est intervenu? D'abord le sénateur Stollery, puis le sénateur Finestone, le 20 juin. Jeudi dernier, avant l'ajournement, le sénateur Andreychuk a proposé l'adoption du projet de loi en deuxième lecture.

Le projet de loi a alors été renvoyé au comité jeudi dernier. C'est une mesure législative très importante. Si vous lisez le discours du sénateur Finestone et celui du sénateur Andreychuk, vous vous en rendrez compte. J'ai assisté à la réunion du comité, jeudi soir, pour vérifier. Il ne s'est évidemment rien passé, ni jeudi soir ni vendredi. Samedi était jour de congé, ainsi que lundi. Toutefois, hier matin, le ministre a comparu devant le comité. Le comité a fermé boutique et a présenté son rapport hier après-midi. Je dois admettre que je n'ai jamais vu rien de tel de ma vie. Vous savez maintenant ce que je voulais dire quand j'ai dit que je ne voulais pas que nous ressemblions à la Chambre des communes. J'y ai passé 30 ans. À la dernière minute, on se retrouvait avec tout un paquet de projets de loi, comme ça se fait à l'Assemblée nationale, à Québec. Il semblerait que le Sénat ait maintenant pris les mêmes mauvaises habitudes que la Chambre des communes du Canada.

Honorables sénateurs, si vous avez dit, et c'est écrit dans le rapport, que ce projet de loi vous tient tout particulièrement à coeur parce qu'il pourrait bien servir de modèle à d'autres pays qui sont en train d'élaborer le même genre de mesure législative, vous voudrez sans doute que ce soit un bon projet de loi. Vous ne voulez sans doute pas avoir à attendre des amendements éventuels, proposés par un comité éventuel qui n'existe pas encore. Vous avez dit «d'ici trois ans».

Honorables sénateurs, si je ne m'abuse, au cours des trois prochaines années, il y aura au moins 20 nouveaux sénateurs. Malheureusement, au moins 20 sénateurs nous quitteront - sans compter ceux que Dieu pourrait venir chercher. Ou bien cette mesure législative est importante et digne d'un examen sérieux, ou bien elle ne l'est pas. J'appuie cette importante mesure législative. Toutefois, j'aurais aimé que les gens aient la chance d'exprimer leurs opinions à ce sujet. Je suis certain que le président du comité des affaires étrangères, qui est une personne sérieuse, a probablement choisi, en anglais, l'expression «in obedience to its order of reference» pour manifester son mécontentement. Que veut dire le mot «obedience» dans ce contexte? Le comité avait le choix. Il aurait pu dire: «Non, nous ne tolérerons pas d'être poussés de cette façon.»

J'ai été président du Comité de la défense nationale et des affaires extérieures de l'autre endroit pendant 14 ans. Si vous pensez que le gouvernement m'a poussé, vous vous trompez. J'ai pris position et j'ai dit: «Non. Nous allons faire une étude sérieuse ou je ne serai plus président.» Nous avons fait des études sérieuses, avec la collaboration de personnes telles que les sénateurs Forrestall et Roche, qui étaient membres du comité. Ils se souviendront de l'époque où les affaires extérieures et la défense nationale relevaient du même comité.

Je ne veux pas que le Sénat devienne une réplique de la Chambre des communes en ce qui a trait au déroulement de ses travaux. Je ne rejette pas le blâme sur le leader; il ne fait que faire son travail. Le gouvernement a décidé qu'il fallait accorder la priorité à ces projets de loi. Toutefois, si vous voulez avoir du respect envers vous-mêmes en tant que sénateurs, le temps viendra, comme je l'ai dit hier au sujet d'un autre projet de loi - et je continuerai de le dire jusqu'à ce que j'abandonne ou jusqu'à ce que quelqu'un fasse certains changements nécessaires - le temps viendra où nous devrons décider si nous voulons ou non travailler continuellement dans ces conditions.

Certaines personnes pensent peut-être que nous sommes des moins que rien dès que nous nous éloignons de 100 mètres de la colline du Parlement. C'est là une phrase célèbre. J'ai toujours pensé que le Sénat était à 100 mètres de la Colline du Parlement. J'ai interprété cette déclaration à l'inverse. J'estime qu'en notre qualité de sénateurs nous ne devrions jamais accepter d'être bousculés de quelque façon que ce soit. Nous devrions nous acquitter de notre devoir comme bon nous semble, comme on nous a demandé de le faire lorsque nous avons été nommés au Sénat, un lieu de réflexion où l'on ne s'énerve pas. Je le répète, j'ai beaucoup d'affinités avec les nouveaux sénateurs, car j'ai déjà été à leur place. J'ai été chanceux dans la mesure où je venais de l'autre endroit, de sorte que je connaissais déjà le fonctionnement du Sénat. Je dis toujours aux nouveaux sénateurs: «C'est aujourd'hui votre jour de gloire car, à compter de demain, vous ne pourrez compter que sur vos propres moyens.» Je regrette souvent qu'il en soit ainsi, mais je vous dis de vous faire votre propre idée sur ce qui se passe et sur la façon dont les choses se déroulent. Certaines personnes peuvent faire un échange de fauteuils, mais d'autres ont un message. Si elles me disent en privé «J'ai un message», je ne mentionne alors pas leur nom, mais je n'hésite pas à me faire leur porte-parole en public. À mon avis, le Sénat ne devrait pas être traité de cette façon. Je le pense d'autant plus lorsque je vois dans un rapport des mots comme «regret» et «conformément». Je ne suis pas ici pour me conformer au désir de qui que ce soit. Parfois, je regrette de ne pas être de nouveau membre d'un grand parti afin de pouvoir jouer ici un rôle plus utile.

Honorables sénateurs, c'est là mon intervention. Je suis intervenu directement au sujet de ce projet de loi. En septembre, il se peut qu'un petit nombre de témoins et de personnes qui ont manifesté leur désaccord à l'endroit du projet de loi accordent au moins de l'attention au dixième rapport qui a été présenté hier et dont je viens de vous faire la lecture intégrale. Pendant l'été, il se peut que d'honorables sénateurs disent: «S'il n'a rien à dire, tout est joué.» Stan Darling, député bien-aimé de la Chambre des communes, ne confondait pas les choses. Lorsque vous aviez une question à soulever, il vous disait si vous aviez raison ou si vous aviez tort. Il n'hésitait pas à vous le dire. Il déclarait: «Vous avez tort» et on n'en parlait plus.

Honorables sénateurs, si vous croyez qu'il y a ici un message, peut-être devriez-vous réfléchir aujourd'hui avant de donner votre consentement ou dire: «C'est un mauvais projet de loi. Nous l'avons rédigé nous-mêmes. Mea culpa. Ce n'est pas le meilleur qui soit.» Ce mauvais projet de loi sera maintenant repris partout dans le monde parce que le Canada est toujours perçu comme un rayon d'espoir et de changement. C'est là ma définition du Canada: un rayon d'espoir. L'univers nous observe et dit: «Ils font les choses mieux qu'ailleurs.» Nous aboutissons souvent à ces décisions à cause du Sénat, mais ce ne sera pas le cas aujourd'hui.

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, j'interviens en faveur des enfants sur la vie desquels la mise en oeuvre du Statut de Rome et l'adoption du projet de loi exerceront une influence, ainsi que pour expliquer pourquoi je pense qu'il est important que nous adoptions ce projet de loi aujourd'hui.

Se tiendra, en septembre, une grande conférence internationale sur les enfants touchés par la guerre. Selon l'organisme Human Rights Watch, 300 000 enfants participent à l'heure actuelle en tant que soldats à des conflits armés. Non seulement ces enfants sont soumis au stress et aux horreurs de la guerre, mais ils sont souvent utilisés par de lâches adultes comme chair à canon ou comme détecteurs humains de mines. Ces enfants sont vulnérables physiquement et mentalement compte tenu des risques que leur font courir les adultes peu scrupuleux qui les utilisent à des fins peu judicieuses. Il s'ensuit que ces enfants sont dépouillés de leur innocence et de leur enfance. Au lieu de se développer dans un climat de paix et de stabilité, ils vivent les horreurs de la guerre: le massacre, la torture et le paroxysme de la souffrance. Si ces enfants ont la chance d'en sortir indemnes au plan physique, ils sont marqués à vie au plan émotionnel et leurs chances de devenir des citoyens productifs sont gravement compromis.

(1430)

Des enfants sont souvent enlevés et forcés de joindre des groupes armés. D'autres se tournent vers l'armée par suite de l'effondrement de leur société. Beaucoup le font parce que leurs parents ont été tués et qu'ils ont désespérément besoin du réseau de soutien que leur offrent frauduleusement les seigneurs de guerre. À l'heure actuelle, des enfants servent de soldats dans plus de 30 conflits qui font rage un peu partout dans le monde. Des enfants d'à peine huit ans sont forcés de participer à des conflits. Il y a parmi ces enfants des petites filles qui risquent en plus de devenir les «femmes» de leaders rebelles dans certains conflits. Beaucoup de ces jeunes femmes subissent aussi différentes formes d'exploitation sexuelle, dont le viol.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale constitue un progrès important en vue de tenir les individus criminellement responsables d'avoir participé à un génocide et d'avoir commis des crimes contre l'humanité ainsi que des crimes de guerre contre des enfants. L'inclusion dans ce statut des crimes comme le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants, de diriger des attaques contre des écoles et de commettre des viols revêt une signification particulière pour les enfants victimes de la guerre. La ratification du statut par de nombreux États remplacera par une culture de responsabilisation une culture d'impunité à l'égard des crimes perpétrés contre des enfants.

Le statut de la CPI et les règles relatives à la procédure et à la preuve qui sont actuellement rédigées par la commission préparatoire de la CPI prévoient la sélection de personnel et de juges qui ont de l'expérience en matière de violence exercée contre des enfants et ils permettent à la cour d'adopter des méthodes tenant compte des besoins de l'enfant lorsqu'il s'agit de recueillir des preuves et des témoignages d'enfants. Le statut de la CPI reconnaît donc que les enfants victimes de la guerre ont des besoins particuliers dont il faut bien tenir compte pour que les enfants puissent participer aux travaux de la cour.

Comme on l'a souvent souligné, les enfants et les femmes constituent la majorité des civils dans des situations de conflits armés. Avec le nombre sans cesse croissant d'attaques dirigées contre des civils, il n'est pas étonnant que les enfants aient tendance à souffrir de manière disproportionnée en temps de guerre. Les enfants sont la cible de certains types de crimes. Les enfants, notamment les garçons, sont recrutés de force ou ils sont tués ou autrement mutilés de manière à ce qu'ils ne puissent devenir soldats dans l'autre camp. Les filles sont contraintes de devenir des esclaves sexuelles ou des domestiques ou elles subissent d'autres formes horribles de violence sexuelle. On bombarde des écoles pour forcer les familles à prendre la fuite, et des civils, y compris des enfants, sont délibérément affamés.

Le statut de la CPI interdit expressément la conscription ou l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales. Au Canada, comme vous le savez, il faut avoir au moins 18 ans pour le service militaire dans le cadre d'un déploiement dans des zones de conflit.

Certains crimes de guerre ont aussi des répercussions sur les enfants, comme le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à l'enseignement. La réduction en esclavage et la contrebande d'enfants sont aussi énumérées parmi les crimes contre l'humanité.

Le statut reconnaît que les enfants ne pourront participer utilement et en toute sécurité aux travaux de la cour que si des juges et du personnel sensibles aux besoins des enfants sont nommés et embauchés. Une des considérations que les États ne doivent pas oublier en choisissant les juges, c'est le fait qu'ils aient une expérience juridique concernant la violence exercée contre des enfants. Lors de l'embauche du personnel, les représentants de la cour doivent garder à l'esprit la nécessité d'embaucher des spécialistes en matière de violence faite aux enfants.

Le statut permet aux différents services de la cour de tenir compte du fait que le témoin est un enfant. Durant l'enquête, le procureur doit prendre des mesures appropriées pour protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et la vie privée des témoins. À cet égard, il doit tenir compte de l'âge de la victime ou du témoin et du fait que le crime comporte ou non de la violence faite aux enfants. Cette protection continue d'être accordée à l'étape du procès et, à ces deux étapes, l'unité responsable des victimes et des témoins peut conseiller le procureur et le tribunal quant aux mesures qu'elle estime appropriées dans les circonstances. Les enfants de moins de 18 ans ne comparaîtront pas en cour à titre de défendeurs.

Honorables sénateurs, étant donné que, selon moi, la Cour pénale internationale est un tribunal de la plus haute importance et qu'il est nécessaire de remplacer la culture de l'impunité par la culture de la responsabilité, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi.

Le sénateur Nolin: L'honorable sénateur serait-il prêt à répondre à quelques questions?

Le sénateur Pearson: Oui.

Le sénateur Nolin: Le sénateur a fait allusion à une conférence qui doit se tenir en septembre. La tenue de cette conférence est-elle liée à la ratification du statut, ou est-elle indépendante de celle-ci?

Le sénateur Pearson: Elle est tout à fait indépendante.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai une question. Le sénateur Pearson a décrit d'une façon très poignante qui nous touche profondément la souffrance qu'endurent non seulement des enfants mais aussi des millions d'êtres humains dans le monde. Ma collègue pourrait-elle m'expliquer comment l'adoption de cette mesure permettrait d'atténuer la souffrance des enfants dans le monde?

Le sénateur Pearson: Personnellement, je crois fermement que l'une des raisons pour lesquelles ceux qui exploitent des enfants continuent de le faire est parce qu'ils estiment pouvoir le faire impunément et que personne ne leur demandera des comptes tant qu'ils contrôlent leur pays. Le projet de loi autorise le Canada à ratifier le statut de Rome. Ce statut dira aux gens du monde entier qu'une telle exploitation n'est plus acceptable et qu'ils ne pourront dorénavant plus échapper à des accusations s'ils se servent d'enfants de la façon que j'ai décrite.

Le sénateur Cools: Le second volet de ma question a trait au fait que les tribunaux au Canada n'empêchent pas les enfants canadiens de souffrir. Comment une cour pénale internationale peut-elle mettre un terme aux souffrances des enfants? Il me semble que les contrevenants sont traduits en justice une fois qu'ils ont commis un crime, et non pas avant.

Le sénateur Pearson: Bien que nous n'ayons pas les statistiques complètes au Canada, nous savons qu'aux États-Unis le nombre d'agressions contre des enfants diminue depuis six ans grâce aux nombreux efforts déployés par les tribunaux américains.

Le sénateur Cools: J'aimerais prendre la parole à ce sujet. Je crois savoir que toutes les statistiques concernant les agressions commises contre des enfants en Amérique du Nord, en particulier aux États-Unis, indiquent une tendance à la hausse. Les statisticiens l'expliquent non pas par une hausse du nombre d'agressions commises contre des enfants, mais par une augmentation du nombre de cas considérés comme des agressions et du nombre d'agressions déclarées.

Honorables sénateurs, je préfère m'en remettre au sénateur Andreychuk, mais j'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi comme tel. Dois-je comprendre que nous allons adopter ce projet de loi aujourd'hui? Où est l'urgence? Ce projet de loi revêt subitement un caractère d'urgence, alors que je croyais qu'il n'était pas urgent et certains d'entre nous veulent savoir pourquoi. Honorables sénateurs, il n'y a aucune raison pour précipiter l'adoption d'un projet de loi et ne pas entendre de témoins. Comme on m'avait dit que le projet de loi n'était pas urgent, j'avais espéré qu'au cours de l'étude en comité, nous pourrions entendre des témoins comme Ramsey Clark, l'ancien procureur général des États-Unis, qui fait figure d'autorité en droit international et dans le domaine des tribunaux internationaux.

J'aimerais que quelqu'un nous explique sérieusement pourquoi l'examen de ce projet de loi, dont nous sommes saisis depuis deux ou trois jours, est devenu si urgent au Sénat. Si le dossier était si urgent, nous aurions pu être saisis du projet de loi la semaine dernière ou la semaine d'avant.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous pourrions avoir un problème en ce sens que nous sommes en train de débattre du projet de loi. L'honorable sénateur Cools a-t-elle une question à poser au sénateur Pearson?

Le sénateur Cools: J'aimerais savoir si nous devons adopter le projet de loi aujourd'hui. Dans la négative, j'aimerais prendre la parole sur ce projet de loi. Il porte sur un sujet sérieux. Le projet de loi créerait un nouveau tribunal. C'est une affaire tout à fait unique et importante, qui mérite d'être étudiée de façon adéquate. Je trouve scandaleux que cette Chambre ne fasse pas de ce projet de loi l'étude qu'il mérite.

(1440)

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, le débat est lancé. Il est engagé. Le sénateur Andreychuk est prêt à prendre la parole. J'inscrirai le nom de l'honorable sénateur Cools sur la liste des orateurs.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai déjà indiqué pourquoi, à mon avis, le projet de loi C-19 est une mesure législative sérieuse qui mérite d'être examinée. Ce n'est pas d'hier que nous entendons parler de la Cour pénale internationale. Le traité a été signé le 17 juillet 1998. Le Canada aurait dû commencer dès ce moment-là à préparer la ratification du projet de loi.

J'attire l'attention des sénateurs sur le débat qui a eu lieu lorsque le ministre est venu témoigner, hier, devant notre comité. On a demandé au ministre pourquoi le gouvernement mettait encore une fois le Sénat dans la position où il doit évaluer la nécessité d'adopter la mesure législative et de faire preuve de leadership dans ce domaine par rapport au fait qu'il a un travail à faire. Aujourd'hui, j'ai entendu des gens dire que le Sénat n'a pas accordé toute l'attention nécessaire à ce projet de loi très important.

Honorables sénateurs, je siège ici depuis assez longtemps, même si d'autres sont au Sénat depuis plus longtemps que moi, pour savoir que nous avons été placés dans cette position très souvent. Nous avons adopté des projets de loi que nous aurions aimé étudier plus en profondeur. Toutefois, il faut nous demandons si nous devons prendre plus de temps pour étudier à fond une mesure législative au risque de nuire à ceux qui pourraient profiter du projet de loi.

Je me souviens en particulier d'un projet de loi sur les autochtones. À l'époque où je présidais le comité des peuples autochtones, je me suis fait dire par le ministre qui se trouvait à notre tribune que nous devions faire franchir à un projet de loi les étapes de la première, de la deuxième et de la troisième lectures en une seule journée - et c'est exactement ce que nous avons fait. Selon moi, ce n'était pas correct. Toutefois, si nous avions refusé de le faire, nous aurions remis en question les dispositions du projet de loi dont allaient profiter les autochtones. À l'époque, je trouvais ignoble qu'on mette le Sénat dans une position aussi fâcheuse et c'est le même sentiment que j'éprouve aujourd'hui en ce qui concerne le projet de loi C-19.

La Cour pénale internationale est une question prioritaire qui exige notre attention. Il faut que 60 pays ratifient le traité. Nous pourrions très bien dire: «Laissons d'autres pays agir en premier, nous ratifierons l'accord en temps et lieu.» Il ne serait pas dans l'intérêt du Canada que le Sénat adopte une telle position. Voilà pourquoi j'ai accepté d'adopter rapidement ce projet de loi.

Les honorables sénateurs verront à la lecture du rapport de notre comité que nous avons consacré beaucoup de temps à tenter de comprendre pourquoi le ministre n'avait pas convaincu son gouvernement de l'urgence du projet de loi C-19. Le ministre a répondu qu'il avait eu du mal à faire inscrire certains points à l'ordre du jour. Je crois que nous lui avons clairement fait savoir que ses réponses ne nous semblaient pas satisfaisantes. En fait, la raison pour laquelle ce commentaire se trouve dans notre rapport, c'est que certains d'entre nous considèrent que nous avons trop souvent entendu la phrase, «cela ne se reproduira pas». Nous donnons donc l'alarme. Au lieu de nous blâmer, j'espère que les sénateurs nous féliciteront plutôt d'avoir eu le courage d'inscrire dans ce rapport un commentaire dans le but de souligner que nous n'avons pas ici, l'avantage de la Chambre des communes et du gouvernement.

Ce qui nous préoccupe dans le dossier du projet de loi C-20, c'est que l'on ne tient pas compte du Sénat. Cela arrive trop souvent. À mon avis, c'est symptomatique d'un grand manque de respect pour le Sénat. Le projet de loi C-19 n'a rien d'inhabituel à mon avis. Il dénote tout simplement un problème beaucoup plus grave face au Sénat.

Honorables sénateurs, je crois que certains d'entre nous ont étudié d'assez près les parties du projet de loi C-19 qui portent sur la Cour pénale internationale. Cette Cour sera une expérience en elle-même. Il n'existe pas d'autre modèle ailleurs. Les cours mises sur pied au Rwanda et en Bosnie ont été constituées tout particulièrement pour ces régions et ce sont, au mieux, des cours spéciales. De par leur nature même, elles sont loin d'être parfaites.

La Cour pénale internationale a tiré profit des plus grands esprits que la communauté internationale des diplomates, des hauts fonctionnaires, des ONG, des juristes et des avocats a pu réunir. Il est évident qu'il y a des zones grises dans ce projet de loi. C'est dans cette optique que certains membres de notre comité ont affirmé qu'il importait de mener une étude. Nous devons continuer d'étudier le projet de loi C-19 pour déterminer s'il est pertinent ou s'il convient d'y apporter des ajustements.

Le dilemme, c'est qu'il n'y a aucun service, à la Chambre des communes ou au Sénat, chargé d'assurer un suivi permanent des traités internationaux. Nous créons précisément un mécanisme pour ce faire, ce qui explique que nous réclamions une étude. À quel comité devrait-elle être renvoyée? Au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et des affaires constitutionnelles ou au comité sénatorial permanent des affaires étrangères? À un nouveau comité des droits de la personne? Quoi qu'il en soit, l'important ici, c'est qu'il nous faut un suivi permanent qui assure que les lois canadiennes s'adaptent à l'évolution de la Cour pénale internationale. C'est ce qui explique que j'étais prête non seulement à approuver le projet de loi C-19, mais également le commentaire concernant le suivi.

Je l'ai dit dans le discours que j'ai prononcé lors de la deuxième lecture et je le répète, le gouvernement a eu tort de présenter ensemble les dispositions du projet de loi C-19, qui sont nécessaires à la CPI, et les modifications devant être apportées au Code criminel qui découlent essentiellement de l'affaire Finta. Les fonctionnaires ont eu beau s'employer hier à expliquer les raisons qui les avaient amenés à faire ce regroupement, leurs arguments ne m'ont pas convaincue. Il aurait mieux valu les traiter séparément. C'en à propos des modifications apportées au Code criminel relativement aux procès intentés pour crimes de guerre qu'il y a des divergences d'opinions.

Ceux d'entre nous qui ont lu les débats de la Chambre des communes savent que bien des personnes ont pensé que les dispositions n'étaient pas suffisamment vigoureuses, alors que d'autres ont trouvé qu'elles ne correspondaient pas aux objectifs de la CPI. Cela mérite un examen plus approfondi.

Le dilemme a été le suivant: retardons-nous la création de la Cour pénale internationale en indiquant que nous ne sommes pas prêts à aller de l'avant pour la raison que nous envisageons qu'il sera nécessaire d'apporter des modifications au Code criminel du Canada? Dans l'intérêt de la justice internationale et de la position favorable à la Cour pénale internationale adoptée par le Canada, à laquelle, si je ne m'abuse, tous les partis ont souscrit, nous ne devrions pas retarder l'adoption de ce projet de loi. En fait, nous l'avons évalué de la même façon que nous avions évalué le projet de loi C-23. Au sujet du projet de loi C-23, il nous a été demandé s'il ne serait pas utile d'apporter un amendement visant à supprimer le paragraphe 1.1. Je me rappelle que des sénateurs avaient déclaré lors des travaux en comité qu'ils souhaitaient amender le projet de loi, mais que, pour ce faire, il fallait le renvoyer aux Communes qui ne siègent pas en ce moment. Il a également été question de savoir si des élections auraient lieu ou pas dans un proche avenir. Si nous risquons le moindrement de voir le projet de loi mourir au Feuilleton, il est préférable de l'adopter dans son libellé actuel plutôt que de le perdre. C'est que je pense en ce qui concerne le projet de loi C-19. Si nous en retardons l'adoption, nous risquons de perdre le projet de loi concernant la Cour pénale internationale.

Honorables sénateurs, il nous a été proposé d'étudier ce projet de loi. Quelques groupes, dont Amnistie Internationale, ont indiqué qu'ils continueraient d'envisager de nouveaux moyens d'améliorer le projet de loi C-19, mais que, après avoir fait la part des choses, ils préféraient que le projet de loi aille de l'avant. Je crois avoir également entendu les témoins exprimer le même avis devant le comité. Le ministre a donné son accord pour notre étude. J'en ai déduit qu'il coopérerait avec nous et qu'il répondrait à notre étude.

(1450)

Je tiens à dire officiellement aussi que je proposerai des modifications sous la forme d'un projet de loi d'initiative parlementaire ou sous une autre forme si elles sont jugées justifiées après notre étude, et si le gouvernement ne se décide pas à apporter des changements. Je prendrai une telle mesure afin que soit créée la Cour pénale internationale, dont le besoin se fait sentir depuis longtemps, d'après moi.

De par sa nature même, cette cour sera vue par le monde entier comme un tribunal polyvalent qui définit certains crimes graves et qui fait en sorte que les criminels soient poursuivis.

Ce tribunal aurait dû être établi il y a longtemps. Nous avons espéré sa création après la Première Guerre mondiale, nous l'avons espérée après les procès de Nuremberg, mais rien ne s'est produit. Nous l'attendons depuis des décennies ou des siècles, peut-être. Rien ne justifie que nous l'attendions plus longtemps.

Ce qui me dérange dans la position du ministre, c'est qu'il a fait savoir que cela servirait de modèle à d'autres pays. À mon sens, comme je l'ai signalé au ministre, compte tenu de la façon dont nous nous y sommes pris et de l'absence d'une saine gestion publique au Canada pour faire adopter le projet de loi et de diligence raisonnable de la part des deux Chambres, nous sommes loin d'être un exemple pour le reste du monde.

Ce que nous devons faire pour mettre le projet de loi en oeuvre est particulier à notre système et est très peu riche en enseignements pour les autres pays. Ceux-ci ont un système politique différent du nôtre. Ils ont besoin de l'aide technique et de l'appui du Canada par l'intermédiaire des groupes intergouvernementaux et parlementaires que nous avons et de l'exécutif faisant usage de ses bons offices pour encourager des pays à ratifier ou à signer le pacte, selon le cas.

À cet égard, je tiens à corriger ce que j'ai dit au cours de mon allocution de deuxième lecture, lorsque j'ai fait savoir qu'une centaine de pays avaient signé le pacte. J'ai fait toutes les semaines le décompte des signatures et des ratifications. J'en ai déduit qu'il y en aurait 100 au moment où je prendrais la parole. En fait, il y en a aujourd'hui 98 et tout porte à croire qu'il y en aura très bientôt plus d'une centaine.

En outre, j'avais été amenée à croire que 13 pays avaient ratifié le pacte. En fait, 12 pays l'ont ratifié et deux autres ont fait savoir qu'ils étaient en train de déposer les instruments en vue d'une ratification. Quatorze pays auront donc bientôt ratifié le pacte.

Je pense que le Canada devrait présenter son projet de loi comme un modèle. Le Canada devrait le présenter comme un exemple de ce que peut être une loi de mise en oeuvre. Je ne pense pas que nous devrions prétendre savoir comment les autres pays devraient procéder. J'ai personnellement aidé d'autres pays à mettre en place un processus de ratification. C'est un dossier délicat et complexe qui comporte des entraves d'ordre juridique et qui nécessite des initiatives politiques. Nous devrions encourager les autres pays. Nous ne devrions toutefois pas présenter notre projet de loi comme une panacée, car ce n'est pas le cas. Pour le moment, c'est ce qu'il y a de mieux, je pense que c'est tout ce qu'on peut dire.

Comme l'a fait remarquer le comité, le projet de loi a besoin d'être amélioré. Si nous formons un comité à cette fin, nous pourrons participer à ce processus.

Honorables sénateurs, il est extrêmement important que nous comprenions que, en soi, la Cour pénale internationale ne sauvera pas une seule vie. Elle ne va en aucune façon modifier la dynamique de la pauvreté ni des pouvoirs autocratiques et oppresseurs que l'on trouve dans le monde entier. Cependant, la CPI marquera le début de l'édification d'une communauté de compassion.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Andreychuk, je suis au regret de vous informer que votre temps de parole a expiré.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Je propose que nous donnions cinq minutes de plus au sénateur.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, la communauté internationale ne peut pas se permettre de retarder davantage la prise de mesures concertées, non pas ponctuelles, mais systématiques. Il est inapproprié que nous continuions à parler d'un Pinochet sans mettre à la même enseigne les autres dictateurs et oppresseurs. Je ne vais pas les énumérer, mais ils sont nombreux de nos jours. Nous ne devrions pas être sélectifs comme ça. Je pense qu'un tribunal est un grand pas en avant pour nous obliger à prendre nos responsabilités.

Par conséquent, je suis en ce moment même en faveur de la troisième lecture, avec hésitation à cause du processus, mais avec enthousiasme en raison de la teneur du projet de loi.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je vais aller un peu à contre-courant. Le sénateur m'a convaincu qu'il n'y avait pas que le processus qui n'allait pas, mais que le projet de loi était lui aussi mauvais. Plus elle parlait, plus j'étais convaincu que ce que nous faisons aujourd'hui est mal.

Est-ce bien le 19 juillet 1998 que le traité a été signé?

Le sénateur Andreychuk: Le 17 juillet 1998.

Le sénateur Prud'homme: J'ai donc raison de conclure que, du moins depuis le 18 juillet 1998, le ministre aurait pu nous rencontrer et essayer de nous convaincre de ce que le sénateur a dit.

Le sénateur a parlé de 100 pays qui ont signé. Les pays peuvent avoir signé le traité, mais cela ne veut pas dire qu'ils l'ont ratifié. L'adoption de ce genre de traité exige qu'il soit ratifié par 60 pays. Selon le sénateur, 14 pays l'ont ratifié jusqu'à maintenant. Je croyais que c'était plutôt 19 pays. Nous pourrions dire qu'entre 14 et 19 pays l'ont ratifié.

Compte tenu du faible nombre de pays qui ont ratifié le traité, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas retarder l'adoption de ce projet de loi pour obtenir plus de renseignements et entendre plus de témoins. J'aurais préféré que le leader du gouvernement au Sénat mette plutôt le projet de loi C-20 en délibération. Il s'attendait à ce que l'étude de cette mesure se fasse rapidement, mais cela pourrait bien prendre tout l'après-midi, ce qui enlève du temps pour l'étude du projet de loi C-20. Je m'en remets à vous.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je ne sais pas si c'était une question ou non, mais j'aimerais répondre.

La signature a eu lieu le 17 juillet 1998. Ce projet de loi sur la Cour pénale internationale est unique. Le traité prévoit que, en signant, un pays est obligé de collaborer à l'établissement de la Cour pénale internationale. Par conséquent, c'est quelque peu différent des autres traités qui ont été signés, mais n'ont pas été ratifiés. La signature de ce traité impose une obligation en ce qui a trait à la ratification.

Le sénateur Nolin: Normalement, la ratification est un geste de l'exécutif. C'est une prérogative royale. L'exécutif n'a pas besoin de demander l'autorisation du Parlement.

Pourquoi le fait-il cette fois-ci? Est-ce parce qu'il est nécessaire de modifier des lois? Si c'est le cas, il n'a pas besoin de nous pour ratifier le traité. Il pourrait le faire demain, ou il aurait pu le faire la semaine dernière. Il pourrait demander des modifications à d'autres lois. Il n'a pas besoin de nous pour ratifier le traité.

Le sénateur Andreychuk: Le sénateur a absolument raison de dire que c'est l'exécutif qui ratifie le traité. Il aurait pu le faire, mais cela aurait voulu dire que nos lois n'auraient pas été conformes aux engagements que nous prenons à l'égard de la Cour pénale internationale.

Je crois donc que c'est une meilleure façon de procéder. J'encouragerais les autres gouvernements à agir de la même façon si ce traité a une incidence importante sur leurs lois nationales. Les autres pays devraient faire adopter la mesure législative de mise en oeuvre en même temps que la ratification.

Le sénateur devra poser sa question concernant les motifs du gouvernement à une autre source.

(1500)

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, j'aimerais parler au sujet du projet de loi. Je me suis intéressée à cette question presque depuis le début, lorsque j'étais présidente du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, à Montréal. Nous travaillons sur cette question depuis environ cinq ans.

Il ne s'agit pas d'une idée nouvelle. Les ONG du Canada, par l'entremise des églises et d'autres organisations, ont pleinement appuyé cette idée. Je dois féliciter le Canada d'avoir veillé à ce qu'il soit tenu compte des deux sexes dans le projet de loi final. Aucun autre pays n'a travaillé aussi fort sur ce dossier.

Honorables sénateurs, le projet de loi n'est pas parfait, mais c'est un bon point de départ pour empêcher les criminels du monde entier de continuer de jouir d'une parfaite impunité.

Deuxièmement, ce projet de loi représente un formidable progrès pour ce qui est de sensibiliser la communauté internationale au principe de la primauté du droit. Il est donc extrêmement important que le Canada énonce cela clairement et fermement.

Troisièmement, le projet de loi C-19 est un travail en évolution. J'insiste là-dessus. Je suis heureuse que le comité ait reconnu cela et qu'il se soit engagé à étudier les problèmes et les préoccupations découlant du projet de loi, ainsi que l'évolution de la situation par rapport à l'entrée en vigueur du Statut de Rome. Car, il faut bien le dire, les problèmes et préoccupations évolueront. Il s'agit d'un problème international et non pas uniquement canadien. Certains pays refusent d'adopter ce statut; ils ne veulent même pas envisager de le ratifier, ils s'opposent à ce que des poursuites soient intentées contre leurs criminels à l'échelle internationale et ils exercent beaucoup de pressions pour qu'il soit rejeté.

Je suis ravie que le comité des affaires étrangères se soit engagé à étudier la question, car il y aura, au fil des ans, des problèmes nouveaux et d'autres qui évolueront. Nous devons discuter de cela.

De plus, le Canada se doit aussi de rendre ses lois conformes aux exigences de la Cour pénale internationale. Ce sera toute une tâche.

Quatrièmement, je suis très heureuse que la phrase du rapport indiquant que le projet de loi devrait servir de modèle ait été supprimée. Je ne crois pas aux modèles. Le Canada a joué un rôle important en facilitant le ralliement de différents pays autour de ce projet de loi. Nous continuerons d'offrir un soutien technique aux pays en développement, pour les aider à surmonter les passages difficiles. Le mot «modèle» n'était pas bien choisi.

Enfin, je ne me sens pas bousculée. Nous devrions adopter le projet de loi aujourd'hui, tout en sachant que nous devrons revenir sur cette mesure législative. Nous l'attendons depuis longtemps et nous ne pouvons pas risquer de la laisser passer.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je suis membre de ce comité et j'aimerais parler de certaines des questions qui ont été soulevées ici aujourd'hui.

Tout d'abord, j'appuie ce projet de loi. J'ai exhorté le comité à aller de l'avant avec ce projet de loi et, avec l'aide du président, du sénateur Andreychuk, ainsi que d'autres membres du comité, nous avons formulé un très bon modèle pour le Sénat pour traiter un projet de loi qui est une mesure en cours d'élaboration et qui apportera des changements très complexes.

Ce projet de loi nous entraîne sur une voie différente en ce qui concerne les violations flagrantes du droit international. Il nous permet d'être un chef de file et de nous placer au premier plan des pays qui sont prêts à aller de l'avant et à appliquer - non pas seulement ratifier mais appliquer - une législation intérieure visant à faciliter ce processus, de façon à ce que nos lois nationales soient en accord avec les lois étrangères. Ce projet de loi est une mesure importante dans ce sens.

Il présente cependant des imperfections. J'ai eu la chance - ou la malchance - de lire tout le projet de loi et de suivre de très près les débats à l'autre endroit. J'étais préoccupé par l'exemption concernant l'affaire Pinochet, mais elle a été amendée au dernier moment à l'autre endroit. Ma propre réserve, dont j'ai fait part au leader adjoint, a donc été réglée à l'autre endroit.

Le projet de loi contient d'autres imperfections. Des questions ont été soulevées au sujet des définitions, de l'harmonisation et de la rédaction, qui sont des éléments fort complexes. Aucune critique n'a cependant été formulée contre l'essence même du projet de loi ou ne portait sur des défauts fondamentaux. La portée et les conséquences de certaines définitions soulèvent de sérieuses questions. En comité, lorsque moi-même, le sénateur Andreychuk et le président avons demandé au ministre s'il faciliterait une étude, il a dit oui. Il a reconnu avec les sénateurs Wilson et Andreychuk que le projet de loi n'était pas parfait, qu'il contenait des défauts, mais aucun défaut fondamental cependant. Nous faisons preuve de leadership.

Un honorable sénateur a demandé pourquoi il fallait le faire maintenant, pourquoi ne pas étudier le projet de loi la semaine prochaine ou la semaine suivante. À compter de cet été, il y aura une série de rencontres internationales. Dans environ une semaine, je serai à Bucarest pour aider notre délégation à persuader des représentants de pays d'Europe de l'Est à inciter leurs assemblées législatives à ratifier rapidement le statut et à le mettre en oeuvre. Se présenter les mains vides lors des différentes rencontres internationales de cet été donnerait du Canada l'image d'un «grand parleur, petit faiseur». J'ai jugé important d'adopter rapidement le projet de loi. J'ai été très heureux que le président du comité ait facilité l'étude rapide du projet de loi.

Le projet de loi soulève des questions, mais il y a différentes façons d'y répondre. Tout d'abord, l'étude nous permettra d'examiner le projet de loi à fond, sur une base continue, et de l'améliorer. Cela ne fait aucun doute. Nous pourrons améliorer le projet de loi, mais le ministre peut faire encore plus. Le traité de Rome et le droit international prévoient un processus permettant de raffiner les définitions et d'autres éléments en passant par le secrétaire général des Nations Unies. Ce processus a déjà été utilisé au moins quatre fois, comme en font foi les quatre procès-verbaux du secrétaire général apportant des corrections au texte du Statut de Rome.

Le ministre connaît les préoccupations exprimées. Elles lui ont été signalées par écrit, bien sûr, mais aussi verbalement. J'espère que le ministre, qui a joué un excellent rôle de leadership au nom du Canada, prendra l'initiative d'amener l'ONU à corriger le texte en fonction du témoignage entendu par le comité.

Le problème vient du fait que certaines préoccupations exprimées sèment une certaine confusion. Nous avons entendu le témoignage de M. Narvey au nom de la Coalition of Congregations. Il avait de sérieuses préoccupations devant la perspective de voir criminaliser des mouvements de population. Il s'agit là d'un aspect important des définitions, d'un élément de fond qui pourrait avoir de graves conséquences pour nos amis et aussi pour d'autres, qui ne sont pas nécessairement nos amis.

Grâce à ce processus complexe mais approprié consistant à étudier le projet de loi et à en faire un examen à la fin de l'étude, le ministre sera disposé à accueillir des amendements si nous estimons qu'il faut apporter des corrections.

Je tiens à féliciter tous les honorables sénateurs d'avoir pris le temps d'examiner attentivement le projet de loi. J'ai lu les 500 pages que comporte ce traité, ainsi que la loi de mise en oeuvre. Ce n'est pas une lecture agréable. Croyez-moi, honorables sénateurs, quand je vous dis que le projet de loi est très bien conçu et mérite d'être adopté.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je serai très brève. Je tâcherai essentiellement de formuler certaines objections quant à la façon dont s'est déroulée l'étude du projet de loi.

Honorables sénateurs, si ce projet de loi était si important, on aurait pu nous en saisir il y a deux ou trois semaines pour que les sénateurs puissent l'étudier convenablement et lui accorder toute l'attention qu'il mérite.

Je n'ai pas lu le projet de loi, mais j'ai beaucoup lu au sujet de la création de ce tribunal et au sujet de la formation du Tribunal international pour la répression des crimes de guerre dont, vous le savez, Mme Louise Arbour était le procureur en chef.

Or, le rapport du comité condamne le projet de loi. Je suis persuadée que d'autres sénateurs ont signalé ce fait. Dans son dixième rapport, le comité exprime le grand regret de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour l'étudier et ajoute, quelques lignes plus loin, que le sujet du projet de loi devrait faire l'objet d'une étude de trois ans. Il me semble qu'il s'agit d'une affaire extrêmement sérieuse. Le comité dit, dans son rapport, que ces questions méritent d'être étudiées et il déplore de ne pas avoir pu leur accorder une attention suffisante. Voilà une observation très sérieuse et, à mon avis, très accablante.

Je ferai également remarquer qu'on ne s'est toujours pas prononcé sur le succès ou l'échec du Tribunal international pour la répression des crimes de guerre commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie. Il aurait été agréable que le comité puisse entendre des témoins qui ont participé aux activités du tribunal. J'aurais aimé, par exemple, que le comité recueille le témoignage d'un homme que je connais, Ramsey Clark, ancien secrétaire à la Justice des États-Unis. Je suis passablement certaine qu'il aurait été heureux de nous faire part de ses opinions. De nombreux avocats canadiens ont également travaillé au tribunal international à Arusha, en Tanzanie, et je suis persuadée qu'ils se seraient fait un plaisir de comparaître à titre de témoins.

(1510)

L'une des questions que personne n'a abordées aujourd'hui, que je sache, est celle de l'importance ou de la création même de la Cour pénale internationale, et de sa juridiction. Comment obtient-elle sa souveraineté et sa juridiction? Voilà des questions qui hantent un grand nombre de juristes en droit international aux quatre coins du monde. J'aurais voulu demander expressément pourquoi les États-Unis s'opposent à la Cour pénale internationale. J'aurais voulu en savoir beaucoup plus sur les relations entre le Canada et les États-Unis sur ce dernier point.

J'aurais voulu qu'on explique très soigneusement au Sénat pourquoi la Cour pénale internationale a été créée en dehors de la structure de l'ONU. Bien des gens au Canada semblent croire qu'il s'agit d'une création de l'ONU ou que cette nouvelle instance sera en quelque sorte un organisme ou un agent des Nations Unies. Il n'en est rien. La cour n'est pas rattachée à l'ONU.

Ce sont là des questions importantes. Il aurait fallu en saisir le comité de affaires étrangères. À mon avis, c'est une façon de procéder inutile et tout à fait irrégulière.

Pour terminer, j'en ai quelque peu contre les sénateurs qui se lèvent pour dire que le fait d'étudier un tant soit peu un projet de loi équivaut à retarder le processus. D'une part, le projet de loi pourrait tout aussi bien être adopté en septembre. Il n'y a aucune raison pour que ce projet de loi ne soit pas le premier point à l'ordre du jour à notre retour, en septembre. D'autre part, un changement structurel s'impose de toute façon au niveau des perspectives, si nous estimons maintenant qu'une étude minimale par le Sénat équivaut à retarder les choses. Il y a lieu de faire une distinction entre les mots «retard» et «étude par le Sénat».

Honorables sénateurs, je suis heureuse, honorée, encouragée et optimiste à l'idée que le ministre Axworthy appuie le Sénat dans son étude. Ce sera la première fois dans l'histoire de la Chambre haute que le ministre Axworthy appuiera celle-ci. J'attendais cette occasion avec impatience, parce que M. Axworthy ne s'est pas gêné pour dire à qui voulait l'entendre ce qu'il pense du Sénat. Ce serait là un progrès novateur. En fait, ce pourrait bien être la meilleure chose à ressortir de tout cet exercice. J'espère seulement que M. Axworthy se souviendra, tout en faisant preuve de considération et d'empressement, de l'engagement pris par l'honorable sénateur d'en face qui me sourit et qui se fait rassurant. Bien franchement, si une telle étude devait se concrétiser, ce serait une initiative splendide et merveilleuse à laquelle nous pourrions tous contribuer.

Cela étant dit, honorables sénateurs, si le projet de loi est aussi important que l'affirme le sénateur Andreychuk, il aurait pu être présenté en temps opportun et faire l'objet de l'étude en bonne et due forme qu'il méritait. Il aurait dû obtenir toute l'attention voulue. C'est, honorables sénateurs, une question de gestion de la législation et non une question de substance.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, très brièvement, le Statut de Rome établissant la Cour pénale internationale constitue l'une des plus importantes réalisations internationales de l'ère de l'après-guerre froide. La communauté internationale s'en trouve élevée à un niveau de civilisation supérieur. Le gouvernement du Canada, le ministre plus particulièrement, mérite nos félicitations pour le travail qu'il a accompli afin d'obtenir l'établissement de la Cour pénale internationale, sans oublier le travail remarquable de l'ambassadeur canadien, Philippe Kirsch, qui a dirigé la délégation canadienne durant les travaux.

Pour ma part, il est impensable que ce projet de loi ne soit pas adopté. Bien sûr, je me joins aux autres sénateurs pour protester contre la manière selon laquelle nous avons été forcés d'accepter et d'étudier ce projet de loi à toute vapeur - à telle enseigne que mon propre bureau n'a même pas été informé de l'audience du comité qui s'est tenue hier après-midi.

Cela dit, je dois déterminer si la nécessité d'étudier le projet de loi en mode accéléré est plus importante que la diminution du rôle du Sénat. La raison pour laquelle le projet de loi doit être adopté rapidement, c'est que le Canada doit être en position de force pour travailler à la ratification de la cour par la communauté internationale. Soixante pays doivent ratifier le Statut. Il y a donc beaucoup de travail à faire, et le Canada est bien placé pour faire avancer les choses.

Par conséquent, l'adoption rapide du projet de loi doit l'emporter sur le manque d'égard dont on a fait preuve envers le Sénat en cette matière. J'appuie donc l'adoption du projet de loi aujourd'hui, ainsi que de l'étude en cours qui a été recommandée.

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi appuyer le projet de loi. Cela fait maintenant trois ans, par l'entremise de l'Union interparlementaire et d'autres groupes actifs sur la scène internationale, que nous faisons la promotion de l'adoption de ce projet de loi grâce auquel, enfin, les personnes coupables de crimes de guerre pourront être poursuivies et punies.

Je peux vous dire que le ministre Axworthy, qui a une excellente réputation à l'échelle internationale pour le travail qu'il fait et qui est également bien connu pour le rôle qu'il a joué dans le dossier des mines antipersonnel, est maintenant disposé à consacrer des efforts et de l'énergie, avec nous tous à ses côtés, sur la scène internationale. Dans cette optique, il a récemment nommé Irwin Cotler, de l'autre endroit, qui est bien connu partout au monde comme un défenseur des droits de la personne et qui connaît bien le droit international, pour aider d'autres pays à aller de l'avant une fois que nous aurons établi un modèle ou donné l'allure en adoptant les mesures législatives nécessaires pour ratifier ce traité, c'est-à-dire le Statut de Rome.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à adopter le Statut de Rome maintenant.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le projet de loi est lu une troisième fois.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, la prochaine mesure d'initiative gouvernementale que je compte proposer est le projet de loi C-20. Auparavant toutefois, j'aimerais qu'on m'autorise à faire un bref exposé sur les travaux du Sénat puisque nous approchons du congé estival.

Vous aurez peut-être entendu plus tôt que j'ai demandé la permission de revenir à la motion d'ajournement plus tard au cours de la journée. Je l'ai fait dans le but de proposer une motion. Je consulterai mon collègue, le sénateur Kinsella, à ce sujet un peu plus tard au cours de la journée, mais j'aimerais proposer que lorsque nous terminerons nos travaux aujourd'hui, nous nous ajournions à 13 heures demain, plutôt qu'à 14 heures comme il est normalement coutume.

J'aimerais également souligner que j'ai discuté avec le sénateur Kinsella, qui est le leader adjoint de l'opposition, de la question des derniers orateurs dans le dossier du projet de loi C-20 . Nous nous sommes, de façon générale, entendus pour dire qu'à environ 14 h 15 demain, nous collaborerons pour que Son Honneur voie le leader de l'opposition pour qu'il puisse intervenir dans le débat sur le projet de loi C-20.

(1520)

Il resterait environ 75 minutes avant le dépôt de la motion, qui aurait lieu à 15 h 30, après quoi le timbre se fera entendre, et le vote se tiendra à 16 heures. Le chef de l'opposition pourrait prendre la parole durant environ 40 minutes et le leader du gouvernement, durant environ 35 minutes.

Demain, il se pourrait qu'après la sanction royale nous devions aborder des questions que nous n'aurons pas eu le temps de traiter entre 13 heures et 14 h 15. Nous noterons l'absence du leader du gouvernement en début d'après-midi, mais il est à espérer qu'il sera ici pour la période des questions, mais je ne puis pas le garantir pour le moment.

Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella voudra peut-être faire une observation, et je serais heureux de répondre à vos questions. Nous passerons alors au projet de loi C-20. Le débat a été ajourné par le sénateur Grafstein, mais je crois savoir qu'il a l'intention de céder la place au sénateur Pitfield, qui prendra la parole en premier au sujet du projet de loi.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, avant de passer au projet de loi C-20, je me demande si le camp gouvernemental a prévu du temps demain pour rendre hommage au leader du gouvernement au Sénat, au cas où il y aurait une élection à l'automne. Demain pourrait être son dernier jour ici. Je ne voudrais pas rater l'occasion de lui souhaiter bonne chance.

Le sénateur Hays: Je suis sensible à cette préoccupation, bien caractéristique du sénateur Lynch-Staunton, pour les gens de ce côté-ci. Mais n'ayez crainte, honorables sénateurs, car si, comme prévu, le sénateur Boudreau nous quitte, je suis convaincu qu'il reviendra souvent en qualité de ministre de l'autre endroit afin de nous faire profiter de sa sagesse, ce qui ne peut que nous réjouir. Je ne crois pas nécessaire de prévoir du temps pour lui rendre hommage.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, pour terminer dans l'harmonie, ce dont nous semblons manquer ces jours-ci, pourquoi le leader adjoint du gouvernement ne nous donne-t-il pas une liste précise des projets de loi qu'il compte présenter d'ici à la fin des travaux? Hier soir, je suis resté jusqu'à la toute fin car je ne savais pas à quoi m'attendre. Si le leader adjoint du gouvernement annonçait les projets de loi que le gouvernement tient à faire examiner, il obtiendrait notre coopération, mais il faudrait que nous sachions dans quel ordre ces initiatives seront présentées. Je préférerais que nous nous consacrions exclusivement aujourd'hui au projet de loi C-20 et je pense que c'est là aussi le voeu de tous les sénateurs.

Si personne ne veut intervenir ce soir au sujet de ce projet de loi, je propose que le leader adjoint donne l'ordre du jour qui sera suivi, aussi bien pour aujourd'hui que pour demain. Il est certains projets de loi à propos desquels des sénateurs souhaitent intervenir et nous pourrions indiquer, dans un esprit de coopération, si nous sommes prêts ou pas à le faire pour tel ou tel projet de loi. Quels sont les projets du leader adjoint pour d'ici à l'ajournement pour l'été?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je récapitule brièvement l'ordre des Affaires du gouvernement, qu'il nous reste à examiner. Nous espérons renvoyer aujourd'hui aux comités appropriés le projet de loi C-27, qui concerne les parcs nationaux du Canada; le projet de loi C-5, sur la Commission canadienne du tourisme; et le projet de loi C-24, sur la taxe d'accise, et cetera. Je me suis entretenu avec le sénateur St. Germain et je crois savoir qu'il est prêt à parler du projet de loi S-26. S'il le fait un peu plus tard aujourd'hui, je pense bien que le projet de loi pourra être renvoyé au comité. En ce qui concerne projet de loi C-37 sur les allocations de retraite, je pense que le sénateur Lynch-Staunton prendra la parole aujourd'hui et le projet de loi pourra être renvoyé au comité. Je ne sais pas si le sénateur Rompkey parlera ou non du projet de loi S-25. Voilà en quelques mots ce que nous espérons accomplir aujourd'hui, sénateur Prud'homme. Quant à ce que nous ferons après aujourd'hui, il m'est difficile d'en parler.

Je signale cependant que, d'après l'échéancier que j'ai donné, il se peut que nous manquions de temps pour entendre d'autres intervenants sur le projet de loi C-20, demain. Il importe donc que les sénateurs qui souhaitent s'exprimer au sujet de cette initiative essaient de le faire aujourd'hui.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser. L'avis de motion qui a été donné hier en mon nom, et qui figure maintenant au Feuilleton sous l'article 80, n'entre pas dans le cadre de l'étude du projet de loi C-20, mais constitue une façon pour plusieurs sénateurs de faire connaître, à l'autre endroit, leur opinion sur certains défauts que présente le projet de loi C-20. Cela ne veut pas dire que je veux faire inclure cette résolution dans le projet de loi C-20, mais je crois qu'elle est à peu près aussi importante que le projet de loi. Puisque nous sautons indifféremment d'une section à l'autre du Feuilleton depuis quelques jours, serait-il possible d'entendre une ou deux interventions au sujet de l'article numéro 80 du Feuilleton d'ici 19 heures, 20 heures ou 21 heures ce soir?

Le sénateur Hays: Nous finirons par aborder cet article, sénateur Taylor, quoique un peu plus tard aujourd'hui. Ces articles dont je fais l'appel à certains moments sont tous des articles inscrits au nom du gouvernement, et notre Règlement me permet de le faire en tant que leader adjoint du gouvernement. Il ne m'est cependant pas possible de faire ce que vous me proposez de faire, sauf erreur, c'est-à-dire faire avancer votre avis de motion de sorte que nous l'abordions après notre étude du projet de loi C-20. C'est une affaire qui concerne le Sénat tout entier et qui exige la permission du Sénat tout entier. Je ne crois pas qu'il serait convenable ne serait-ce que de demander la permission de le faire tandis que nous en sommes à l'étude des affaires du gouvernement, car je ne pourrais pas accorder la permission. Si l'honorable sénateur désire demander la permission après l'étude des affaires du gouvernement, il incombera aux sénateurs d'entendre sa demande et de donner leur permission.

Le sénateur Taylor: Merci. Mon taux de succès quand je demande la permission de l'opposition, particulièrement en tant que président suppléant occasionnel du comité de l'énergie, est désastreux. Je ne l'obtiens jamais, mais quand on vient de l'Ouest on a l'habitude de vivre d'espoir. Je reviendrai sans doute à la charge un peu plus tard.

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Troisième lecture-Motions d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Graham, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Watt, appuyée par l'honorable sénateur Adams, que le projet de loi C-20 soit modifié, au paragraphe six du préambule, comme suit:
qu'elle a confirmé qu'au Canada, la sécession d'une province, pour être légale, requerrait une modification à la Constitution du Canada, qu'une telle modification exigerait forcément des négociations sur la sécession auxquelles participeraient notamment les gouvernements de l'ensemble des provinces et du Canada ainsi que les représentants des peuples autochtones du Canada, en particulier ceux de la province dont le gouvernement a proposé le référendum sur la sécession, et que ces négociations seraient régies par les principes du fédéralisme, de la démocratie, du constitutionnalisme et de la primauté du droit, et de la protection des minorités;
et au paragraphe 3(1), comme suit:
Il est entendu qu'il n'existe aucun droit, au titre de la Constitution du Canada, d'effectuer unilatéralement la sécession d'une province du Canada et que, par conséquent, la sécession d'une province du Canada requerrait la modification de la Constitution du Canada, à l'issue de négociations auxquelles participeraient notamment les gouvernements de l'ensemble des provinces et du Canada ainsi que les représentants des peuples autochtones du Canada, en particulier ceux de la province dont le gouvernement a proposé le référendum sur la sécession.
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, que le projet de loi C-20 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:
a) à l'article 1, à la page 3, par substitution, à la ligne 40, de ce qui suit:
«cielles du Sénat, des résolutions ou déclarations officielles des représentants de la minorité francophone ou anglophone de chaque province, en particulier ceux de la province en cause, des résolutions ou déclara-»;
b) à l'article 2, à la page 5, par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit:
«les des représentants de la minorité francophone ou anglophone de chaque province, en particulier ceux de la province en cause, des résolutions ou déclarations officielles des représentants des peuples autochtones».
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Grafstein, que le projet de loi C-20 ne soit pas maintenant lu une troisième fois mais qu'il soit modifié:

a) à la page 2, par adjonction, après la ligne 40, de ce qui suit:

«1. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le gouvernement du Canada agit en tout temps selon le principe que le Canada est un et indivisible.»;

b) à l'article 3, à la page 5, par adjonction, après la ligne 25, de ce qui suit:

«(2) S'il est conclu, conformément à l'article 3, qu'une majorité claire de la population d'une province a déclaré clairement qu'elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada:

a) le gouvernement du Canada consulte par référendum national la population du Canada sur le projet de sécession;

b) après le référendum national, le Sénat et la Chambre des communes peuvent, par résolution conjointe, autoriser le gouvernement du Canada à engager des négociations portant sécession de la province du Canada, sous réserve des conditions prévues dans la résolution.»; et cetera

c) par le changement de la désignation numérique des articles 1 à 3 à celle d'articles 2 à 4, du paragraphe 3(2) à celle de paragraphe (3), et par le changement de tous les renvois qui en découlent.

L'honorable P. Michael Pitfield: Honorables sénateurs, je suis plutôt étonné. Je ne sais pas si je dois interpréter la présence d'un lutrin comme un signe que je dois me préparer à m'acquitter des charges d'un ministère, ou peut-être que les observations que j'ai faites la dernière fois ont été entendues en haut lieu et que quelqu'un a eu pitié de moi. Je lui en suis reconnaissant ainsi qu'à vous tous.

(1530)

Vous serez peut-être surpris de m'entendre dire qu'il y a un certain nombre de raisons donnant à penser que, lorsque nous examinerons la situation en rétrospective, nous conclurons que nos discussions sur le projet de loi C-20 ont été parmi les plus valables que nous ayons eues depuis très longtemps. À mon avis, il y a tout d'abord, parmi les éléments positifs, l'analyse que le sénateur Joyal a faite de l'indivisibilité. Cela a redonné un nouveau souffle aux discussions. Certains rejettent d'emblée ce genre de discussions sous prétexte qu'elles sont trop théoriques. Pourquoi voudrait-on accaparer le temps de personnes fort occupées pour examiner la question de l'indivisibilité? C'est comme s'interroger sur le sexe des anges. En agissant ainsi, on néglige toutefois certains aspects clés qui consistent à assurer une réflexion populaire qui soit cohérente, logique et rigoureuse. Le comité et les témoins qu'il a entendus ont clairement montré que le gouvernement a poussé très loin la politique d'assentiment et de conciliation qu'il a élaborée.

Par exemple, il y a tout d'abord l'argument du ministre Dion concernant une sorte de prérogative royale qui permettrait à Ottawa de morceler le Canada sans disposer d'autres pouvoirs. Deuxièmement, le ministre semble supposer que la population appuierait cela, qu'elle ait été consultée ou non.

Personnellement, je trouve fort douteuse la valeur de cette approche. Le comité et les témoins qui ont comparu devant lui se sont employés à détruire un certain nombre d'hypothèses sur lesquelles ces politiques reposent.

Je trouve que l'analyse que le sénateur Joyal a faite de la position du gouvernement en faveur de la divisibilité du Canada sur le plan territorial est un travail extraordinaire, propre à susciter une réflexion. On discutera abondamment de cette analyse, mais je suis prêt à parier qu'un revirement majeur s'est produit par rapport aux arguments que les provinces et le gouvernement fédéral invoqueront relativement à la réforme constitutionnelle, sans compter que la divisibilité sera farouchement contestée.

Mais le plus important, c'est peut-être que le fait d'appuyer la divisibilité ou l'indivisibilité est assorti d'un coût considérable à payer par rapport à ses possibilités de faire autre chose. C'est très bien ainsi. Nous voulons que des débats comme celui-ci soient axés sur des questions que les participants estiment vraiment importantes, mais cela prend du temps.

Bon nombre invoqueront des arguments de peur - de fait, certains l'ont essayé au comité - pour empêcher les Canadiens d'adopter un point de vue rigoureusement réaliste concernant les difficultés sérieuses auxquelles le pays risquerait de faire face s'il y avait un autre référendum. De toute évidence, des Canadiens pensent encore qu'ils peuvent en obtenir davantage d'autres Canadiens.

Je ne suis pas de cette école. Selon moi, le message n'est pas inamical, mais il est néanmoins là. Nous avons toutes sortes de raisons d'avoir confiance en notre avenir au sein d'un univers en rapide évolution, mais il y a des indices de plus en plus nombreux montrant que les gens en ont assez de parler de constitution. Ils estiment être allés aussi loin qu'ils le devaient et ils veulent se consacrer à l'évolution d'autres dossiers. D'après moi, nous ne devons pas surestimer notre capacité de demeurer unis artificiellement sous l'impulsion des mythes, des jeux et des cliques, et de la mince reconstruction de l'histoire selon le scénario que le gouvernement semble enclin à mettre en place par l'entremise de l'orientation de ses dépenses, de la nomination de ses partisans ou de quelque autre mesure.

Les distinctions entre la position du ministre Dion et celle du sénateur Joyal sont manifestes, et c'est très important. Elles sont le reflet de convictions fondamentales différentes au sujet de la politique socioéconomique et, inévitablement, de la politique économique, et c'est important. Elles ne sont pas entièrement théoriques.

Même à l'heure actuelle, les dirigeants du Parti de l'Alliance canadienne se demandent comment ils vont combler les écarts qui séparent leurs propres membres. Parlez à ces intervenants, et chacun est très rapidement et très profondément marqué par les chemins différents qu'empruntent nos intervenants politiques, peu importe le sens de cette expression.

Un des problèmes tient au fait que le gouvernement au pouvoir n'apparaît pas conscient de la mesure dans laquelle il semble recourir à la manipulation comme mode de gestion et à quel point les Canadiens trouvent cette façon de faire répréhensible. Par conséquent, la crédibilité de la politique et des politiciens ne cesse de diminuer.

Il existe un fort sentiment de malaise général. C'est un message de déclin généralisé. Du poste d'équipage jusqu'au pont, le message qui circule est un message d'appréhension générale, et aucune réponse n'est donnée aux membres.

Nos institutions constituent le point vital, d'abord parce que ce sont elles qui donnent à la collectivité sa capacité de réflexion et de coordination et, deuxièmement, parce dans notre système politique elles n'ont jamais bénéficié d'une protection spéciale autre que dans quelques cas de défense nationale. Nous escomptons que nos institutions vont être florissantes mais, essentiellement, nous nous en remettons à la chance à cet égard, une chance qui est fondée sur notre richesse. La chance nous a souri jusqu'à maintenant. Nous avons tort de croire que nous pouvons solliciter sans fin nos institutions et constamment les bousculer comme nous le faisons.

Dans le projet de loi C-20, le gouvernement a porté un coup bas au Sénat. Il n'y a rien de nouveau dans cela. Cela implique un déclin général du mandat du Sénat. Le Sénat a, par une série d'annonces, été avisé que le gouvernement va annuler ou modifier le fondement de certaines grandes institutions de notre système gouvernemental. On ne saisit pas ce genre de réforme jusqu'à ce qu'on se penche sur la Loi du Sénat et la Chambre des communes et qu'on examine ce que cela sous-entend - et cela est bien sous-entendu. Cela n'est pas dit ouvertement, mais de façon insidieuse et sournoise. Personne n'a annoncé de politique ou n'a dit dans quel sens devrait aller la politique sur les institutions. Je crois franchement que peu de parlementaires sont conscients de ce que devraient être nos institutions.

(1540)

Les intentions du gouvernement n'ont pas été annoncées. On les a laissées transparaître, comme par hasard, dans l'administration publique courante. Si le public est traité ainsi, et il n'y a aucune raison de croire que ce n'est pas le cas, on peut s'interroger sur les capacités de gestion du gouvernement.

Très peu de sénateurs et de députés ne sont pas tout à fait conscients de ce qu'il leur en coûte de représenter leurs électeurs ou de défendre les intérêts de ces derniers, où que les mènent leurs responsabilités institutionnelles. Les institutions de notre pays ont une histoire riche. Je ne pense pas que quiconque, en particulier les membres des deux Chambres principales, soit entièrement conscient de leur contribution.

Selon des rumeurs qui courent depuis longtemps, le Sénat va être aboli. Soit. Mais il faudrait envisager d'autres rôles pour l'institution.

Son Honneur le Président pro tempore: Je regrette de devoir interrompre le sénateur Pitfield, mais le temps mis à sa disposition est désormais expiré. Le sénateur demande-t-il la permission de poursuivre?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que le sénateur Pitfield dispose de 15 autres minutes.

Son Honneur le Président pro tempore: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Pitfield: Je remercie les sénateurs. Je ne parlerai pas aussi longtemps que cela. Je m'excuse, mais cette question me tient fort à coeur et je voudrais beaucoup obtenir l'appui des sénateurs.

Dans un pays comme le Canada, une innovation institutionnelle concernant les relations fédérales-provinciales pourrait être fort importante. Cela n'a jamais été essayé. Si l'on considère comment notre gouvernement a évolué au cours des 130 dernières années, on voit que la taille de la fonction publique s'est accrue sans bon sens. Le nombre des élus et des membres de l'organisation politique secondaire, le Sénat, est restée étonnamment constant. Il s'est accru, oui, mais pas de beaucoup.

Quand il a vu cela, M. Pearson a commencé à élargir l'interface politique du gouvernement avec ses représentants auprès du peuple. Il avait une idée très claire de ce que les politiciens du Sénat devaient être et devaient faire. Il a présenté, à la fin des années 70, la Loi sur l'organisation du gouvernement, qui prévoyait le Cabinet élargi et les secrétaires et adjoints politiques dont M. Trudeau et ses successeurs se sont prévalus plus tard, fort heureusement, car la participation est au coeur du système parlementaire. Avec la participation, on peut mettre en place un mécanisme libre et en grande partie autosuffisant financièrement pour représenter les intérêts politiques non bureaucratiques.

Compte tenu de sa situation, le Sénat doit avoir une très grande valeur en tant que système politique. Sa valeur monte sans cesse alors que le moment de ces négociations arrive.

La question est ensuite de savoir pourquoi on soulève cette proposition maintenant, lorsque d'importantes négociations constitutionnelles sont sur le point de commencer. Et pourquoi le faire de cette façon trompeuse et sournoise, qui ne ressemble en rien à ce qu'on attendrait d'un gouvernement sûr de son pouvoir et fier de son programme. C'est étrange.

Aucune formule de la loi n'est plus fréquemment citée dans un pays comme le Canada que celle qui commence par l'expression suivante: «La reine, sur les conseils du Sénat et de la Chambre des communes, a décidé telle ou telle chose». Voici que tout cela disparaît implicitement.

Je ne peux pas croire que les tribunaux reconnaîtraient la constitutionnalité de cette mesure législative, qu'ils la considéreraient comme une interprétation de la loi ou comme un élément justifiant la modification de la loi. Examinez-la. Retournez à vos bureaux, honorables sénateurs. Vous avez sûrement une copie de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dans votre bibliothèque. Consultez-la et voyez comment elle crée ces institutions. D'un point de vue technique, ces institutions sont tout à fait remarquables.

Je ne peux pas croire que les tribunaux reconnaîtraient la constitutionnalité de cette loi. Je ne vois pas comment les tribunaux pourraient en arriver à la conclusion que le Sénat peut se faire subtiliser ses pouvoirs par la Chambre des communes qui les remplirait à sa place. C'est fort peu probable.

Cherchera-t-on à miner encore davantage le Sénat? S'agit-il d'un précédent illustrant l'avenir réservé au Sénat? Qu'est-ce que tout cela nous apportera si le changement est contesté devant les tribunaux et annulé? Ne serait-il pas plus utile d'en faire immédiatement l'objet d'un renvoi?

(1550)

Toute cette tactique qui vise à dénigrer progressivement le Sénat aux yeux du public me semble perverse et déplacée. Un agent de la Couronne est tenu par la loi de servir la Couronne et de protéger son patrimoine. Comment les représentants nommés d'une région qui ont prêté serment se sentent lorsqu'ils doivent appuyer des intérêts si contradictoires?

Sommes-nous sur le point de voir un grand nombre d'agents nommés par le gouvernement se sacrifier pour remplir leur devoir devant la Couronne? Ou allons-nous devoir avouer que les serments d'allégeance, le principe de l'imputabilité et toutes les mesures qui rendent notre régime politique authentique et unique et qui nous mettent en relation directe avec la population de notre pays ne sont plus que des notions romantiques?

Je n'arrive pas à croire qu'un jour le gouvernement fédéral pourrait soudain conclure qu'une institution comme celle dont nous avons accepté d'assumer la responsabilité lorsque nous avons prêté serment doive devenir une institution qu'il peut dénigrer publiquement. Au cours des 130 dernières années, notre institution n'a fait qu'accroître son efficacité et la mesure dans laquelle le gouvernement se repose sur le Sénat.

Je me demande si le gouvernement songe parfois à doter le régime fédéral d'un système parlementaire à assemblée unique. Cependant, bien des raisons militent contre cette idée. Nous ne devrions pas nous livrer à ces jeux. Il y a bien trop à faire. Nous devrions plutôt nous efforcer de mieux faire notre travail. Nous devrions contribuer à déterminer de nouvelles façons d'être utiles.

Tout cela devrait être accompli dans le cadre d'une réforme parlementaire. Supposons qu'après s'être soumis à l'épreuve du feu, nous nous trouvions dans une situation pire encore qu'avant ladite épreuve. Cela pourrait facilement se produire.

Par-dessus tout, veillons à ne pas être victimes de notre propre propagande. Le Sénat tel qu'il existe actuellement vaut bien plus qu'on le dit. Il mérite d'être encouragé plutôt que d'être écarté du revers de la main relativement au projet de loi C-20. Nous devons parler haut et fort.

Des voix: Bravo!

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, le malheur veut que je prenne la parole après le sénateur Pitfield. C'est un honneur, un plaisir, un privilège et un défi que d'être parmi vous depuis deux mois et 18 jours exactement. Telle est toute l'étendue de mon expérience politique. Je n'ai pu, au cours d'une si courte période, maîtriser les complexités du droit constitutionnel, de la procédure parlementaire et de la beauté de la politique. Je promets cependant d'essayer de faire mieux dans les deux mois et demi à venir.

J'ai toutefois appris certaines choses. J'ai notamment constaté, en écoutant le débat inspiré et passionné sur la question, que ce projet de loi n'est pas simplement inhabituel ou extraordinaire. Il est unique et lourd de conséquences.

Je tiens à souligner que je suis en faveur de l'objet et de la portée du projet de loi et que, durant les audiences du comité auxquelles j'ai eu l'honneur d'assister, j'ai posé dès le départ des questions quant à la constitutionnalité et à la justification du projet de loi. J'ai ensuite reconnu que, après avoir entendu le juge en chef Estey et le professeur Smith, d'une part, et les professeurs Monahan et Magnet, d'autre part, ainsi que d'autres personnes aussi réputées, j'ai reconnu, dis-je, que je n'avais tout simplement pas la compétence voulue pour porter un jugement sur la constitutionnalité du projet de loi. Je laisserai cela à ceux qui sont plus compétents que moi.

L'autre chose que j'ai reconnue, c'est que, en arrivant aux conclusions qui ont servi de base à l'élaboration du projet de loi, la Cour suprême a répondu à des questions très précises que lui avait posées le gouvernement. Ces questions ont trait à une menace plus ou moins claire et plus ou moins réelle qui surgit de temps à autre au Québec. La cour a pris bien soin de limiter ses réponses aux questions se rapportant expressément au cas du Québec.

Le projet de loi C-20 ne vise pas le Québec. Il vise toutes les provinces, tous les territoires et tous les groupements de provinces et de territoires. Il ne répond pas seulement à une menace particulièrement claire ou actuelle. Lorsque nous adopterons le projet de loi, ce dont je ne doute pas, il s'appliquera en tout temps à toutes les provinces et à tous les territoires. Il sera une loi pendant longtemps et il s'appliquera à des situations qu'il nous est impossible de prévoir.

Il ne serait pas farfelu d'imaginer que, dans quelques années, lorsque Terre-Neuve sera devenue un contributeur à la péréquation plutôt qu'un bénéficiaire - et si tout va bien, cela se produira - on assiste à l'affirmation d'un séparatisme latent dans cette province. Je rappelle aux honorables sénateurs que ma province, l'Alberta, a élu un député séparatiste il n'y a pas si longtemps. D'autres membres du même parti que ce député ont recueilli un nombre respectable de votes aux mêmes élections. Je ne crois pas que le séparatisme soit inimaginable dans l'Ouest.

En comité, j'ai posé quelques questions au professeur Magnet. J'ai souligné que dans deux ans et demi ou dans cinq ans - et je ne doute pas que le prochain gouvernement sera un gouvernement libéral parce que les gens veulent conserver un bon gouvernement et un gouvernement prudent - il n'est pas...

Des voix: Bravo!

Le sénateur Banks: Il n'est pas impossible d'imaginer que ce gouvernement sera un jour minoritaire et ait à affronter une phalange de partis d'opposition qui ont tous déclaré qu'une majorité de 50 p. 100 plus une voix constitue une indication suffisante de la volonté qu'a la population d'une province de se séparer et d'entreprendre des négociations en ce sens.

Le professeur Magnet a été cité ici hier. Les politologues ont donné des réponses d'universitaires aux questions qui leur ont été posées sur la Constitution et sur d'autres sujets. Ils parlaient de droit constitutionnel.

(1600)

J'ai posé au professeur Magnet une question au sujet d'une situation qui pourrait se produire dans deux ou cinq ans d'ici ou à un autre moment dans l'avenir, situation où un gouvernement minoritaire pourrait se retrouver devant une opposition majoritaire qui serait d'avis qu'une majorité de 50 p. 100 plus un est suffisante. Le professeur Magnet a répondu ceci:

Je vous remercie de m'avoir posé la question. Ce n'est pas comme cela que les choses m'apparaissent du point de vue constitutionnel, mais vous avez soulevé des questions extrêmement pratiques sur le plan politique et vous les avez ensuite enveloppées dans une argumentation constitutionnelle.

À propos de ce qu'a fait la Chambre relativement au projet de loi C-20, il a dit ceci:

Je ne pense pas que ce texte lie le gouvernement d'une manière que réprouverait la Constitution, mais il est vrai que ce que vous dites au sujet d'une Chambre différemment constituée à l'avenir pourrait très bien un jour donner au gouvernement matière à regrets. J'ai à cet égard un certain nombre de points de vue qui ne sont ni constitutionnels ni même juridiques mais politiques. Ils ne sont pas tellement éloignés d'ailleurs des sentiments que vous avez vous-même exprimés, c'est-à-dire que le gouvernement pourrait se trouver, dans l'autre assemblée, devant une Chambre beaucoup plus problématique. Le Bloc pourrait détenir la clé de l'équilibre et procéder à de surprenants jeux d'alliance. Ce projet de loi pourrait effectivement créer pour le gouvernement un certain nombre de problèmes.

Mais cela est un jugement entièrement politique. Un gouvernement peut s'attendre, étant donné les conventions politiques, à pouvoir contrôler ce qui se produit dans l'autre assemblée. Vos propos portent à envisager les cas de figure inattendus et les situations qui viendraient changer le cours ordinaire des choses. Dans de pareilles circonstances, ce projet de loi pourrait créer plus de problèmes qu'il n'en résout. Je ne suis aucunement en désaccord avec vous sur l'aspect politique du problème.

Honorables sénateurs, je n'ai qu'une seule et unique réserve à l'égard de ce projet de loi et elle concerne la façon de déterminer s'il y aurait une majorité suffisante dans un référendum pour qu'on entreprenne des négociations. À cet égard, le projet de loi sous sa forme actuelle, présenté sur cette scène, devant ce public, avec ces acrobates, ces contorsionnistes et ces clowns, est un animal bien dompté qui exécutera très bien tous les trucs qu'on lui a enseignés, mais, sur une autre scène, devant un autre public, si les acrobates, les contorsionnistes ou les clowns ne sont pas dans leur meilleure forme, nous pourrions voir cet animal bien dompté montrer les crocs et se retourner contre nous. Il se pourrait aussi que, à ce moment-là, notre maître de cérémonie ne soit pas aussi bon que celui que nous avons maintenant.

J'aimerais que vous vous arrêtiez, si vous le voulez bien, à ce moment précis, c'est-à-dire la période qui précède la tenue des négociations et dont dépend la tenue des négociations proprement dites. Cette période d'une quinzaine de minutes est celle au cours de laquelle la Chambre des communes décide, seule, que la question posée est claire et qu'il y a eu référendum et dépouillement du scrutin. Supposons que 53 ou 54 p. 100 des électeurs votent oui et que la province demande au gouvernement d'entamer des négociations devant conduire à la dissolution du Canada.

On fera valoir, à l'appui du projet de loi, que la décision que doit prendre la Chambre des communes au cours de cette période n'est qu'une simple mesure courante, une résolution qui ne laisse rien présager de particulier, ce qui, à mon avis, n'est pas le cas.

Si la Chambre des communes prenait seule cette décision, ce serait comme si elle prenait un pied de biche pour ouvrir la porte d'un sous-sol demeurée fermée depuis 133 ans et obligeait le gouvernement, contre sa volonté, à pousser cette porte et à nous précipiter tous en bas de l'escalier, dans l'obscurité, là où personne n'est jamais allé. L'obscurité y règne. Nous n'y avons jamais mis les pieds, et personne ici ne veut y aller, mais si jamais cette décision est prise, nous y serons tous précipités.

Cette hypothèse n'est pas impossible, compte tenu des aléas de la politique électorale. Je pense notamment à ce qui s'est passé samedi dernier et il y a quelques années. Si quelqu'un avait dit, vendredi soir dernier, que Stockwell Day terminerait avec une bonne longueur d'avance sur ses adversaires, on se serait moqué de lui. Si quelqu'un avait prédit à M. Mulroney, alors qu'il dirigeait l'une des plus fortes majorités parlementaires de l'histoire canadienne, que deux élections plus tard son glorieux parti ne compterait plus que deux députés à la Chambre des communes, tout le monde se serait esclaffé. L'autre endroit est à la merci de la politique électorale.

C'est pourquoi j'estime que cette question décisive, cette décision qui nous précipitera dans le sous-sol, doit, plus que toute autre, faire l'objet d'un second examen objectif.

Comment y arriver? De nombreux commentateurs ont rejeté l'idée d'un amendement au projet de loi C-20 qui aurait permis au Sénat de jouer un rôle déterminant. On a fait valoir que, si les sénateurs adoptaient un amendement en ce sens, on leur reprocherait de le faire dans leur propre intérêt. Je crois cependant qu'il y a une autre possibilité. Nous pourrions substituer le second examen objectif de quelqu'un d'autre.

Il y a des précédents qui peuvent être source d'inspiration. Il y a par exemple le mode de révision de la Constitution adopté en 1982. Il y a aussi la Loi sur le Parlement de 1996, le projet de loi C-110. Ces textes font appel au consentement des provinces. Pour préserver le principe voulant qu'un second examen soit fait d'une décision lourde de conséquences comme celle à laquelle j'ai fait allusion, c'est-à-dire la question de savoir si la volonté des électeurs d'une province s'est exprimée assez clairement pour justifier l'amorce de négociations sur la scission de notre pays, je prie les honorables sénateurs de bien vouloir appuyer l'amendement que je propose.

Motion d'amendement

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je propose:

Que le projet de loi C-20 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 2, à la page 5, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit:

«(5) Le gouvernement du Canada n'engage aucune négociation sur les conditions auxquelles une province pourrait cesser de faire partie du Canada si, dans les trente jours suivant la détermination par la Chambre des communes en application du paragraphe (1) qu'une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu'elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada, au moins trois des suivants s'opposent à de telle négociation:

a) l'Ontario;
b) le Québec;
c) la Colombie-Britannique;
d) au moins deux des provinces de l'Atlantique, pourvu que la population confondue des provinces consentantes représente, selon le recensement général le plus récent à l'époque, au moins cinquante pour cent de la population des provinces de l'Atlantique;
e
) au moins deux des provinces des Prairies, pourvu que la population confondue des provinces consentantes représente, selon le recensement général le plus récent à l'époque, au moins cinquante pour cent de la population des provinces des Prairies.

(6) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
«provinces de l'Atlantique» Les provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve.
«provinces des Prairies» Les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et d'Alberta.».
Son Honneur le Président pro tempore: Honorable sénateur Banks, qui appuie votre motion?

Le sénateur Banks: Je n'ai personne. J'attends qu'un volontaire se manifeste.

L'honorable Eymard G. Corbin: Je vais appuyer la motion d'amendement.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

(1610)

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, mon ami me permet-il de lui poser une question?

Le sénateur Banks: Oui.

Le sénateur Murray: Comment l'honorable sénateur propose-t-il que les opinions de ces provinces soient exprimées? Son amendement semble s'inspirer d'une formule de révision, mais dans la formule de révision, ce sont les assemblées législatives provinciales qui se prononcent. Lorsque le sénateur fait allusion aux «provinces», veut-il dire les assemblées législatives provinciales ou fait-il uniquement allusion au pouvoir exécutif des gouvernements de ces provinces?

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président pro tempore: Une réponse brève, s'il vous plaît, car le temps de parole de l'honorable sénateur est écoulé.

Le sénateur Banks: Je ne sais pas. La situation serait probablement différente dans chaque province. Il appartiendrait à quiconque est au pouvoir à juste titre dans la province d'agir. Dans certaines provinces, un référendum doit être tenu avant que le gouvernement puisse se prononcer sur une question constitutionnelle, et certaines provinces pourraient considérer qu'il s'agit là d'une question constitutionnelle, même si ce n'en est pas une à strictement parler. Je présume que c'est l'exécutif du gouvernement de chaque province qui aurait le pouvoir, du fait qu'il forme l'exécutif, de s'opposer à ces mesures. Il convient de noter que nous ne cherchons pas l'approbation de la province; nous sommes ouverts au fait qu'elle peut s'opposer à la mesure législative.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la période réservée aux questions est écoulée.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que nous permettions au sénateur Banks de continuer de répondre à des questions durant cinq minutes.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, j'ai quelques brèves questions et commentaires à l'intention du sénateur Banks. L'un de ces points ne s'adresse pas directement à lui, mais ce qu'il a dit précédemment soulève la question. Il a affirmé que si le Parlement était constitué différemment, le gouvernement pourrait devoir négocier une sécession, dans le cas où il n'y aurait qu'une majorité de un au Parlement. Je crois que c'est ce que l'honorable sénateur a dit. Il est le premier à l'avoir dit ici, mais d'autres ont également soulevé la question ailleurs.

Si j'ai bien compris l'esprit du projet de loi C-20, la Chambre des communes ne demande pas au gouvernement de faire quoi que ce soit. En fait, la Chambre n'a pas le pouvoir d'exiger que le gouvernement en place fasse quoi que ce soit. Selon le paragraphe 2(4), la Chambre des communes peut interdire au gouvernement d'entreprendre des négociations. C'est tout. Le projet de loi est très clair. Il prévoit que le gouvernement du Canada ne doit engager aucune négociation sur les conditions auxquelles une province pourrait cesser de faire partie du Canada à moins qu'une majorité claire de la population de cette province ait déclaré clairement sa volonté.

Le Parlement du Canada peut se prononcer sur la clarté de la question et affirmer qu'à son avis la majorité est tout à fait satisfaisante, mais le gouvernement n'est pas obligé de faire quoi que ce soit. Les gens citeront le sens du projet de loi. Si j'ai bien compris, et selon les précisions du juge Estey, le sens du projet de loi est dérivé des termes utilisés. La seule chose que les députés de la Chambre des communes peuvent faire, c'est d'interdire. C'est ce que fait ce projet de loi. L'honorable sénateur est-il d'accord avec cela? Dans l'affirmative, quelle serait l'utilité de son amendement?

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, si le Parlement devait faire cette analyse, la présente discussion serait inutile. C'est plutôt la Chambre des communes qui prendrait cette décision.

Je reconnais que sous sa forme actuelle, le projet de loi n'oblige pas légalement le gouvernement à quoi que ce soit. Toutefois, compte tenu de l'importance et de l'urgence que le gouvernement a consacrées à ce projet de loi et de la confiance que le gouvernement y accorde, je ne vois pas comment le gouvernement actuel ou tout autre gouvernement pourrait réussir à ne pas entreprendre des négociations dans les circonstances décrites par mon honorable collègue. Si la Chambre des communes en venait à déterminer que la question est claire et que le vote est clair, je ne vois vraiment pas comment le gouvernement pourrait dire en toute honnêteté qu'il ne veut pas négocier. Je reconnais qu'il pourrait le faire, mais je crois que c'est fort improbable.

Le sénateur Stratton: Non.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, plusieurs facteurs seront pris en considération quand il s'agira de décider si le gouvernement du Canada engagera des négociations avec une province en matière de sécession, dont l'un est précisé dans le projet de loi et a un effet d'interdiction totale - l'absence d'une question claire et d'une majorité claire. Un gouvernement qui est responsable envers la population peut dire: «Étant donné ces facteurs, nous ne le ferons pas.» Il fallait que je fasse valoir cet argument car je ne sais pas s'il a été bien compris. La disposition n'est pas formulée de façon positive, mais uniquement de façon négative. Il s'agit d'une interdiction.

Je désire faire valoir un autre argument à propos des observations du sénateur Banks. Encore une fois, je ne veux pas retourner cet argument contre mon collègue. Ici, au Sénat, nous avons réussi à prendre ce bref projet de loi, de nature importante, et à y accrocher un grand nombre d'options, qu'il s'agisse de la réforme du Parlement ou quoi que ce soit d'autre. L'observation qui m'incite à intervenir, c'est que ce projet de loi deviendra une loi et, étant donné la situation actuelle, cette loi restera longtemps en vigueur. À cela je réplique: peut-être. Le fait est que le projet de loi deviendra une loi comme n'importe quelle autre loi qui est adoptée par les deux Chambres du Parlement et sanctionnée par le Gouverneur général. Nous pourrions revenir ici à l'automne et proposer une modification à cette loi. Nous pourrions revenir ici à l'automne et proposer un projet de loi visant à abroger cette loi. Il s'agira d'une loi comme n'importe quelle autre loi.

Honorables sénateurs, nous avons la regrettable tendance ici à prendre parfois un projet de loi dont le principe est très clair et à le transformer en une patère à laquelle nous pouvons pendre toutes sortes de choses bonnes, mauvaises ou quelconques à propos de notre système de gouvernement et nos institutions.

Des voix: C'est un discours!

Le sénateur Bryden: Non, honorables sénateurs, ce n'est pas un discours. Il m'est permis de poser une question et de faire une observation. Voici mon observation: n'essayons pas d'amener le projet de loi à faire plus que ce qu'il est censé faire ou de le transformer en un texte constitutionnel gravé dans la pierre alors qu'il s'agit en réalité d'une loi pouvant être modifiée.

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, le sénateur Bryden a raison. C'est un canard, mais c'est le plus gros. Ce n'est pas un canard comme les autres. C'est le plus gros canard de tous les temps, mais un canard tout de même.

Le sénateur Bryden: S'il marche comme un canard et fait coin-coin comme un canard, alors c'est un canard!

Le sénateur Banks: Si le sénateur croit sincèrement qu'un gouvernement pourrait décider de ne pas négocier si les Communes avaient déterminé que la question était juste, un vote ayant eu lieu et les Communes ayant conclu que le vote était suffisant, alors l'honorable sénateur a raison et j'ai tort. Mais là-dessus je ne suis pas d'accord avec l'honorable sénateur.

(1620)

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, nous voici à Ottawa, à la veille du 133e anniversaire de la Confédération, et les grands principes qui sous-tendent l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, notre Constitution de 1867 à laquelle a été greffée la Charte des droits et libertés au moment de son rapatriement, en 1982, n'ont rien perdu de leur vigueur. Les mots émanant des débats sur la Confédération - je le répète, les débats sur la Confédération - ont retenti dans cette enceinte ces dernières semaines. Un seul peuple, une seule nation, un seul pays aux yeux de la loi - ainsi parlait sir John A. Macdonald, suivi par tous les premiers ministres qui se sont succédé depuis lors.

Honorables sénateurs, nous voici réunis pour débattre un projet de loi des plus importants. Le projet de loi C-20, le projet de loi dit de la clarté, touche, comme presque tous les sénateurs l'ont dit, au coeur même de la vie politique canadienne - l'unité du Canada.

Permettez-moi de féliciter la présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a siégé à ce comité spécial à titre de porte-parole du gouvernement. Elle a soulevé ce qui constitue pour moi une sérieuse question qui nous a tous donné matière à réfléchir, une question-clé de ce débat - le serment d'office des sénateurs, auquel le sénateur Pitfield a fait allusion dans son discours, et par tant le rôle du Sénat dans notre système bicaméral. La présidente du comité spécial a déclaré qu'à son avis, il s'agit, dans le serment, de protéger le Canada et non pas le Sénat. Malgré tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec elle. Le serment est plus complexe. Je pense que notre serment entraîne un engagement plus profond. Chaque sénateur, à sa nomination, doit prêter le serment d'allégeance à la Couronne devant la présidence. La sénatrice soutient, à la lecture de la proclamation de sa nomination, qu'elle doit donner conseil et assistance pour toutes les affaires prépondérantes concernant l'État et la défense du Canada.

Je pense que le serment d'allégeance du Sénat a pour objet de rappeler aux sénateurs les obligations fiduciaires, les devoirs et les responsabilités graves - les devoirs en tant que législateurs - visant à faire respecter l'ordre juridique par des moyens juridiques, par la règle de droit. Nécessairement, par «moyens juridiques», il faut entendre la défense des pouvoirs du Sénat contre tout affaiblissement, dilution ou empiètement sur le plan constitutionnel.

La Cour suprême a déclaré à maintes reprises qu'elle considère comme l'une de ses obligations primordiales celle de défendre son indépendance judiciaire. Le Sénat a la même obligation de défendre ses pouvoirs juridiques et constitutionnels. Une autorité de ce Parlement ou de tout autre parlement peut-elle aller à l'encontre de l'ordre constitutionnel si ce n'est par des moyens constitutionnels?

Il règne dans cette Chambre une grande confusion quant à la portée du jugement rendu par la Cour suprême en 1998. Pourquoi? Qu'il me soit permis de récapituler brièvement l'historique de la Confédération.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique était, à l'origine, comme le projet de loi C-20, un simple projet de loi présenté au Parlement, en l'occurrence le Parlement britannique. Pourtant, il s'est révélé que c'était bien plus qu'on ne pensait à première vue. Le texte établissait le cadre constitutionnel des gouvernements du Canada, lequel cadre est toujours d'actualité dans la Constitution modifiée d'aujourd'hui. Les Pères de la Confédération ont fédéré les trois régions du Canada - le Haut-Canada, le Bas-Canada et les Maritimes - et ils ont mis en place une gouvernance centrale plus forte, moins fragile que celle des États-Unis, lesquels vivaient au même moment les affres de la guerre de Sécession. Les États souverains américains étaient montés les uns contre les autres, se battant pour la souveraineté. Confrontés à cette expérience amère, les Pères de la Confédération ont mûrement réfléchi et entrepris d'élaborer une union plus indestructible, plus indissoluble, plus forte qu'une union fédérale, une union confédérale.

Ils commencèrent avec un Parlement fédéral bicaméral fort. Les provinces devinrent des créatures du Parlement de par l'Acte d'Union. La Couronne confia les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral et certains pouvoirs furent répartis horizontalement, les provinces recevant des pouvoirs locaux précis et exclusifs. Cette répartition horizontale des pouvoirs exclusifs est clairement énoncée aux articles 91 et 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le gouvernement fédéral reçut des pouvoirs résiduels forts sous la rubrique «paix, ordre et bon gouvernement ». À ces pleins pouvoirs s'ajoute le pouvoir suprême de suspendre les lois provinciales aberrantes en ayant recours au droit de révocation ou au droit de report. Depuis le début de la Confédération, ces droits ont été utilisés à 68 reprises, voire davantage.

Pour faire contrepoids au pouvoir exécutif du fédéral, le pouvoir législatif fédéral fut divisé également entre le Sénat et la Chambre des communes, la question de confiance concernant les projets de loi de finances étant laissée à la Chambre des communes, conformément aux traditions du Parlement britannique. Chaque Chambre devait reposer sur une base populaire différente. On accorda au Sénat une représentation égale pour chaque région, les sénateurs étant nommés de façon permanente, alors que la représentation à la Chambre des communes reposait sur l'appui populaire dans chaque circonscription. Deux sortes de majorités furent conçues par les Pères de la Confédération, l'une fondée sur l'égalité des régions, l'autre sur la représentation proportionnelle à la Chambre des communes; l'une devant demeurer stable et égale, l'autre pouvant croître avec l'accroissement de la population.

Au fil des décennies, comme l'a fait remarquer l'ancien juge de la Cour suprême à nos audiences, M. Estey, les tribunaux ont jalousement maintenu la division des pouvoirs entre le fédéral et les provinces et ont tout aussi énergiquement protégé l'égalité des pouvoirs législatifs entre le Sénat et la Chambre des communes en guise de contrepoids à l'exécutif tout-puissant. C'est pourquoi, honorables sénateurs, l'ordre constitutionnel existant est indivisible. La souveraineté est partagée entre la Couronne aux droits du Canada et la Couronne aux droits des provinces. Est-ce que ça peut être changé? Les Pères de la Confédération ont ingénieusement édifié une structure explicite, complexe et souple, de partage des pouvoirs, convaincus qu'ils étaient que l'union canadienne, contrairement à celle des États-Unis, ne pouvait pas être mise en morceaux. La souveraineté indivisible de la Couronne est clairement laissée en fin de compte à la décision du peuple. Telle était l'idée organisationnelle qui animait la Charte des droits et libertés quand elle prit force de loi en étant incorporée à notre Constitution en 1982. Les gouvernements ne sont pas au-dessus des lois, mais le peuple est souverain.

Évidemment, des changements extraordinaires peuvent avoir lieu, mais seulement de par la volonté expresse et avec le consentement de tous les Canadiens. Dans le renvoi à la Cour suprême, cette dernière a dit - dans ce qui est une opinion et non un jugement - que:

L'assentiment des gouvernés est une valeur fondamentale dans notre conception d'une société libre et démocratique.

La cour poursuivait ainsi:
Cependant, la démocratie au vrai sens du terme ne peut exister sans le principe de la primauté du droit.
Honorables sénateurs, il ne pouvait pas en être autrement. Quels précédents peuvent être présentés? Peu après la Confédération, avec une question et une majorité claires, la province de la Nouvelle-Écosse, dirigée par l'honorable Joseph Howe, a exprimé son désir de se séparer du Canada. Une demande a été présentée au Parlement anglais, alors dépositaire de notre processus d'amendement. Le Parlement anglais a répondu non à la demande. Une telle séparation ne pouvait pas être réalisée sans le consentement des autres parties, à savoir le gouvernement fédéral et les autres provinces. L'union canadienne ne pouvait pas être démantelée par une seule province.

Le précédent australien est plus récent et aussi probant. En 1933, l'Australie-occidentale, avec une question et une majorité claires, a voté en faveur de sa séparation des autres États de l'Australie. Encore une fois, une pétition a été envoyée au Parlement de l'Angleterre, dépositaire de leur processus d'amendement. Le Parlement anglais a déclaré que la séparation ne pourrait être réalisée que si tous les États de l'Australie votaient clairement en ce sens, non uniquement l'État requérant. La volonté souveraine, a-t-il dit, appartenait non au Cabinet fédéral ou au Parlement fédéral, mais à tous les Australiens.

Maintenant, honorables sénateurs, nous sommes confrontés au renvoi de 1998 à la Cour suprême. Notre Constitution ne contient aucune disposition pour la séparation. La Cour suprême n'a pas été interrogée directement sur cette question. Au lieu de cela, deux questions juridiques assez restreintes lui ont été posées. Le Québec pourrait-il se séparer en vertu du droit international ou du droit national par une déclaration d'indépendance unilatérale basée sur les principes internationaux d'autodétermination? La Cour suprême a répondu «non» aux deux questions. Elle ne pouvait pas en décider autrement. Face aux dispositions expresses de notre Constitution, elle ne pouvait pas d'elle-même établir un droit constitutionnel légal à la sécession. Le tribunal a reconnu qu'une telle opinion irait au-delà des dispositions explicites de la Constitution. Il faudrait davantage pour déranger ou supprimer l'ordre constitutionnel. Il faudrait que tous les acteurs constitutionnels, que le peuple tout entier, fussent d'accord.

(1630)

La source de toute souveraineté, le peuple tout entier, devrait absolument y consentir. Un sénateur a soutenu que la Cour suprême était d'avis que, en cas de question et de majorité claires, toutes les mesures prises dans les limites d'une seule province par un seul gouvernement provincial pourraient en soi créer le droit légal et exécutoire constitutionnellement pour cette province et le devoir légal et exécutoire constitutionnellement pour le Canada de négocier la sécession, de négocier le démembrement du Canada.

Comment le tribunal aurait-il pu créer de tels droit et devoir légaux et exécutoires constitutionnellement que ne prévoit pas expressément la Constitution?

Je me permets de passer, honorables sénateurs, aux pouvoirs sénatoriaux prévus aux articles 17 et 18 de la Constitution. Comme l'a signalé le sénateur Pitfield, pour faire des lois, il faut les deux Chambres du Parlement et la sanction royale. Que cherche-t-on à obtenir avec ce projet de loi? Qu'une seule Chambre décide de la clarté de la question et de la clarté de la majorité. C'est à la fois simple et complexe. Cette décision, cet ordre exécutoire, cette résolution exécutoire, est-elle en soi une affaire législative, une loi qui pourrait ouvrir le gouffre de la sécession, ou s'agit-il simplement, comme l'ont laissé entendre des témoins favorables à la position du gouvernement, d'une affaire administrative qui peut être déléguée? Le Cabinet peut-il entraver l'exercice de sa pleine prérogative royale en optant pour la résolution exécutoire d'une seule Chambre du Parlement? M. Estey, quant à lui, dit non. Cela ressemble plus à une loi qu'à autre chose, selon lui. Une fois que le Cabinet a préféré une Chambre du Parlement à l'autre, ne doit-il pas faire appel aux deux? Ainsi le veut notre système bicaméral. Le Cabinet a-t-il favorisé une seule Chambre lorsqu'il a fallu déterminer ce qu'est une urgence nationale? Le Cabinet a-t-il favorisé une seule Chambre lorsqu'il a fallu déclarer la guerre? Non. Bien sûr que non. Il ne le pouvait pas.

Quel devrait alors être le rôle du Sénat par rapport au projet de loi sur la clarté? Tous s'entendent pour dire que le projet de loi C-20 est une mesure extraordinaire. Tous s'entendent pour dire qu'il pourrait déclencher le processus de sécession. Tous les témoins qui ont comparu devant le comité, sauf un, ont reconnu qu'il n'existe aucune interdiction ni aucune barrière constitutionnelle empêchant le Sénat de participer également à l'étude du projet de loi sur la clarté avec la Chambre des communes, étant donné les pouvoirs inhérents que lui confère la Constitution. Tous les témoins qui appuyaient le ministre ont dit que c'était peut-être «délicat», mais aucun témoin sauf un n'a dit qu'il y avait une interdiction ou une barrière constitutionnelle empêchant le Sénat de participer également au processus avec la Chambre. Un seul divergeait d'opinion: le ministre. Je ne répéterai pas ses arguments tortueux. Honorables sénateurs, vous les avez déjà entendus auparavant. Quand on consulte les délibérations du comité, on constate que les éminents témoins sont grandement divisés. Il n'y a aucune preuve éclatante à l'appui des arguments du gouvernement. Tous les sénateurs qui ont assisté à ces audiences ont reconnu qu'il n'y a aucune preuve solide et éclatante montrant le bien-fondé des arguments présentés par le gouvernement. Quand on parcourt les témoignages, on constate que les éminents témoins sont grandement divisés sur la question de savoir si, oui ou non, en excluant le Sénat, le projet de loi laisse à désirer sur le plan constitutionnel.

Honorables sénateurs, je suis avocat et je préfère m'en remettre à la solide expérience de l'ex-juge Estey qui a déclaré que, dans le cadre de notre régime bicaméral, le fait d'exclure le Sénat irait à l'encontre de la Constitution. Je préfère la doctrine juridique de l'école Laskin-Estey. M. Estey s'est demandé à voix haute pourquoi, s'il avait les coudées si franches en vertu de l'article 18 de la Constitution, un ministre aurait choisi d'emprunter une route pleine de cahots et semée d'embûches pour exclure le Sénat? Pourquoi faire un tel pari? Pourquoi courir un tel risque? Pourquoi prendre cette chance? Qu'arrivera-t-il si, au moment crucial, le projet de loi sur la clarté est jugé discutable sur le plan constitutionnel?

Son Honneur le Président pro tempore: Honorable sénateur Grafstein, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Grafstein: Oui.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée?

Le sénateur Hays: Je propose que nous accordions au sénateur Grafstein une prolongation de 10 minutes.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Grafstein: Je vous remercie, honorables sénateurs.

Je le demande encore, comme M. Estey l'a fait: pourquoi faire ce pari? Pourquoi prendre pareil risque? Pourquoi jouer aux dés? Que se passera-t-il si, au moment crucial, le projet de loi sur la clarté est jugé non pas solide, mais douteux au plan constitutionnel, comme le sénateur Pitfield l'a signalé? À quelles désastreuses conséquences nous exposerions-nous?

J'ai dit dès le départ que j'appuyais vigoureusement cette mesure. Je me porte à la défense des objectifs du projet de loi. Il nous faut des règles claires. Nous devons forcément veiller à ce que ces règles respectent la Constitution. Il nous faut un projet de loi parfait, un projet de loi à toute épreuve. Nous avons besoin de règles constitutionnelles, non de règles arbitraires qui nous éloignent des usages législatifs de notre ordre constitutionnel qui, pendant 133 ans, a été fort utile au Canada.

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose un amendement qui permet au Sénat de participer sur un pied d'égalité à une résolution conjointe sur les deux questions du projet de loi. Certains sénateurs soutiendront que cela donnera au Sénat des pouvoirs qu'il n'a pas déjà ou que, en mettant le Sénat à l'écart, on laisse ses pouvoirs intacts. Cette logique-là m'échappe. Ou bien le Sénat a un pouvoir inhérent, ou bien il ne l'a pas. Je vous exhorte donc, honorables sénateurs, à lire et à relire, comme je l'ai fait pendant le week-end dernier, les débats parlementaires sur la Confédération, et plus spécialement les propos du Très honorable sir John A. Macdonald, qui avait justement prévu cette question. Il a envisagé un sérieux affrontement entre la Chambre populaire, élue, et la deuxième Chambre, le Sénat, la Chambre du second examen objectif. Il a prévu ces désaccords. Il a soutenu qu'ils seraient de la plus haute importance pour l'intérêt national commun d'une union solide.

Bien entendu, honorables sénateurs, l'exécutif a toujours une porte de sortie. Nous n'en avons pas parlé. Je remercie le sénateur Beaudoin de me l'avoir signalé. L'exécutif peut imposer sa volonté au Sénat en nommant un maximum de huit sénateurs de plus pour éviter l'impasse, aux termes de l'article 26 de la Constitution. Comme il y a une porte de sortie, il n'y a pas d'impasse, pas de veto.

Je demande aux sénateurs de réfléchir attentivement. Reconnaissant l'importance profonde et la menace urgente du démantèlement du Canada, le Sénat agirait-il de façon arbitraire? Ou agirait-il plutôt de façon prudente, voyant à ce que chaque sénateur s'acquitte de ses responsabilités, faisant respecter l'ordre constitutionnel, la loi du pays, et reconnaissant que tout changement ne peut être appuyé que par des moyens constitutionnels et la primauté du droit, que nous servons avec tant de dévotion? Le Sénat utiliserait-il sa majorité pour bloquer arbitrairement une résolution qui représenterait à la fois la volonté claire et profonde, et non transitoire, de la population et les intérêts du pays?

Honorables sénateurs, posez-vous cette question: si le Sénat a été conçu pour servir de rempart contre les caprices politiques du jour, les lois arbitraires, les revirements d'opinion publique, si le Sénat a été appelé, à juste titre, à se prononcer sur toutes les questions importantes du jour, les urgences nationales et les déclarations de guerre, comment peut-il être relégué ou se reléguer lui-même au rôle de spectateur sur les grandes questions qui pourraient conduire au démantèlement du Canada? Je ne peux pas accepter cela.

Comme l'ancien juge Estey l'a signalé, honorables sénateurs, le sort du Sénat est entre nos propres mains. Si nous affaiblissons nos pouvoirs et nous reléguons nous-mêmes à un rôle de consultation ou d'observation, ce qui n'est pas ce que les Pères de la Confédération avaient expressément à l'esprit, nous dérogeons de la Constitution et affaiblissons le système de freins et contrepoids du fédéralisme dans notre Parlement. Je demande humblement votre appui à l'égard de ce modeste amendement pour rétablir les pouvoirs légitimes du Sénat, pouvoirs qu'il a toujours exercés de façon très prudente depuis la Confédération. Dans son avis, la Cour suprême dit que toute modification constitutionnelle nécessite

[...] un processus continu de discussion et d'évolution, comme en témoigne le droit reconnu par la Constitution à chacun des participants à la fédération de prendre l'initiative de modifications constitutionnelles.
Seulement trois acteurs politiques ont le droit légal de prendre l'initiative de modifications constitutionnelles: les provinces, le Sénat et la Chambre des communes. Alors comment peut-on prétendre que le Sénat pourrait et devrait être exclu de tout processus constitutionnel pouvant mener au démantèlement du Canada? Le Sénat a toujours été là et a le droit d'être là, avec ses pleins pouvoirs constitutionnels, au début, au milieu et à la fin de tout processus constitutionnel.

(1640)

Enfin, honorables sénateurs, comme le faisait remarquer le sénateur Banks, un danger réel et immédiat plane sur l'ordre constitutionnel de notre pays. J'invite les honorables sénateurs à se demander quand le projet de loi sur la clarté référendaire serait utilisé. J'invite les sénateurs du Québec à se poser la question. Ce projet de loi serait-il utilisé lorsque le gouvernement fédéral détiendrait une forte majorité au Parlement? Non. Comme le disait le sénateur Banks, on l'utiliserait seulement en présence d'un Parlement faible et fragmenté. Les dirigeants au Québec nous ont dit qu'ils n'enclencheraient pas le processus de la sécession à moins qu'il n'y ait des conditions gagnantes pour le faire. Un Parlement faible et fragmenté, un Parlement minoritaire, ouvrirait la voie à des conditions gagnantes. C'est alors qu'un Sénat fort et uni, motivé uniquement par l'intérêt national et par l'unité nationale, ferait figure de gardien de l'ordre constitutionnel. C'est précisément ce qu'envisageaient les Pères de la Confédération.

Honorables sénateurs, réfléchissez bien. Comme nous avons pu le voir dans les journaux aujourd'hui, des voix fortes de l'Ouest, de ma province, l'Ontario, et de la province de Québec se sont constituées en une alliance douteuse pour démanteler les pouvoirs fédéraux, affaiblir et dégrader le gouvernement fédéral de l'intérieur. Ces gens viendront à Ottawa pour affaiblir les pouvoirs du gouvernement fédéral de l'intérieur. Le Sénat a été créé précisément pour défendre un Canada fort et uni, un peuple, une nation, un pays, conformément à la règle du droit.

Honorables sénateurs, je vous demande respectueusement d'appuyer ma proposition d'amendement, qui vise à rétablir le Sénat dans ses pleins pouvoirs.

Motion d'amendement

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Joyal:
Que le projet de loi C-20 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:
a) à l'article 1:
(i) à la page 2:
(A) par substitution, aux lignes 47 et 48, de ce qui suit:
«sécession de la province du Canada, le Sénat et la Chambre des communes examinent la question»,
(B) par substitution, à la ligne 49, de ce qui suit:
«et déterminent, par résolution conjointe, si la question est»,
(ii) à la page 3:
(A) par substitution, aux lignes 7 et 8, de ce qui suit:
«la question référendaire, le Sénat et la Chambre des communes déterminent si la question permet-»,
(B) par substitution, aux lignes 31 et 32, de ce qui suit:
«la question référendaire, le Sénat et la Chambre des communes tiennent compte de l'avis de tous les»,
(C) par substitution, aux lignes 40 et 41, de ce qui suit:
«cielles des représentant des peuples»,
(D) par substitution, aux lignes 43 et 44, de ce qui suit:
«cette province, et de tout autre avis qu'ils estiment pertinent.»,
(iii) à la page 4, par substitution, aux lignes 4 et 5, de ce qui suit:
«partie du Canada, si le Sénat et la Chambre des communes concluent, conformément au présent article, que»;
b) à l'article 2:
(i) à la page 4:
(A) par substitution, aux lignes 16 à 20, de ce qui suit:
«cesser de faire partie du Canada, le Sénat et la Chambre des communes, sauf s'ils ont conclu conformément à l'article 1 que la question référendaire n'était pas claire, procèdent à un examen et, par résolution conjointe, déterminent si, dans les circonstan-»,
(B) par substitution, aux lignes 28 et 29, de ce qui suit:
«partie du Canada, le Sénat et la Chambre des communes prennent en considération:»,
(C) par substitution, à la ligne 36, de ce qui suit:
«qu'ils estiment pertinents.»,
(D) par substitution, aux lignes 41 et 42, de ce qui suit:
«partie du Canada, le Sénat et la Chambre des communes tiennent compte de l'avis de tous les partis»,
(ii) à la page 5:
(A) par substitution, aux lignes 2 et 3, de ce qui suit:
«des résolutions ou déclarations officiel-»,
(B) par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit:
«province, et de tout autre avis qu'ils estiment»,
(C) par substitution, aux lignes 11 et 12, de ce qui suit:
«partie du Canada, à moins que le Sénat et la Chambre des communes ne concluent, conformément au».

Honorables sénateurs, ma proposition, qui est rédigée en français et en anglais, exige essentiellement l'adoption d'une résolution conjointe des deux Chambres pour permettre le déclenchement du mécanisme prévu dans le projet de loi C-20.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire appuyer la proposition d'amendement de mon collègue, le sénateur Grafstein.

Le projet de loi sur la clarté prévoit qu'il revient à la Chambre des communes, et à elle seule, de déterminer si la question est claire et si le résultat référendaire est clair. Elle doit alors ordonner au gouvernement de négocier ou non. Le Sénat, à cet égard, n'a qu'un rôle consultatif.

Le projet de loi C-20 édicte que la Chambre des communes décide de la clarté de la question posée dans les 30 jours suivant le dépôt de la question à l'assemblée législative de la province concernée.

[Traduction]

Certains affirment que la période de 30 jours est si courte qu'elle justifie l'exclusion du Sénat. Cet argument ne tient pas. Si la Chambre des communes, avec ses 301 députés, peut respecter l'échéance, pourquoi le Sénat, avec seulement 105 sénateurs, ne pourrait-il faire de même? Je reviendrai à la question de la résolution conjointe.

Le ministre et certains fonctionnaires expliquent l'exclusion du Sénat par le fait qu'un vote de confiance ne peut être tenu qu'à la Chambre des communes. C'est vrai. Le principe du gouvernement responsable nous vient des conventions de la Constitution. Ce n'est pas écrit, mais cela fait partie de la Constitution.

[Français]

Il est vrai que la confiance ne relève que de la Chambre des communes. Cependant, le projet de loi C-20 n'a rien à faire avec le principe du vote de confiance. C'est une convention constitutionnelle qui existe depuis 1847 au Québec et en Ontario et 1846 en Nouvelle-Écosse. Elle existe comme telle. Qu'il y ait le projet de loi C-20 ou non, cette convention peut toujours être appliquée. En tout temps, l'exécutif fédéral est sujet à un vote de confiance ou de défiance de la Chambre des communes.

Pour ce qui est du Sénat, et c'est mon point fondamental, le projet de loi C-20 lui attribue un rôle marginal, celui d'être simplement consulté. C'est là que le bât blesse. Ceci va à l'encontre même de l'égalité des deux Chambres sur le plan législatif dans notre système bicaméral canadien.

[Traduction]

Au Canada, comme aux États-Unis et dans de nombreuses démocraties modernes, les tribunaux de dernier ressort accordent la plus haute importance à la Constitution et, dans leur interprétation des lois, ils se fondent sur les intentions des Pères de la Confédération ou des rédacteurs de la Constitution.

Comme on peut le voir clairement dans les débats sur la Confédération, sir John A. Macdonald et sir George-Étienne Cartier ont appliqué à la Chambre des communes le principe de la représentation selon la population. À la Chambre haute, notre Chambre, la Chambre de second examen objectif, ils ont appliqué le principe d'un Sénat régional ou divisionnaire. En 1867, il y avait 24 sénateurs de l'Ontario, 24 du Québec, 24 du Canada atlantique. Après 1867, il y a eu 24 sénateurs de l'Ouest. En 1949, une exception a été faite pour Terre-Neuve, qui a obtenu 6 sénateurs. Les trois territoires ont obtenu un sénateur chacun.

[Français]

En votant pour le projet de loi C-20, le Sénat s'exclut lui-même du processus d'adoption d'une résolution relative à la clarté de la question et à la clarté du résultat référendaire.

[Traduction]

Nous sommes invités à voter en faveur de notre exclusion.

[Français]

(1650)

Le Sénat, qui a su admirablement améliorer la législation au cours des années, doit pouvoir jouer son rôle et se prononcer, par résolution, sur la clarté de la question et sur la clarté des résultats référendaires au même titre que la Chambre des communes. Ainsi le veulent les principes fondamentaux du bicaméralisme canadien. Notre Parlement, cependant, en donnant un pouvoir législatif à une seule Chambre, va à l'encontre de l'égalité législative des deux Chambres.

[Traduction]

Dans le domaine législatif, les deux Chambres sont égales. En ce qui concerne les modifications constitutionnelles, toutefois, le Sénat ne dispose que d'un droit de veto suspensif. C'est ce que prévoit l'article 47 de la Loi constitutionnelle de 1982, mais l'article 47 a été adopté par une modification constitutionnelle, et non par une loi ordinaire. Dans le cas présent, il ne s'agit pas du tout d'un vote de confiance. Il ne s'agit pas d'un projet de loi de crédits. Il s'agit d'un projet de loi ordinaire.

Le Sénat constitue certes un acteur politique dans le sens que l'entend l'avis consultatif de la Cour suprême sur la sécession du Québec de 1998. Dans cet avis consultatif, la cour utilise les mots «acteurs politiques» à maintes reprises.

Honorables sénateurs, le Sénat représente les régions. Il n'est pas qu'un organe législatif, ce qui est déjà fort important; il est aussi le protecteur des régions dans notre régime fédéral.

[Français]

En omettant de mettre le Sénat sur le même pied que la Chambre des communes, on contrevient directement au bicaméralisme canadien qui est enchâssé dans la Constitution.

[Traduction]

Si le Sénat ne défend pas ses droits et prérogatives, quelle institution le fera à sa place? D'aucuns diront que l'exécutif a le pouvoir de négocier la sécession sans le projet de loi C-20. Oui, certes. On peut alors se demander pourquoi le gouvernement a présenté le projet de loi C-20. C'est un choix qu'il a fait. Le gouvernement en a le pouvoir. Cependant, en optant pour le processus législatif, le gouvernement doit respecter le principe de l'égalité des deux Chambres.

Il faut faire la distinction entre le domaine législatif et le domaine constitutionnel. Il faut éviter pareille confusion, et certains experts ne font pas toujours cette distinction.

[Français]

Nous avons entendu des experts lors des audiences du comité spécial qui affirment que le projet de loi C-20 n'enfreint pas les pouvoirs et les privilèges du Sénat. Cette opinion n'est pas partagée par les professeurs Garant et Smith, par Claude Ryan, ni par l'ancien juge de la Cour suprême du Canada, Willard Estey.

Le professeur Garant affirmait d'ailleurs, lors de sa comparution du 29 mai dernier:

C'est incorrect de considérer qu'il revient aux représentants élus de déterminer en quoi consiste la question parce que la Cour suprême a dit qu'il appartient aux acteurs politiques.

Quant à lui, le professeur Smith déclarait, le 15 juin dernier:

[Traduction]

Je ne peux pas imaginer quelque chose de plus fondamental que l'avenir du pays. J'ai l'impression qu'une telle décision doit s'appuyer sur les consultations les plus vastes et les plus informées. Par conséquent, il n'est pas dans l'intérêt de la population pour l'avenir d'amputer l'une des deux Chambres.
[Français]

Monsieur Claude Ryan abondait dans le même sens en disant:

À mon avis, le gouvernement fédéral a tort de vouloir rabaisser le rôle du Sénat dans l'appréciation des deux matières principales dont traite le projet de loi C-20. [...] Il apparaît bizarre, pour dire le moins, que les auteurs du projet de loi C-20 donnent l'impression de vouloir réduire considérablement son rôle dans l'examen des sujets dont traite le projet de loi C-20.
Enfin, l'ancien juge Estey partage la même opinion:

[Traduction]

Comment le projet de loi C-20 a-t-il pu être déclaré constitutionnel puisqu'il mine indirectement, mais réellement, le concept du bicaméralisme du Parlement? Le projet de loi C-20 met l'une des deux Chambres du Parlement dans la déplaisante position où, en l'adoptant, elle confirme elle-même l'élimination de son rôle dans la suite des événements prévus dans le projet de loi.
Si le Sénat accepte son exclusion et si le projet de loi est adopté sans amendements, d'autres lois fédérales pourraient très bien reproduire le même scénario. Après un certain temps, les pouvoirs du Sénat auront été considérablement réduits.

[Français]

Rarement dans son histoire le Sénat n'aura eu une aussi belle occasion de justifier son existence et son rôle essentiel dans le parlementarisme canadien.

[Traduction]

Dans l'amendement proposé, on parle d'une «résolution conjointe». C'est de la plus haute importance. De cette manière, nous évitons un affrontement entre les deux Chambres.

Les pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes émanent de la Constitution et de conventions constitutionnelles non écrites. Cependant, les deux Chambres sont des créatures de la Constitution.

Certains affirment qu'il existe des précédents établissant l'inégalité des deux Chambres. Ils sont apparemment de peu d'importance. Quoi qu'il en soit, il est temps de mettre un frein au processus en cours et de réaffirmer le principe de l'égalité des deux Chambres.

Honorables sénateurs, peu d'auteurs et d'universitaires ont accordé au pouvoir législatif toute l'attention qu'il mérite. Si nous voulons amoindrir les pouvoirs du Sénat, il faut passer par la formule d'amendement qui s'impose et pas par une loi ordinaire comme le projet de loi C-20.

En terminant, je dois dire que je n'accepte pas l'érosion de nos pouvoirs. Nous devons garder nos pouvoirs intacts. Ce pourrait être notre dernière heure.

Des voix: Bravo!

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, au cas où il y en aurait qui pensent que j'interviens dans le débat pour la deuxième fois, je précise que c'est la première fois. La dernière fois que je suis intervenu, c'était à l'étape de la deuxième lecture. J'avais alors prévu ce qui arriverait en comité en déclarant que le projet de loi était mauvais et qu'il portait atteinte au bicaméralisme.

(1700)

Bon nombre de choses sont survenues depuis cette époque. Le comité a tenu ses audiences. Nous avons entendu le point de vue des experts. Selon mon expérience du milieu des affaires, si vous rémunérez des gens, vous pouvez toujours obtenir le point de vue que vous souhaitez. Toutefois, dans ce cas-ci, les experts ont témoigné gratuitement et ont exprimé des opinions divergentes. C'était fascinant.

Les gens semblent souhaiter que des modifications soient apportées à cinq aspects du projet de loi C-20. Ce sont l'indivisibilité, le référendum national, le bicaméralisme, la langue officielle de la minorité et les droits autochtones, autant d'éléments qui ont fait l'objet d'un débat éloquent. À mon avis, chacun de ces aspects est valide. J'ai tenté d'aborder trois de ces cinq aspects dans une motion qui pourrait être débattue plus tard aujourd'hui et qui censure presque l'exécutif pour avoir laissé de côté la langue officielle de la minorité, les droits autochtones et le bicaméralisme.

J'ai inscrit cette motion au Feuilleton récemment parce que je pense que les amendements proposés au projet de loi C-20, quoique bien défendus, pourraient ne pas être adoptés, alors que ma motion pourrait sûrement l'être. Je n'ai pas inclus dans la motion les questions de l'indivisibilité et du référendum national, qui pourraient être abordées ultérieurement.

Presque tout le monde semble être en faveur du projet de loi, mais la majorité des gens veut qu'il soit modifié afin de l'améliorer et de le rendre plus efficace. Ce sont là des points de vue légitimes. J'aurais songé à appuyer les amendements, mais j'ai présenté une solution de rechange au cours des dernières semaines.

Le climat politique au Canada a changé. Étant Albertain, j'ai été au coeur de ce changement. Stockwell Day était le leader du gouvernement à la législature provinciale lorsque j'y étais le leader de l'opposition. Pendant deux ans, nous avons travaillé l'un en face de l'autre. Je ne dirai pas que je connais M. Day mieux que quiconque, mais je le connais assez bien.

À mon avis, nous devons aborder cette question sous un angle politique. Si ce projet de loi était modifié et renvoyé à la Chambre des communes à l'automne, il ne se retrouverait pas devant la Chambre des communes qui l'a initialement adopté. Ce serait une Chambre des communes qui compterait fort probablement un nouveau chef de l'opposition. Ce nouveau chef, qui n'a pas manifesté grand penchant pour les pouvoirs nationaux ou le Sénat, aura l'occasion de nous donner un bon coup de pied dans les tibias. J'en ai conclu que nous n'avons guère d'autre choix que d'appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle, de façon à ce qu'il soit impossible pour le nouveau chef de l'opposition d'agir de la sorte.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Taylor: J'entends des grognements de l'autre côté.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas étonnant que vous n'ayez jamais été élu.

Le sénateur Taylor: Quand on les montre du doigt, ils grondent. Quand on remue leur chaîne, ils se mettent à aboyer.

Le fait est qu'un projet de loi modifié serait renvoyé à l'automne à une Chambre où siégerait un chef de l'opposition différent et que ça changerait tout. J'ai entendu dire à maintes reprises des deux côtés du Sénat que le projet de loi C-20 est un pas dans la bonne direction, mais qu'il ne va pas assez loin. Si telle est votre opinion, vous devez appuyer le projet de loi C-20, car le modifier ne mènerait à rien. Le modifier remettrait Stockwell Day en selle. Lui dont on sait qu'il a déjà dit «Laissons partir le Québec». Dieu seul sait quelle sera sa position l'an prochain. Je l'appelais le Elmer Gantry du Parti conservateur. On ne peut prévoir l'approche qu'il adoptera cet automne.

Je vous garantis que si le projet de loi C-20 est renvoyé modifié, il ne sera pas tout simplement adopté. M. Day aura un tour dans sa manche. Il se servira du projet de loi pour obtenir quelque chose.

Par conséquent, bien que je préférerais qu'on modifie le projet de loi, c'est à l'automne qu'il faudra apporter tous ces changements, quand nous aurons comme base le projet de loi C-20 à partir duquel nous pourrons travailler. Il serait très difficile de mettre le projet de loi C-20 en place cet automne ou cet hiver si le chef de l'opposition à la Chambre des communes présente une position entièrement différente ou s'il y a des élections. Si les élections sont déclenchées avant la reprise des travaux à la Chambre des communes cet automne, il en sera fini du projet de loi C-20.

Honorables sénateurs, ce sont là deux bonnes raisons pour faire les choses par étape. Nous pouvons avoir le beurre et l'argent du beurre si nous prenons notre temps et si nous n'essayons pas de remanier entièrement le projet de loi. Nous ne pouvons pas apporter cinq amendements d'un coup, mais nous pourrions modifier le projet de loi, un amendement à la fois, cet automne et au cours de l'hiver, quel que soit le parti au pouvoir, et même si c'est un gouvernement minoritaire.

Si nous essayons de modifier le projet de loi C-20 maintenant, il n'entrera pas en vigueur avant que la Chambre des communes recommence à siéger, et ce sera dans des conditions différentes. Stockwell Day n'a nullement l'intention de maintenir le statu quo. Il sera à la recherche de prises. Il écoute ce que son parti a à dire et il aura des plans et des idées. Ce serait faire son jeu que de modifier le projet de loi avant de le renvoyer. Ça lui donnerait l'occasion de rouvrir le dossier.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le sénateur Taylor est-il tout à fait convaincu que son gouvernement va perdre la majorité qu'il détient au cours de l'été?

Le sénateur Taylor: C'est possible. Ce ne sont pas tous les gens au pays qui sont intelligents. N'oubliez pas que j'ai passé 14 ans à assumer les fonctions de chef de l'opposition et à essayer de former le gouvernement. Je sais que le public peut se montrer très capricieux.

Le sénateur Nolin: Le sénateur Taylor est-il en train de dire que, si Stockwell Day devient le chef de l'Alliance canadienne, il pourrait influencer le gouvernement libéral et l'inciter à ne pas adopter le projet de loi modifié?

Le sénateur Taylor: La question n'est pas de savoir s'il va ou non adopter le projet de loi modifié. Je dis que, si le projet de loi est renvoyé à la Chambre des communes, il fera l'objet d'un débat. À partir de là, je ne sais pas à quelles tactiques il pourrait recourir. Il y aurait un risque que l'on perde le projet de loi C-20, parce que la marge n'était pas tellement grande. En sa qualité de chef de l'opposition, Stockwell Day, avec l'appui du Bloc québécois, aurait beaucoup de poids. Je suis convaincu qu'il pourrait empêcher l'adoption du projet de loi modifié.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: L'honorable sénateur Taylor, qui a toujours contre vents et marées, défendu le Sénat dans une province qui n'est pas trop sympathique au Sénat, ne considère-t-il pas que son attitude aujourd'hui tient du plus grand miracle depuis que Saint Paul soit tombé sur le chemin en route vers Damas, en niant tout ce qu'il a pu dire à propos du Sénat, et ce dans l'une des provinces les moins sympathiques au Sénat? Vous comprenez maintenant la surprise générale.

[Traduction]

(1710)

Je suis certain que le sénateur Taylor va comprendre ma réaction amicale à ses remarques. Certains parmi nous voient en lui un battant prêt à aller au combat, y compris dans sa province où, si je me souviens bien, j'ai fait campagne pour lui il y a 27 ans. Le sénateur Taylor ne se rend-il pas compte qu'il a toujours défendu les deux Chambres? J'ai peine à comprendre pourquoi il déciderait soudainement de refuser l'honneur d'au moins défendre le Sénat.

Étant donné que le sénateur Taylor n'a pas épuisé son temps de parole, je lui demande, comme je l'ai déjà demandé au sénateur Fraser, de prendre quelques minutes pour m'expliquer pourquoi nous sommes venus au Sénat et ce que représente cette institution pour lui.

Le sénateur Taylor: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je suis toujours dans le même coin, à la défense du Sénat.

Le sénateur Prud'homme a rapporté l'histoire de la Bible dans laquelle Saint Paul tombe de son mulet sur le chemin de Damas. Nous pourrions également nous pencher sur l'histoire des Athéniens en guerre contre les Spartiates dans laquelle on dit que celui qui s'enfuit connaîtra un autre jour de guerre.

Ce que je veux dire c'est que je tente de défendre le Sénat, mais je crois que nous perdons la chance de le faire en essayant trop. Comme le disait ce vieil agriculteur, on peut donner une balle de foin à un cheval, peut-être deux, mais si on lui en donne cinq à la fois, il s'étouffera. Nous essayons de faire adopter cinq amendements à la fois et à mon avis la plupart d'entre eux sont bons. Je crois également que si le projet de loi est faible, il n'est pas complètement mauvais.

Si les honorables sénateurs avaient suivi mes recommandations à l'étape de la deuxième lecture et qu'ils avaient alors renvoyé le projet de loi à la Chambre des communes, nous aurions eu la chance de le modifier. La Chambre des communes a maintenant ajourné pour l'été. À moins d'un miracle, nous pourrions avoir un nouveau chef de l'opposition à l'automne. À mon avis, nous pouvons procéder par étapes en commençant par adopter le projet de loi pour le modifier une fois que la Chambre des communes aura repris ses travaux. Toutefois, si nous tentons de renvoyer ce projet de loi dans cette Chambre en pagaille où personne ne sait ce qui se passe, nous n'irons nulle part.

Honorables sénateurs, il y a une chose dont je suis certain, c'est que je doute très fort qu'il y aura un chef de l'opposition conservateur à notre retour.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'interviens pour parler du projet de loi C-20. Au moment du vote en deuxième lecture, je me suis abstenue, réservant mon jugement et donnant au gouvernement tout le temps nécessaire pour écouter les préoccupations des sénateurs libéraux et en tenir compte. Le gouvernement a refusé d'améliorer le projet de loi. Je suis déçue de l'inexorable intransigeance du gouvernement. Je suis déçue de l'indifférence gratuite du gouvernement envers les sénateurs libéraux.

Honorables sénateurs, je parle à titre de libérale de l'Ontario qui a été influencée, tout comme l'a été sir Wilfrid Laurier, par les libéraux britanniques classiques du XIXe siècle, dont le grand premier ministre libéral William Ewart Gladstone et d'autres. Je parle également à titre de femme noire, de la plus ancienne des femmes du caucus libéral et de la première femme noire de l'histoire du caucus libéral. Comme les politiques, hommes et femmes, quelque peu expérimentés, je sais bien que, quand des êtres humains forment des assemblées, leurs forces et leurs idéaux s'en trouvent réunis, mais on peut en dire autant de leurs faiblesses et de leurs préjugés. Parmi ces faiblesses figurent les préjugés raciaux et régionaux, les jalousies entre hommes et femmes, ainsi que les vanités personnelles. Ces vanités, saint Augustin les qualifiait de libido dominandi, la soif du pouvoir. Par loyauté envers la politique et le parti et par souci de bien servir la population, j'ai supporté certains préjugés, et cela, sans m'en plaindre publiquement. J'ai protégé mon camp, le Parti libéral, noblement, à cet égard. J'ai essuyé des qualificatifs pas trop flatteurs de la part de certains libéraux qui sont allés jusqu'à me traiter de «garce noire». Pour ma part, j'ai beaucoup souffert par souci de loyauté envers le parti et de service à la population. À mes yeux, le service public l'emporte sur les souffrances et les blessures personnelles. Mais le pire affront personnel et raciste que j'aie eu à subir jusqu'ici, c'était d'avoir été écartée du comité spécial chargé d'étudier le projet de loi C-20. Je considère cette exclusion comme de l'apartheid, et je condamne à nouveau ce geste. Je l'appellerai «l'apartheid de Stéphane Dion».

Honorables sénateurs, en ce qui concerne l'étude du projet de loi C-20, j'ai offert au gouvernement ma force, soit ma personnalité, ma conviction et mon intelligence. Et puis j'ai offert la force qui me vient de mon rôle au sein du caucus, de mon ancienneté au sein du caucus et de l'appui considérable que je reçois au sein de la population. Tout cela, mon camp n'en a pas voulu. Mon camp ne voulait pas ce que j'avais à offrir ou n'en avait que faire. On dirait que ce que mon camp exigeait de moi, c'étaient mes faiblesses. C'est quelque chose que je ne pouvais pas donner. Je ne pouvais pas offrir cela, honorables sénateurs, je ne pouvais pas offrir des faiblesses. Le ministre Stéphane Dion ne semble pas faire la différence entre la loyauté envers le parti et les faiblesses de caractère. De plus, il ne s'y connaît pas en libéralisme, dans l'histoire du Parti libéral, dans les principes du Parti libéral. Mais par-dessus tout il ne s'y connaît pas en relations humaines qui sont pourtant nécessaires à la gestion d'un parti politique et d'un caucus de parti.

Honorables sénateurs, tout au long du débat, j'ai toujours soutenu qu'un gouvernement, un Cabinet a pour premier devoir de faire respecter et de défendre l'ordre constitutionnel - c'est-à-dire de maintenir la stabilité et l'existence de l'État, soit l'intégrité territoriale de la nation et son système de gouvernement. C'est dans ce but que la loi, expression de la volonté collective, a commencé. La forme la plus ancienne de loi est la loi de la prérogative, la lex prerogativa, ou la loi du monarque, le jus regis. La seconde forme la plus ancienne de loi est la loi du Parlement, la lex et consuetudio parliamenti. Ces deux ensembles de lois, soutenus par le droit législatif, ont été le point d'appui de la stabilité politique pour nos citoyens. Faire le contraire, c'était s'exposer au courroux de ces deux ensembles de lois et faire face à l'accusation de trahison.

Honorables sénateurs, les autorités et la loi nous enseignent que le premier objectif de toutes les associations politiques de la société et de toutes les constitutions consiste à produire un état de choses dans lequel les citoyens peuvent poursuivre leurs diverses occupations sans interruption ni perturbation, conformément à la fameuse maxime de notre droit, c'est-à-dire garder la paix du monarque - d'où la signification de l'expression «paix, ordre et bon gouvernement» énoncée dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, à l'article 91.

Les honorables sénateurs savent que je n'approuve pas l'intervention que la Cour suprême du Canada a faite dans la vie politique avec son avis consultatif de 1998, dont découle le projet de loi. J'étais d'accord avec la critique que l'ex-premier ministre Pierre Elliott Trudeau avait faite en 1991 à propos de l'intervention de la Cour suprême dans la vie politique avec le Renvoi de 1981 sur le rapatriement. M. Trudeau avait raison et il s'appuyait sur 150 ans d'histoire constitutionnelle. Je m'en tiens au principe fondamental du libéralisme, selon lequel il ne faut pas utiliser les tribunaux et le pouvoir judiciaire à des fins politiques, un principe libéral soutenu par la loi du Parlement et par les pratiques constitutionnelles concernant le rapport à observer entre le Parlement et les tribunaux.

Honorables sénateurs, dans les deux interventions que j'ai faites au sujet du projet de loi, le 16 mai 2000, j'ai démontré qu'il n'existe pas de prérogative royale autorisant le gouvernement du Canada à mettre fin au Canada ou à partager, diviser ou démembrer le Canada. J'ai également démontré que les assertions du gouvernement et du leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Bernard Boudreau, au sujet du Sénat sont erronées et ne sont pas appuyées par la pratique et par l'histoire constitutionnelles canadiennes.

(1720)

Le fait que le sénateur Boudreau ait fait des affirmations aussi manifestement fausses et que, lorsqu'on les a contestées, il ait refusé de les justifier ou de les retirer me laisse perplexe. J'ai cité de hautes autorités, dont le premier ministre R.B. Bennett, qui démontraient clairement le droit du Sénat à tenir des votes de confiance. Je vais donner aujourd'hui deux preuves parlementaires supplémentaires du rôle approprié du Sénat concernant les votes de confiance.

La première est une citation de la plus haute autorité du Canada en matière d'affaires parlementaires, Alpheus Todd, l'auteur du XIXe siècle. L'édition de 1894 de son livre intitulé: Parliamentary Government in the British Colonies dit ceci:

Il est vrai qu'un vote de défiance dans une administration existante peut être tenu dans les deux Chambres du Parlement, sans qu'il leur soit nécessaire de fournir une raison à cela.

Je le répète, Todd a affirmé de façon indiscutablement claire et simple que des votes de défiance peuvent être tenus au Sénat.

Honorables sénateurs, ma deuxième citation porte sur une motion de défiance particulière ou une motion de censure qui a été adoptée ici, au Sénat. En fait, le Sénat a joué un rôle essentiel. Je parle du rôle qu'il a joué en 1879 dans le renvoi du lieutenant-gouverneur du Québec Luc Letellier par le Gouverneur général, le marquis de Lorne, sur l'avis des deux Chambres, le Sénat et la Chambre des communes. Je parle des motions de censure du Parlement contre le lieutenant-gouverneur Letellier qui ont finalement abouti à son renvoi et à son remplacement par le Gouverneur général Lorne en juillet 1879.

Honorables sénateurs, c'était là une question de crise constitutionnelle grave, longue et complexe qui a été étudiée par les deux Chambres dans leurs débats. Ce qui est important pour les sénateurs, c'est le rôle essentiel qu'a joué le Sénat dans cette motion de censure et dans ce renvoi.

Le 16 avril 1878, au Sénat, une motion de censure, présentée par le leader de l'opposition au Sénat, le sénateur conservateur Alexander Campbell, blâmait le lieutenant-gouverneur Letellier. Une motion de censure similaire avait été rejetée la veille à la Chambre des communes. Toutefois, quelques mois après son adoption au Sénat, la motion de censure a été adoptée à la Chambre des communes.

Permettez-moi de rappeler les mesures prises par le premier ministre sir John A. Macdonald, telles que décrites dans le Rapport d'un comité de l'honorable conseil privé, approuvé par Son Excellence, le Gouverneur général, le 25 juillet 1879. Le texte dit:

Que [...] sir John A. Macdonald, à titre de premier ministre, a informé Votre Excellence, qu'après l'adoption de la résolution du Sénat au cours de la dernière session du parlement du Canada et l'adoption de la résolution de la Chambre des communes susmentionnée, les conseillers de Votre Excellence étaient d'avis que M. Letellier n'avait plus aucune utilité en tant que lieutenant-gouverneur du Québec et qu'il était dans l'intérêt public qu'il soit rapidement révoqué.

C'est ce qui correspond à une motion de défiance.

Le texte poursuivait en ces termes:

[...] que la décision dans le cas présent dicterait à l'avenir les relations entre le Dominion et les gouvernements provinciaux en ce qui concerne la fonction de lieutenant-gouverneur...
Enfin, le comité attribue clairement dans son rapport la cause de la révocation à la motion de blâme adoptée au Sénat et, par la suite, à la Chambre des communes.

Je poursuis la lecture du document:

Il tient à déclarer que la cause de cette révocation aux termes des dispositions de l'article 59 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 est que, après le vote de la Chambre des communes au cours de la dernière session et celui du Sénat au cours de la session précédente, M. Letellier n'avait plus d'utilité à titre de lieutenant-gouverneur. Les conseillers de Votre Excellence sont bien conscients de la responsabilité d'une telle recommandation et estiment qu'il est de leur devoir de l'accepter.

Honorables sénateurs, le lieutenant-gouverneur Luc Letellier a été révoqué le 26 juillet 1879 et un nouveau lieutenant-gouverneur, Théodore Robitaille, a été nommé pour le remplacer.

Sir John A. Macdonald, dans ce document du Conseil privé, mentionnait l'article 59 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Je vais lire aux honorables sénateurs un extrait de l'article 59 en question:

Le lieutenant-gouverneur restera en charge durant le bon plaisir du Gouverneur général; mais tout lieutenant-gouverneur [...] ne pourra être révoqué [...] à moins qu'il n'y ait cause; et cette cause devra lui être communiquée par écrit [...] et l'être aussi par message au Sénat et à la Chambre des Communes dans le cours d'une semaine après cette révocation...

Sir John A. MacDonald et le Gouverneur général se sont tous deux conformés à cet article: d'abord sir John A., en suivant l'avis des deux Chambres, puis le Gouverneur général, en transmettant rapidement et volontairement les demandes et documents pertinents au Sénat.

Le sénateur Alexander Campbell, prenant la parole au sujet de sa motion le 12 avril 1878, a fait référence aux communications et messages du Gouverneur général au Sénat. Il déclarait:

Une autre raison pour laquelle j'estime indiqué d'agir comme je le fais est que deux messages de Son Excellence ont été transmis à cette Chambre, avec d'autres documents pertinents, non pas à notre demande mais à la demande et par la grâce de Son Excellence. J'estime que nous devons agir, de crainte que notre silence ne soit mal interprété...

Voilà, honorables sénateurs, en quoi consiste le rôle véritable et voulu du Sénat canadien, rôle qui n'a rien à voir avec les inventions fantasques du ministre Dion et d'autres.

Honorables sénateurs, il est important de comprendre que le projet de loi C-20 vise à limiter le pouvoir que confère au Sénat l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'article 18 de l'AANB confère au Sénat ce que Edward Blake, l'un des plus grands juristes libéraux à avoir jamais servi au Parlement, appelait l'important pouvoir du Parlement d'agir comme conseiller. Le projet de loi C-20 vise à limiter le pouvoir du Sénat d'agir comme conseiller à l'égard des mesures prises par les gouvernements fédéral et provinciaux en matière d'unité nationale.

Honorables sénateurs, le Sénat incarne le principe fédéral, mais le projet de loi C-20 déroge à ce principe de façon très sournoise, et cela ne me plaît pas.

Honorables sénateurs, le ministre Dion a comparu pour la première fois devant le comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-20 le 29 mai 2000. En réponse à une question du sénateur Kinsella sur la divisibilité du Canada, le ministre Dion a répondu ce qui suit:

Je savais que le Canada était divisible avant le renvoi à la cour. Je pense que très peu de gens soutiennent le contraire.
Le ministre Dion est omniscient. Il savait ce qu'il était impossible de savoir. Il savait ce qu'aucun d'entre nous ne savait avant. Il a dit qu'il avait toujours su que le Canada était divisible.

Plus tard au cours de la même séance, le sénateur Michael Pitfield, ancien greffier du Conseil privé, a dit au sénateur Dion:

C'est vertigineux. Jamais je n'aurais cru voir le jour où le Parti libéral se prononcerait en faveur de la désunion du pays!
Moi non plus je n'aurais jamais cru voir ce jour. La désunion du Canada est contraire à l'histoire et à la politique du Parti libéral.

Je terminerai en citant le témoignage du ministre Dion, lorsqu'il est revenu, le 19 juin 2000, devant le comité sénatorial spécial sur le Projet de loi C-20. En ce qui concerne l'allégeance à Sa Majesté la reine Elizabeth II, ce qui est demandé dans le serment d'allégeance que nous prêtons tous à la prise de nos fonctions sénatoriales, j'ai posé la question suivante à M. Dion:

Voici ma question: en votre qualité de ministre de la Couronne, quel est votre devoir d'allégeance à l'égard du Dominion du Canada, de la paix et de la Reine du Canada?

Le ministre a répondu ceci:

[...], le Canada a été créé pour former un dominion. S'il y avait deux dominions, nous le saurions. On a créé un dominion de la Couronne. Cela ne signifie pas que le Canada est indivisible. Cela n'a été écrit nulle part. Où se trouve l'expression «territoire indivisible de la Couronne»? La notion d'indivisibilité ne peut procéder du fait que le Canada ne constitue qu'un seul et unique dominion.
J'ai alors demandé:
[...] Ma question concernait votre devoir en tant que ministre, votre devoir d'allégeance à l'égard de Sa Majesté la Reine et du Dominion du Canada. C'est là-dessus que portait ma question. Quel est votre devoir d'allégeance?
À cela, M. Dion a répondu ceci:

Mon devoir d'allégeance est à l'égard des valeurs auxquelles je crois[...]

(1730)

Honorables sénateurs, le ministre dit qu'il est tout-puissant. Il dit devoir être fidèle à lui-même, à ses croyances et à ses valeurs. Le ministre s'est ainsi condamné lui-même. Il est inutile d'ajouter quoi que ce soit. Le ministre a refusé de défendre et de maintenir l'ordre constitutionnel du Canada. Il a cédé le terrain aux souverainistes et c'est ce que fait aussi le projet de loi C-20. Les souverainistes seront inévitablement et inexorablement victorieux parce qu'on leur aura cédé le terrain. Voilà pourquoi je n'appuie pas le projet de loi C-20 et pourquoi, honorables sénateurs, j'appuierai les amendements proposés par d'autres sénateurs.

Honorables sénateurs, en hommage à tous ceux qui ont cru au pays qu'est le Canada et qui ont pris des risques pour le défendre, je voudrais terminer en citant le très célèbre poème de John McCrae intitulé: «Au champ d'honneur», que tous les sénateurs connaissent sans doute.

Au champ d'honneur les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix. Et dans l'espace
Les alouettes, devenues lasses,
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.
Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encore
À nos parents, à nos amis,
C'est nous qui reposons ici
Au champ d'honneur.
À vous jeunes désabusés
À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d'honneur.
Honorables sénateurs, j'ai le devoir impérieux de porter l'oriflamme et, honorables sénateurs, je serai fidèle à l'histoire de notre pays et à la tradition du Parti libéral. Honorables sénateurs, je respecterai le serment d'allégeance que j'ai prêté, la main sur la Bible, en entrant ici. Cela ne veut peut-être pas dire grand-chose pour beaucoup de gens, mais cela veut dire beaucoup pour moi. Honorables sénateurs, aucune loyauté à un parti ne peut amener un sénateur à violer le serment d'allégeance qu'il a prêté.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il y a plusieurs façons d'aborder le sujet. Il y a le discours écrit qui résume tout ce qui a pu être dit au comité, le discours qui résume tout ce qui a été proposé et celui que j'ai choisi de faire: la réflexion. Réflexion d'un vieil homme politique qui a 37 ans de service au Parlement du Canada. L'autre senior, c'est M. Herbert Gray de l'autre Chambre. Je suis le deuxième plus vieux serviteur. C'est ainsi que je considère mon rôle, même si cela en fait sourire quelques-uns ou ergoter quelques autres. Je suis très sensible aux visages et aux réactions des gens, non pas dans le sens que cela peut me blesser, mais sensible à percevoir les réactions.

Je vais vous dire pourquoi j'ai été nommé au Sénat. Je ne l'ai jamais dit publiquement. Cela a été, je le regrette, l'ultime écoeurement de toujours perdre lorsque je parlais de ce qu'était mon peuple: le peuple canadien-français du Québec à l'intérieur du Canada. C'est assez grave comme déclaration puisque j'aurai à vivre avec cela pour le reste de mes jours. J'aurais pu rester député, car je n'ai pas été chassé du Parti libéral. Je l'ai quitté sans bruit, à la fin du terme en 1993. J'ai toujours été loyal envers mon pays. J'ai toujours dit que je lui serais loyal, même si cela devait l'emporter sur la loyauté envers mon parti. À un moment donné, il y a eu le choc, j'ai alors décidé de quitter. J'étais déjà candidat du Parti libéral du Canada dans la circonscription Saint-Denis. J'ai été nommé en juin 1993. J'étais celui que les péquistes et les bloquistes appelaient «l'indéracinable». Lorsque j'ai vu qu'il n'y avait plus rien à faire - comme un adolescent peut-être - j'ai pris la porte. On a pensé que c'était une crise temporaire, mais elle était réelle. Dans la vie, on ne sait jamais quand il y a une goutte de trop. Pour certains, c'est quelques jours, quelques mois, quelques années; cela m'aura pris 30 ans.

J'ai vu des gens, dans l'arrogance du pouvoir, qui ne comprenaient pas ce qu'est le Canada. J'ai rencontré le Très honorable premier ministre Mulroney qui est un ami tout comme Jean Chrétien. Lorsque j'ai quitté le parti, je lui ai dit que je siégerais comme indépendant. Il y a trois témoins de ces événements: Guy Charbonneau qui est maintenant décédé, le sénateur LeBreton à cause de ses responsabilités semblables à celles du sénateur Fairbairn auprès du premier ministre et le premier ministre. Il a été surpris, mais il savait bien que je siégerais comme indépendant. C'est la raison pour laquelle je suis venu au Sénat. Je pense comprendre les différences, les nuances et les frustrations. C'est d'ailleurs ce qui a fait ma popularité à l'Union parlementaire internationale. Comprendre également que l'arrogance du pouvoir peut vous faire faire toutes les bêtises au monde comme nous sommes en train d'en faire une. C'est du moins mon avis! Il s'agit d'un mépris profond des institutions canadiennes, alors qu'on sait très bien que le Parlement est composé de deux Chambres. Je serais même presque prêt à excuser le premier ministre. Mais voilà que des conseillers lui disent que c'est la manière de procéder parce que personne ne se préoccupe de ces questions. Chez nous on dit: «C'est le temps d'en passer une petite vite.» C'est une expression très courante dans le langage québécois.

J'ai donc accepté d'être sénateur indépendant. Je savais bien que nous ne serions pas nombreux. Nous étions que trois indépendants. Vous avez écouté religieusement le discours du sénateur Pitfield - à cause du respect qu'on lui porte - qui défend les institutions. Le sénateur Lawson était là également, et depuis ce temps, il y a les sénateurs Wilson et Roche. Et certains d'entre vous souhaiteraient peut-être être à ma place à titre de sénateur indépendant.

(1740)

Je comprends et j'accepte le jeu des partis, même si un collègue m'a toujours dit que je n'étais pas indépendant, que je votais toujours selon le gouvernement. Cela m'avait blessé, et aujourd'hui je le lui dis, mais j'ai laissé passer.

Je vote selon ma conscience, dans les meilleurs intérêts de tous, sans exagérer, sans non plus abuser de la patience du groupe auquel j'appartiens. Je ne peux pas toujours être dissident. Je connais bien le Règlement du Sénat du Canada, je pourrais en citer les règles aussi bien que le faisaient le sénateur Molgat et quelques autres durant le débat sur la TPS. S'il fallait que je vous lise le livre rouge des règlements, vous ne pourriez pas ajourner pour l'été, mais ce serait aller contre le groupe.

Parfois il y a de grands événements qui marquent l'histoire, le projet de loi C-20 en est un. Les pressions sont immenses, je les ressens et je les vois chez les autres, mais elles constituent l'essence même de la vie politique! C'est dans ces circonstances que nous voyons des sénateurs courir le risque de sacrifier des amitiés de longue date pour accomplir leur devoir. C'est ce qui se passe actuellement.

Je ne veux pas dire que certains sénateurs ont plus de principes que d'autres. Je n'ai jamais dit cela, mais arrêtons-nous et méditions sur ce qu'est le Canada. Que voient d'autres personnes au pays que nous ne voyons pas?

Vous demanderez au sénateur Banks s'il se souvient des jeunes enfants d'Edmonton qui avaient envoyé de petits gestes d'amitié à une professeure de la ville de Québec. Le malheur a voulu que l'école s'appelle Saint-Jean-Baptiste et que la professeure s'appelle Mme Lévesque. Elle avait alors dit qu'elle ne voulait pas des messages d'amour de cette école.

[Traduction]

Le sénateur Banks m'a rappelé cette histoire. J'ai immédiatement fait des appels téléphoniques parce que je savais que des personnes étaient attaquées. Les enfants pleuraient, et je savais que la situation donnerait lieu à un malentendu. J'ai donc offert d'aller à l'école. J'ai demandé au professeur si je pouvais aller dire aux enfants combien j'appréciais ce qu'ils avaient fait. Il a été un peu surpris de mon offre. M'étant engagé à le faire, j'ai dû penser à ce que j'allais dire. C'était une situation très délicate. Voilà, en gros, l'histoire.

Honorables sénateurs, nous devrons refaire notre éducation si nous voulons parvenir à définir le Canada. Avons-nous peur de dire que nous sommes sénateurs? Laisserons-nous d'autres individus continuer d'exprimer leur mépris envers le Sénat? Nous soustrairons-nous à nos responsabilités? Allons-nous rester tranquilles et taire le fait que nous sommes des sénateurs? Ceux qui pensent cela devraient démissionner. Ils ne devraient pas rester au Sénat s'ils ont peur de dire fièrement: «Je suis un sénateur du Canada.»

Une grande confusion règne dans notre pays. Hier soir, il y a eu une rencontre à laquelle ont assisté cinq députés et trois sénateurs. Les députés et les sénateurs sont tous des parlementaires; nous faisons tous partie du Parlement. Celui-ci comprend deux Chambres: la Chambre des communes et le Sénat. Pourtant, les organes d'information, y compris The Hill Times, disent tous que le Parlement a ajourné, parce que les députés sont en congé pour l'été. Honorables sénateurs, nous sommes des parlementaires nous aussi! Je suis fier d'en être un. Je ne me suis jamais fait insulter au Québec, et pourtant, on sait que je suis fédéraliste. Jamais un séjour n'aura été aussi agréable que les quatre jours que je viens de passer à Québec pour le dévoilement de la statue de M. Jean Lesage.

Je suis allé à l'Assemblée nationale; on nous y a présentés, ma soeur et moi, ma soeur qui a été juge au Bureau de la citoyenneté - mais je n'aborderai pas ce sujet. Ma soeur a été nommée deux fois par M. Trudeau et deux fois par M. Mulroney, mais elle a été renvoyée peu après ma nomination au Sénat. C'est toutefois là une autre histoire.

Nous devons être fiers d'être sénateurs. Comme la motion d'amendement qui a été proposée visait le Sénat, nous devrions naturellement l'appuyer. À l'intention du sénateur Taylor, je dis advienne que pourra; si le gouvernement veut vraiment que la Chambre des communes soit saisie du projet de loi, pense-t-il que le premier ministre hésitera à convoquer le Parlement? De toute façon, la Chambre des communes pourrait être rappelée à cause d'une grève éventuelle. Si le gouvernement le veut, il rappellera le Parlement. Il n'attendra pas.

Honorables sénateurs, pourquoi nous refuserions-nous la respectabilité? Pourquoi nous laisserions-nous bousculer alors que nous avons un devoir constitutionnel à remplir? J'ai eu assez de cran pour aller dire dans une école francophone et catholique du Québec que j'étais monarchiste et que je le resterais tant que Sa Majesté vivrait et que la monarchie ne serait pas renversée. J'ai prêté allégeance 16 fois à Sa Majesté. Je n'ai pas peur de le dire. C'est mon devoir aux termes de la Constitution. Quand on donne des explications sur le rôle du Sénat, la plupart des gens ne comprennent pas. Bien des gens n'arrivent pas à le dire clairement, mais il est évident qu'ils se méfient de tous les politiques. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles je suis fédéraliste. Je sais qu'on ne peut pas bafouer mes droits si j'ai un double recours. Mon gouvernement provincial peut m'aider, et mon gouvernement fédéral aussi. C'est pourquoi les gens pensent au fond que deux Chambres, dans un pays immense comme le Canada, sont bien préférables pour leur propre sécurité, pour leur dignité. Ainsi, si une Chambre les laisse tomber, ils espèrent pouvoir compter sur l'autre. Si les sénateurs peuvent aider des Canadiens, ne fût-ce qu'une fois ou deux pendant la durée de leur mandat, il vaut la peine qu'ils se portent à la défense du Sénat.

Je sais que des pressions s'exercent sur les sénateurs. Je suis un ami du whip, et je l'ai vu arborer un large sourire tout à l'heure, lorsque le sénateur Taylor a enfin dit: «Je vais voter d'une façon ou de l'autre.» Fort bien. Je n'ai pas d'objection. Cela ne me dérange pas. Je lui lève mon chapeau. Ces derniers jours, le téléphone n'a pas dérougi. Je sais qu'il y a un prix à payer. Vous n'accéderez peut-être pas à telle ou telle fonction, mais qu'est-ce que ce petit sacrifice comparé à la satisfaction d'accomplir le devoir que vous avez été appelé à remplir lorsque vous avez été convoqué au Sénat, le devoir que vous ont confié les Canadiens?

Honorables sénateurs, si tous sont d'accord, je terminerai dans deux minutes.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je propose que nous donnions au sénateur Prud'homme la permission de prolonger son discours de cinq minutes.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Je crois que nous sommes privilégiés, honorables sénateurs. Nous sommes des Canadiens gâtés. Nous sommes membres du dernier club du Canada. Il y a toutefois un prix à payer pour cela. Quel est le prix? Le prix est que, en demeurant fidèle et loyal à son parti, il faut parfois prendre un peu de recul et dire: «Cela suffit. Désolé. Ne prenez pas cela comme une attaque personnelle.»

(1750)

Si ce n'est pas aujourd'hui, j'espère que cela viendra un jour. Cela pourrait être à propos d'un autre projet de loi. Cela pourrait être à une autre occasion. Je pense bien qu'aucun discours ne pourrait faire changer qui que soit d'idée maintenant.

Pourtant, cela devrait être le rôle du Sénat. Tout est là.

[Français]

Il y a des Canadiens français du Québec passionnés comme moi et d'autres qui ne le sont pas. Il y a des Canadiens français qui s'appellent Acadiens qui ne se disent pas Canadiens français mais Acadiens. Ils sont fiers de l'être et ils l'ont prouvé. Il y a des Franco-Ontariens, des Inuits, des gens qui représentent les premiers peuples. C'est un pays extraordinaire! Il y a maintenant 33 femmes au Sénat contrairement à ce qu'a dit Mme Barbara Yaffe, journaliste de Vancouver.

[Traduction]

J'aimerais que ce soit moitié, moitié, car le premier ministre a cette option.

Cela étant dit, je regrette que nous ne saisissions pas cette occasion pour ne pas nous laisser bousculer par l'arrogance du pouvoir et par les gens qui ont beaucoup de responsabilités, ce qui comprend les conseillers qui prennent parfois les décisions à la place des politiciens. Les sénateurs pourraient peut-être être ceux qui diront: «C'est assez. Aujourd'hui, nous allons voter en nous fondant sur ce qui, selon nous, est la bonne chose à faire.»

Si le vote allait dans l'autre sens, je céderais, parce que je suis un démocrate, mais je déteste être obligé de voter d'une certaine façon sur une mesure législative aussi importante à cause des pressions exercées.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une brève question à poser. Le sénateur m'a nommé dans son discours comme quelqu'un qui ne défend peut-être pas le Sénat de façon aussi exubérante que lui. Le sénateur a-t-il lu ma motion numéro 80?

Le sénateur Prud'homme: Oui.

Le sénateur Taylor: Il l'a lu? Votera-t-il en faveur de cette motion lorsqu'elle sera mise aux voix?

Le sénateur Prud'homme: Bien que je n'aie pas le privilège, et j'en suis responsable, de compter sur un bureau de recherches et d'autres services semblables, pas plus tard qu'hier soir, le sénateur Finestone m'a félicité pour l'excellent exposé exhaustif que j'ai présenté au sujet du projet de loi. J'ai lu, bien sûr, la motion numéro 80 à la dernière page. Cela va de soi. Votre gouvernement la mettra-t-il aux voix?

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme et le sénateur Cools sont de fiers sénateurs. Je crois que les 100 autres - 101 autres, si vous me comptez - sont aussi de fiers sénateurs. Je suis un fier sénateur.

Demain, je préférerais être à Neepawa, au Manitoba, en compagnie de 75 diplômés qui, au cours des trois dernières années, avec mon soutien et celui d'autres personnes, ont recueilli de l'argent pour le diabète juvénile et le Sentier transcanadien. Ces jeunes ont embrigadé des élèves dans 650 écoles de partout au pays. Je dois reconnaître que je préférerais être avec eux plutôt qu'avec mes collègues demain. Toutefois, je serai ici car, en ma qualité de fier sénateur, j'ai aussi un devoir. Autant que je puisse me rappeler, je n'ai pas raté un vote en six ans.

Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention d'intervenir au sujet de ce projet de loi. Je ne voulais pas le faire car, en toute franchise, il m'est trop souvent arrivé dans ma vie de participer à des débats portant sur de prétendues questions constitutionnelles, et j'en éprouve de la lassitude. Je préfère concentrer mon discours sur des mesures législatives influant sur la vie quotidienne des Canadiens. Toutefois, je dois dire que je crois que le débat sur ce projet de loi - je rappelle à tous les sénateurs que c'est un projet de loi et non un amendement constitutionnel - a pris une proportion qui est trop grande par rapport aux questions dont nous sommes saisis.

J'aborderai en premier lieu une question très sérieuse qui, à mon avis, préoccupe chacun d'entre nous. Il s'agit du débat entourant la divisibilité ou l'indivisibilité du Canada. En ce qui me concerne, à tout le moins, il est manifeste que le pays est indivisible à moins que le contraire ne soit établi à un moment donné. Pourquoi le pays adopterait-il une telle mesure? Selon moi, une telle mesure serait adoptée si une vaste majorité d'habitants d'une province décidaient de voter en faveur de la séparation dans le cadre d'un référendum. À la suite de ce vote, quelle autre mesure que la négociation envisageraient les sénateurs? À mon avis, personne ne veut d'une guerre civile au Canada. Pendant de nombreuses années, j'ai enseigné l'histoire américaine aux États-Unis. J'ai enseigné que la guerre civile américaine et la dévastation qui a frappé ce pays entre 1861 et 1865, époque où les pertes de vie ont été plus nombreuses que toutes celles qu'ont connues les Américains à l'occasion des Première et Seconde Guerres mondiales et de la guerre de Corée, ainsi que les blessures qui existent toujours dans certaines parties des États-Unis, constituent un héritage inacceptable au Canada.

Quel autre choix que celui de négocier le gouvernement a-t-il? Je ne comprends pas pourquoi les sénateurs se sont laissés embarquer dans ce débat. Le sénateur Pitfield, il y a quelques heures, a fait l'analogie avec les discussions sur le sexe des anges. Il est clair que nous différons complètement d'avis sur cette question, mais je suis tout à fait d'accord avec lui sur cette analogie. On ne peut, il me semble, discuter du caractère divisible et de l'indivisibilité parce que les deux sont corrects.

Le sénateur Joyal a fait valoir qu'un référendum devrait avoir lieu avant le début des négociations. Ma réponse à cela, c'est: «Dieu nous en garde.» De quel pouvoir disposerait le gouvernement fédéral à la table de négociation si une écrasante majorité de Canadiens avait voté en faveur des négociations, déclarant de façon pas très subtile: «Qu'on les laisse donc partir?» Dans le cas contraire, s'ils votaient contre les négociations, ce serait l'impasse. La province sécessionniste serait tentée de déclarer unilatéralement sa séparation, mais la Cour suprême du Canada a dit qu'elle ne pourrait le faire. En outre, la Cour suprême du Canada a dit que le gouvernement du Canada serait forcé de négocier. Cependant, les Canadiens auraient dit non.

Sauf tout le respect que je dois au sénateur Joyal, je pense que son souhait de tenir un référendum à cette étape ne ferait que rendre les choses totalement confuses.

L'autre question qui nous préoccupe tous est la question autochtone. Quand le Canada a rapatrié la Constitution en 1982, il a, à mon avis, fait deux choses importantes. Il a inscrit pour la première fois un rôle pour les autochtones dans la Constitution et il a adopté la Charte des droits et libertés. Nous ne pouvions plus dorénavant parler uniquement des deux peuples fondateurs. À partir de 1982, nous devions reconnaître que des peuples avaient précédé nos deux peuples fondateurs et qu'ils avaient des droits. Les articles 35 et 35.1 ont fait en sorte qu'il faille consulter nos premières nations dans toutes négociations constitutionnelles ayant des répercussions sur elles. C'est un bien meilleur moyen de défense pour les autochtones que ne l'est l'amendement dont nous sommes maintenant saisis.

Les gouvernements peuvent modifier très facilement les lois, et ils le font fréquemment. Les modifications constitutionnelles sont autrement plus difficiles à réaliser. C'est pourquoi cela est prévu dans la Constitution. Par conséquent, je ne puis appuyer l'amendement du sénateur Watt simplement parce que j'estime, à l'instar du grand chef Phil Fontaine, qu'il n'est pas nécessaire.

J'en viens maintenant au troisième argument, qui est le plus important pour moi. Est-ce que ce projet de loi diminue les pouvoirs du Sénat? Pour répondre à cela, il faut s'arrêter à son objectif.

(1800)

Je dois poser quelques questions. Est-ce que le pouvoir exécutif a besoin de ce projet de loi? Le Cabinet ne pourrait-il pas tout simplement déclarer que la question référendaire n'est pas claire et, par conséquent, qu'elle ne saurait servir de base à des négociations? Le pouvoir exécutif ne pourrait-il pas déclarer que la majorité obtenue est insuffisante? Je répondrais oui à ces deux questions.

Pourquoi, alors, le Cabinet a-t-il décidé qu'il voulait le projet de loi C-20? Puisque personne ici n'était dans la pièce où cette décision a été prise et que je ne fais pas partie du Cabinet, j'ignore la teneur des discussions qui ont eu lieu, mais à mon avis, cette décision a été prise parce que le Cabinet voulait une position plus forte. Il ne voulait pas prendre seul la décision. Il voulait l'appui des députés à la Chambre des communes et, si les députés lui refusaient leur appui, il pourrait s'adresser au peuple en déclenchant des élections sur la question, puisque ce serait une question de confiance.

Pourquoi le Cabinet ne voudrait-il pas obtenir aussi une résolution du Sénat? Honorables sénateurs, rien dans le projet de loi n'empêche le Sénat de débattre d'une telle résolution. N'importe quel sénateur pourrait proposer une motion et le Sénat pourrait voter sur cette motion, mais il est vrai qu'un tel vote n'obligerait pas le gouvernement à déclencher des élections.

Est-ce que la Chambre des communes serait tenue de prendre en considération l'opinion exprimée par le Sénat dans sa résolution? Non. Elle n'y serait pas forcée, pas plus qu'elle serait tenue d'écouter les provinces, qui pourraient aussi adopter des résolutions, ni même les peuples autochtones. Cependant, je crois que, si la Chambre des communes décidait de ne pas tenir compte de telles résolutions, ce serait à ses propres risques électoraux.

J'éprouve un certain malaise de voir que le Sénat n'a pas été inclus. Malheureusement, je ne vois aucun moyen raisonnable d'inclure le Sénat de manière à garantir la clarté, ce qui est après tout l'objet du projet de loi C-20. Quelle serait la force de la voix fédérale si une Chambre votait oui et l'autre non? La province qui désire se séparer ne pourrait-elle pas se moquer de la position fédérale devant son ambiguïté et son manque de clarté? Adieu clarté, alors.

Cela veut-il dire que le Sénat a perdu des pouvoirs constitutionnels? Je soutiens que non.

Honorables sénateurs, nous avons perdu des pouvoirs constitutionnels en 1982, quand la Loi constitutionnelle a, par une modification à la Constitution, limité notre pouvoir à un veto suspensif de six mois.

Beaucoup d'entre nous étions au Sénat lorsque notre position a été rejetée lors de la première question scolaire concernant Terre-Neuve. Ce vote ne nous a cependant pas empêchés d'aller à Terre-Neuve écouter les gens de cette province. Nous avons, sur le plan constitutionnel, une limitation rigoureuse de notre pouvoir d'amendement. Cependant, nous pouvons faire connaître notre opinion aux Canadiens au cours des six mois qui nous sont accordés.

À cause de l'Entente de Charlottetown, je crois très improbable qu'une modification constitutionnelle puisse être adoptée au Canada sans être précédée d'un référendum à l'échelle nationale ou provinciale.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, il est 18 heures. Est-on d'accord pour que je ne tienne pas compte de l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carstairs: Selon la pertinence de la modification, c'est à ce moment-là que nous pouvons défendre notre thèse auprès des Canadiens.

Honorables sénateurs, rappelons-nous qu'il s'agit simplement d'un projet de loi. Certes, il accorde à la Chambre des communes un rôle qu'il ne nous accorde pas. Cependant, mon plus grand souci, c'est que nulle province - nulle province - ayant des ambitions sécessionnistes ne puisse produire une question ambiguë sans que cette question soit examinée et jugée ambiguë. La clarté de la question et la clarté de la majorité, voilà l'objet du projet de loi. C'est la clarté qui me porte à approuver le projet de loi; c'est la clarté qui me porte à rejeter les amendements.

L'honorable Lowell Murray: L'honorable sénateur permettrait-il une question?

Le sénateur Carstairs: Certainement.

Le sénateur Murray: L'intervention de l'honorable sénateur a servi à me rappeler, pour plusieurs raisons, pourquoi je crois que le projet de loi est si inopportun sur le plan politique et pourquoi je m'y oppose en principe. Je voudrais cependant qu'elle me dise comment elle pense que le fait d'avoir obtenu à la Chambre une forte majorité déclarant que la question touchant la sécession avait été claire et la majorité suffisante renforcera la position du gouvernement fédéral dans les négociations. Cela n'aura-t-il pas également pour effet de laisser clairement entendre que la province peut faire sécession, ce qui, d'après mon honorable collègue, confirmerait le résultat du référendum?

Le sénateur Carstairs: Je respecte beaucoup le fait que le sénateur s'oppose au projet de loi par principe. C'est assurément l'alternative qu'il faut privilégier aux divers amendements qui ont été proposés.

Lorsque la Chambre des communes se prononce, elle le fait en tant que représentante élue de tous les Canadiens. Je ne puis croire qu'un gouvernement imposerait sa vision à ses députés sur une question aussi importante que l'avenir du pays.

Le sénateur Murray: Le sénateur Carstairs pourrait peut-être nous expliquer, puisque personne d'entre nous ne le sait, ce qui se passerait au cas où un référendum sur la sécession aurait lieu dans une province, disons le Québec. Plus tôt aujourd'hui, le sénateur Bryden a dit que le projet de loi n'oblige pas le gouvernement à faire quoi que ce soit et que la question dont la Chambre des communes serait saisie pourrait prendre forme par osmose. Je suis porté à croire qu'en cas de référendum, le gouvernement présenterait une résolution affirmant que, de l'avis de la Chambre, la question est claire ou non, selon le cas, et tiendrait un vote à ce sujet. J'aimerais que l'honorable sénateur me dise si elle croit que c'est ce qui se produirait.

Selon l'autre hypothèse, la Chambre attendrait tout simplement que quelqu'un prenne la parole, puisque le projet de loi l'oblige à se prononcer. Le gouvernement prendrait certainement l'initiative. Je ne pense pas que le sénateur Bryden ait bien réfléchi à ce qu'il a dit.

Le sénateur Carstairs soutient qu'un gouvernement ne pourrait pas imposer la discipline de parti à ses députés à l'occasion d'un tel vote. Cette position va pourtant à l'encontre de celle qu'adopte implicitement le ministre Dion lorsqu'il justifie l'exclusion du Sénat en affirmant que la Chambre des communes est la Chambre de confiance. J'aurais aimé lui demander, mais je n'ai pas eu la chance de le faire parce que j'avais d'autres questions à poser et que d'autres sénateurs voulaient aussi poser les leurs, de confirmer qu'un vote sur cette question aurait engagé la confiance envers le gouvernement.

Son Honneur le Président pro tempore: Je m'excuse, honorable sénateur Murray, mais les 15 minutes de la période des questions et observations sont écoulées.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je propose d'accorder cinq minutes de plus au sénateur Carstairs.

Son Honneur le Président pro tempore: D'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous avez la parole.

Le sénateur Carstairs: Je crois que le sénateur Murray a raison en ce qui concerne le processus à suivre. Le gouvernement devrait présenter une résolution.

(1810)

Pour ce qui est d'imposer la discipline du parti, même sur une question de confiance aussi importante que celle-ci, le sénateur Murray sait pertinemment que dans le passé je n'ai pas insisté, dans des dossiers de cette importance, pour que les membres de mon caucus ne votent pas selon leur conscience. En fait, à deux reprises différentes, je leur ai dit de voter selon leur conscience et non pas comme leur leader. Cela traduit probablement mon idéalisme.

Le sénateur Murray: Je comprends, honorables sénateurs, mais à l'époque notre collègue était leader de l'opposition au Manitoba. Nous parlons ici d'une situation où un ministre du gouvernement du jour proposerait une résolution disant que, de l'avis de la Chambre, la question est claire, ou qu'elle ne l'est pas, et plus tard, que la majorité est suffisante, ou insuffisante.

Je trouve inconcevable que le gouvernement n'insiste pas pour que ce soit une question de confiance. Pensons aux conséquences si, après que le gouvernement ait proposé la résolution, s'il était minoritaire, la résolution était rejetée. En pleine crise d'unité nationale, nous nous retrouverions sans gouvernement ou en pleines élections, obligés de former une coalition tant bien que mal.

Plus je réfléchis au projet de loi, plus je trouve qu'il est inopportun et plus je suis convaincu de devoir m'y opposer par principe.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je pense que Burke avait raison quand il a dit qu'il y avait des moments ou les individus devaient agir selon leur conscience.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, j'espère que le docte sénateur comprendra que nous ne parlons pas d'une modification constitutionnelle, contrairement à ce qu'en dit le ministre, mais bien d'une mesure législative extraordinaire. Combiner les deux prête à confusion. Je pensais les avoir séparés, mais peut-être que non.

Selon le sénateur Carstairs, ce projet de loi qui exclut le Sénat du processus législatif est-il constitutionnel ou non?

Le sénateur Carstairs: Premièrement, honorables sénateurs, je ne trouve pas que ce soit une mesure législative extraordinaire. Je trouve qu'elle est très ordinaire et je pense qu'elle est constitutionnelle.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, le sénateur Taylor s'est dit très inquiet à l'idée que Stockwell Day puisse être leader de l'opposition à la Chambre des communes. Le sénateur Taylor a fait volte-face et a décidé d'appuyer le projet de loi sans réserve. Dieu sait quel genre de conversations il a eu avec les dirigeants de son parti au cours des trois ou quatre dernières heures.

Dans son discours un peu plus tôt cet après-midi, le sénateur Banks a parlé de la possibilité d'un gouvernement de coalition, dirigé peut-être par Stockwell Day, et de la possibilité que ce gouvernement pourrait ne pas être aussi responsable que l'actuel gouvernement.

S'il se trouvait que M. Manning et M. Duceppe venaient à former un gouvernement de coalition, quelle réaction responsable le sénateur Carstairs attendrait-elle de ces personnes, advenant la tenue d'un vote? Ne s'attendrait-elle pas à ce que ces personnes provoquent la mise en place des conditions gagnantes requises par M. Bouchard au Québec pour précipiter une crise de ce genre? Que devraient faire ces hommes, selon elle, si un tel vote était favorable à la séparation? Ne s'attendrait-elle pas à ce qu'ils s'emploient à créer l'État du Québec et l'État du Canada occidental, avec Preston Manning à la barre?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai découvert au fil des ans que mes meilleurs amis sont des membres du Parti libéral et du Parti progressiste conservateur. J'ai peu de choses en commun avec les membres du Parti réformiste.

Pour répondre aux autres questions du sénateur Comeau, les personnes élues à la Chambre des communes doivent, à mon sens, assumer certaines responsabilités. Ils mûrissent avec la fonction. L'idée selon laquelle il pourrait exister une coalition entre l'Alliance et le Bloc québecois n'est pas réaliste. L'idée qu'une telle coalition pourrait jamais voir le jour n'est pas fondée.

Je crois également, pour ce qui est d'une question aussi sérieuse que celle des visées sécessionnistes de toute province canadienne, que les députés des Communes prendront leurs responsabilités. Si je n'en avais pas la conviction, je n'aurais pas non plus grande foi dans le processus démocratique.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, le sénateur Carstairs a indiqué qu'elle ne peut pas voter en faveur des amendements que j'ai proposés. Elle estime que l'article 35 de la Constitution prévoit déjà suffisamment de protections et de garanties. Peut-elle me dire où se trouve la garantie que les peuples autochtones seront directement impliqués dans les négociations?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette, mais le temps de parole du sénateur Carstairs est écoulé.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je demande à être autorisée à répondre à cette seule question.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous en avez la permission.

Le sénateur Carstairs: À mon avis, honorables sénateurs, une garantie constitutionnelle a la force exécutoire d'aucune autre garantie dans ce pays. Même si l'amendement du sénateur Watt devait être adopté demain, cet amendement n'aurait pas le pouvoir des articles 35 et 35.1, pour la simple raison que tout gouvernement peut, à tout moment et avec une majorité simple, amender le projet de loi. Ils ne peuvent pas modifier les articles 35 et 35.1 avec une simple majorité. Cela appartient aux autochtones pour toujours.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, sur ce point, il se peut que l'article 35 ne soit pas facile à modifier ou à éliminer, mais tout gouvernement peut modifier toute loi à tout moment. Nous ne voulons pas amender ce projet de loi parce qu'il nous enlève quelque chose. Nous voulons y ajouter quelque chose afin de garantir que nous participerons directement aux négociations.

Je ne comprends pas l'argument de l'honorable sénateur Carstairs.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur les parcs nationaux du Canada

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-27, Loi concernant les parcs nationaux du Canada.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, les parcs du Canada nous aident à définir notre culture canadienne. Nos parcs et notre politique reflètent ce que nous sommes et ce que nous faisons de nos terres. Le paragraphe 4(1) du projet de loi C-27 dit ceci:

Les parcs sont créés à l'intention du peuple canadien pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances; ils doivent être entretenus et utilisés conformément à la présente loi et aux règlements de façon à rester intacts pour les générations futures.
Compte tenu de cela, quelques questions très importantes surgissent lorsqu'on examine d'autres articles de ce projet de loi. Premièrement, le projet de loi C-27 changera la procédure de création ou d'agrandissement des futurs parcs ou réserves, qui sera alors menée par le Cabinet une fois qu'un accord de création d'un parc aura été conclu. À l'heure actuelle, seule une loi du Parlement peut permettre la création d'un nouveau parc. L'enjeu, comme l'a si bien expliqué le sénateur Rossiter dans son excellent exposé d'hier soir, c'est le rôle à venir du Parlement en matière de protection de nos parcs comme partie intégrante de la culture du Canada. Cela sera-t-il fait uniquement par le Cabinet et un décret?

(1820)

Comme le sénateur Rossiter l'a dit hier soir, le gouvernement propose que la création ou l'agrandissement de parcs et de réserves de parc se fasse par le truchement d'un décret. Autrement dit, il n'y aurait ni adoption d'une nouvelle loi, ni débat, ni examen, un processus qui a cours quand une mesure législative est traitée par les deux Chambres du Parlement.

Voilà, honorables sénateurs, ce qui préoccupe beaucoup bon nombre d'entre nous. Si, hier, lors de l'ajournement du débat, nous avons voulu soulever cette question en rapport avec celles soulevées par le sénateur Rossiter, c'était pour faire en sorte que le comité qui étudie ce projet de loi ait tout le temps voulu pour veiller à ce que la population canadienne puisse faire connaître ses vues par l'intermédiaire du Parlement et des deux Chambres du Parlement.

Nous, du Sénat, représentons les régions et, si on ne nous permet pas d'exprimer convenablement les vues des régions en ce qui a trait à la nouvelle politique régissant les parcs, eh bien, nous aurons lamentablement échoué!

J'exhorte donc fortement tous les honorables sénateurs à renvoyer cette affaire au comité et à accorder au comité le temps nécessaire pour entendre les témoins qu'il faut pour assurer le renforcement de la mesure législative.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-27.

Je voudrais premièrement parler des dispositions du projet de loi C-27 renfermant les définitions et plus particulièrement du paragraphe 2(2), où on dit:

Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

J'aimerais que le comité se demande pourquoi ce paragraphe a été inséré dans le projet de loi. Il n'est question que des parcs, alors pourquoi insérer une disposition que certains sénateurs hésitent à insérer dans le projet de loi C-20? J'espère que le comité se penchera sur cette question.

Le comité voudra peut-être se demander pourquoi nous avons inséré une disposition aussi redondante. La Constitution s'applique, peu importe ce que d'autres lois peuvent dire. Pourquoi commençons-nous à voir des lois comprenant une disposition qui dit que tel article de la Constitution s'applique? Cela peut être interprété au mieux comme une mesure redondante, au pire comme un énoncé de l'insécurité entourant notre Constitution.

Le deuxième point que je veux faire valoir, honorables sénateurs, rejoint les observations qu'a faites le sénateur Oliver à propos des articles 6 et 7. J'aimerais que le comité examine attentivement ces dispositions, car il me semble qu'elles parlent de décrets du gouverneur en conseil. Heureusement, ces décrets pourraient être déposés dans les deux Chambres du Parlement. Fait intéressant à noter, certaines lois reconnaissent que les mesures doivent être déposées devant les deux Chambres du Parlement, tandis que d'autres ne reconnaissent qu'une des deux Chambres du Parlement.

Honorables sénateurs, cette disposition m'inquiète, mais devrait tout autant inquiéter l'autre endroit. À propos du réseau des parcs, le paragraphe 7(1) précise:

[...] La proposition de toute modification [...] est déposée devant chaque Chambre du Parlement, de même qu'un rapport sur le projet de parc ou de réserve contenant des renseignements sur les consultations effectuées et sur les accords intervenus relativement à sa création[...]
Écoutez bien ce qui suit:
[...] le comité permanent de chaque Chambre [...] en est saisi d'office...
Pourquoi acceptons-nous l'inclusion d'une telle disposition dans une loi? Nous sommes fort capables de décider ce que nous allons faire de quoi que ce soit qui est déposé au Sénat. Si nous décidons de nous reporter à un document qui a été déposé devant un comité permanent ou le comité plénier, notre Règlement devrait certes être déterminant.

Nous devrions nous méfier du glissement qui se produit. C'est de l'ingérence du pouvoir exécutif. La bureaucratie porte atteinte aux prérogatives et à la compétence de la législature et le comité devrait étudier très attentivement cette question.

Enfin, honorables sénateurs, reportez-vous à l'article 34 du projet de loi. Sur le plan de l'empiètement, l'article 34 est une source d'inquiétude encore plus grande. Si un amendement est apporté à l'annexe 4, qui figure à la fin du projet de loi, l'ajout proposé sera déposé devant chacune des Chambres du Parlement. Le comité permanent de chaque Chambre habituellement chargé des questions concernant les parcs ou tout autre comité en est saisi d'office.

Écoutez bien ceci. La mesure législative précisera comment nous allons aborder cette question au sein de notre comité. Elle dira aux sénateurs, en leur qualité de législateurs, que leur comité peut dans les 30 jours de séance approuver ou non le changement proposé.

Supposons que nous voulions prendre plus de temps et adopter un calendrier jugé opportun par le Sénat. En l'instance, la bureaucratie fait une proposition dans le cadre d'un document du Cabinet. Le ministre accueille cette proposition, obtient l'appui de ses collègues du Cabinet, et un projet de loi est présenté au Parlement en vue de dire à la législature comment elle mènera ses travaux.

Le paragraphe 34(3) précise ce qui suit:

La motion fait l'objet d'un débat d'une durée maximale de trois heures et il en est décidé en conformité avec la procédure de la Chambre.
Ce projet de loi nous dit que la motion fait l'objet d'un débat d'une durée maximale de trois heures, après quoi une décision est prise. Cette mesure législative prévoit qu'un amendement à l'annexe 4 sera proposé et renvoyé automatiquement à un comité permanent qui doit s'en occuper dans les 30 jours. L'amendement reviendra ensuite à la Chambre, mais nous n'aurons que trois heures pour nous en occuper. C'est ce que dit le projet de loi. Ils intègrent l'attribution du temps directement dans le projet de loi.

Le comité devrait se pencher très étroitement sur cette proposition et l'analyser en profondeur. Il devrait convoquer les bureaucrates du ministère et leur demander qui a eu l'idée de soumettre le travail de la législature au processus d'attribution du temps.

Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne désire prendre la parole, je dois informer l'honorable sénateur Banks que s'il prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de mettre fin au débat en deuxième lecture du projet de loi.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je vous remercie de vos questions, en particulier les honorables sénateurs Rossiter, Oliver et Kinsella.

Je suis très heureux de constater qu'un bon nombre de remarques formulées ici portent que le projet de loi devrait être renvoyé à un comité aux fins d'étude. C'est exactement ce que nous pensons.

Le sénateur Prud'homme: Tout l'été!

Le sénateur Banks: Ce projet de loi renferme un certain nombre de mesures qui, comme l'a souligné hier le sénateur Lynch-Staunton, n'ont jamais été faites auparavant. Les sénateurs ont raison de relever ces choses. Je vais revenir en arrière, si vous me le permettez, pour traiter de ces points.

(1830)

J'aimerais faire allusion à la dernière question du sénateur Kinsella relativement à l'article 34. Dans le cas de tout autre projet de loi, les points mentionnés dans cet article feraient, et en fait font en vertu de la loi actuelle, partie du règlement et non de la mesure législative. Cette disposition traite uniquement de l'ajout de collectivités en vertu de la loi, non de la création de nouveaux parcs ou de l'ajout de nouveaux terrains à des parcs existants. L'annexe 4 mentionne expressément les collectivités qui, selon les définitions incluses dans la loi, incluent des municipalités telles que Banff, Jasper, le parc national Waterton et Field, en Colombie-Britannique. Par conséquent, le point soulevé par le sénateur Kinsella relèverait, comme c'est le cas je crois en vertu de la loi actuelle et de la plupart des autres lois portant sur des questions de ce genre lorsque des ajouts ont été faits à une annexe à la fin d'une mesure législative, de ce qu'on appellerait normalement un règlement.

En fait, dans ce cas-ci, comme je vais le montrer à d'autres endroits dans la loi, un règlement est pris et soumis à l'approbation du Sénat et de la Chambre des communes, alors que ce ne serait normalement pas le cas. Encore une fois, on effectue, du moins en ce qui a trait à plusieurs dispositions de cette mesure législative, un examen parlementaire qui ne se ferait normalement pas à l'égard de dispositions qui feraient habituellement partie d'un règlement.

J'ai été très heureux d'entendre le sénateur Rossiter parler de l'intégrité écologique de nos parcs en soulignant que c'était là l'aspect le plus important. J'ai été heureux d'entendre le sénateur Oliver reformuler le but, qui est défini à l'article 4 du projet de loi, lequel constitue lui-même une nouvelle formulation de la loi telle qu'elle a été promulguée en 1930 et qu'elle existe encore aujourd'hui. C'est précisément de cela qu'il s'agit, d'une nouvelle formulation. En plus de simplifier et de se débarrasser d'une loi qui existe depuis les années 1930 et qui a incorporé de nombreux amendements, la rendant presque impossible à lire, le projet de loi constitue une nouvelle formulation des éléments précis auxquels le sénateur Oliver a fait référence. Il a rappelé aux gens, et en particulier à ceux des collectivités de ces parcs qui en sont venus à considérer les parcs comme un endroit lucratif et une entreprise commerciale, que ce n'est pas le cas, que ce sont des parcs et que nous avons une obligation de les entretenir pour que les générations à venir puissent en profiter autant que nous.

La limite de trois heures dont il a été question pour le débat sur une motion d'opposition provenant du comité renvoie en fait à un débat sur un règlement que nous n'apprécions guère autrement. Il importe de se rappeler qu'il y a des centaines de lois qui délèguent les pouvoirs de réglementation au gouvernement. Dans presque tous les cas, cette délégation de pouvoirs est absolue. Une fois que le Parlement a accordé le pouvoir de réglementation, il perd le contrôle direct sur ce pouvoir. C'est la norme au Canada depuis des décennies.

En ce qui touche le projet de loi C-27, le gouvernement propose une méthode de réglementation dans laquelle les deux Chambres du Parlement conservent leurs pouvoirs directs sur l'établissement de nouveaux parcs et l'ajout de nouveaux territoires aux parcs existants. C'est à tout le moins inhabituel. Au lieu de restreindre le rôle du Sénat dans la rédaction de règlements, le gouvernement propose plutôt de renforcer ce rôle dans le projet de loi. Les honorables sénateurs ont toutes les raisons d'approuver cette initiative.

Le sénateur Kinsella a demandé l'autre jour si le projet de loi prévalait sur le Règlement du Sénat. Comme plusieurs autres lois du Parlement, ce projet de loi prévoit que lorsqu'un rapport est déposé, il est automatiquement renvoyé à un comité. Dans la mesure où le renvoi du rapport à un comité exigerait autrement une motion convenablement proposée après avis, je dirais qu'effectivement ce projet de loi prévaut sur le Règlement du Sénat. Toutefois, il y a plusieurs lois qui prévoient le renvoi automatique d'un rapport à un comité du Sénat. Parmi les exemples récents de lois adoptées au cours de la présente législature, notons entre autres, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, la Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et la Loi canadienne de 1999 sur la protection de l'environnement.

Le sénateur Kinsella a également raison de dire que la procédure concernant le rejet des règlements l'emporte sur le Règlement du Sénat. Normalement, la motion portant approbation d'un rapport n'est pas adoptée automatiquement, comme dans ce cas-ci, mais doit être proposée par le président du comité qui présente le rapport. Ce sont les deux seuls accrocs mineurs aux procédures habituelles du Sénat qu'on retrouve dans le projet de loi. Quant au reste, rien n'entrave le fonctionnement ordinaire du Sénat. Le comité n'est pas tenu de faire quoi que ce soit par le projet de loi ou la mesure ministérielle. Le projet de loi n'exige pas que le comité fasse rapport au Sénat, mais il permet au comité d'élever des objections contre une mesure ministérielle et de la rejeter.

Comparons cette situation à celle d'une autre loi. Je n'ai pu trouver qu'un précédent où le Sénat a conservé son pouvoir de rejeter des règlements, et c'est le paragraphe 87(1) de la Loi sur les langues officielles. Il exige que les projets de règlement soient déposées au Sénat. Le paragraphe 87(2) prévoit, en ce qui concerne les motions soumises au Sénat:

[...] Dans le cas où une motion signée par au moins 15 sénateurs [...] visant à empêcher l'approbation du projet de règlement [...] est remise au Président de la Chambre concernée, celui-ci met aux voix, dans les cinq jours de séance suivants, sans qu'il y ait débat ou modification, toute question nécessaire pour en décider.
À la Chambre des communes, la signature de 30 députés est exigée. Le paragraphe (3) stipule que, si les deux Chambres adoptent une motion semblable, le ministre ne peut plus exercer son pouvoir de prendre un règlement.

La Loi sur les langues officielles a eu préséance sur le Règlement du Sénat. Cette loi établit des limites quant au débat et à l'amendement d'une motion, limites qui n'existent pas automatiquement dans notre Règlement. Je suis toutefois certain qu'à l'époque, les sénateurs ont jugé raisonnable, en échange d'une contrôle accru sur ce pouvoir délégué, d'accepter que la procédure de rejet à suivre soit définie dans la loi plutôt que dans le Règlement du Sénat. Je signale aussi que la Loi sur les langues officielles est beaucoup plus intrusive par rapport au Règlement du Sénat que ce qui est prévu dans le projet de loi C-27. Le Sénat a accepté cette façon de faire parce qu'elle semblait un compromis raisonnable.

Le projet de loi C-27 a un caractère beaucoup moins intrusif. Aux termes de ce projet de loi, le Sénat ou l'autre endroit ne peut pas, seul, rejeter un règlement. En ce qui concerne l'examen des règlements, je crois comprendre que le comité mixte permanent d'examen de la réglementation ne peut rejeter que les règlements découlant de la loi qui contreviennent directement à l'esprit de celle-ci. Dans le projet de loi C-27, le Sénat est sur un pied d'égalité avec l'autre endroit et il peut rejeter un règlement du ministre sans avoir à exposer ses motifs et à dire s'ils visent l'orientation, l'intention ou la teneur du règlement. Nous pouvons simplement le rejeter sans qu'aucune question ne soit posée, et cela vaut pour les deux Chambres du Parlement.

Le projet de loi C-27 est loin de porter atteinte aux pouvoirs du Sénat, et je pense qu'il devrait être examiné par tous les honorables sénateurs afin de servir de modèle, dans l'avenir, pour la délégation de pouvoirs visant la prise de règlements. J'ai le plaisir de proposer que le projet de loi soit maintenant renvoyé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Banks, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

(1840)

La Loi sur le Parlement du Canada
La Loi sur les allocations de retraite des parlementaires

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p. (L'Acadie-Acadia), tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai en main une longue et savante analyse du projet de loi C-37, mais j'épargnerai à mes collègues tant la longueur - dont je suis responsable - que le contenu intellectuel de l'analyse, dont est responsable un excellent personnel de recherche.

Ce projet de loi, comme chacun sait, porte sur certains avantages dont jouissent les députés.

Je tiens à souligner dès le départ que je n'ai absolument aucune objection à ce que les députés soient convenablement rémunérés et qu'ils puissent compter sur une certaine sécurité après leur mandat, car cela sert de contrepoids à l'incertitude quant au nombre d'années que siégera un député. Telle n'est pas la question.

Le problème, c'est que le projet de loi a été adopté d'une façon plutôt indécente par l'autre endroit. Il a été lu une première fois par ordre de la Chambre, il a été approuvé à l'unanimité le lundi 12 juin, en début de soirée, et il a été adopté le mercredi 14 juin, en début de soirée. Aucun témoin n'a été invité à comparaître. Tout s'est fait en comité plénier, l'étude article par article ne donnant lieu à aucun débat.

J'accepte en partie l'argument selon lequel le Sénat devrait respecter les décisions que prennent les députés sur leurs propres rémunération et avantages. D'autre part, j'estime qu'il y a un problème à l'autre endroit où, de temps à autre, les députés sont placés dans la situation embarrassante de devoir discuter de propositions concernant leurs avantages qui, aussi bien fondés soient-ils, aussi comparables à d'autres soient-ils et aussi mérités soient-ils, causent toujours beaucoup d'embarras, ce qui est injuste pour les députés. Ils se sont attirés des critiques dans ce cas-ci parce qu'ils ont agi de façon trop précipitée au goût de certaines personnes. Ils sont condamnés de façon exagérée parce que la cible favorite des détracteurs du Parlement, après les sénateurs, est constituée par les députés que l'on accuse d'être trop bien payés et de jouir de pensions et d'avantages trop généreux.

Je suis le premier à dire que ce n'est pas vrai. Ils méritent ce qu'ils ont. J'éprouve le plus grand respect à l'égard des députés qui sont élus, peu importe le parti qu'ils appuient. Ils viennent ici avec de grandes attentes, une grande dévotion et une solide éthique du travail. Pourtant, être un député élu de la Chambre des communes est probablement l'un des emplois les plus frustrants dans ce pays. Ce qu'ils demandent ne me pose aucun problème.

Le problème que j'ai, et peut-être que le Sénat peut les aider, même si cela peut paraître présomptueux, c'est de trouver une formule ou un système, lorsque ce projet de loi sera examiné par le comité, qui leur éviterait d'avoir à décider publiquement de leur propre rémunération, ce qui peut être assez gênant. Cela devrait peut-être être fait par un comité indépendant, mais c'est à eux et, je suppose, à nous que revient la responsabilité ultime. Nous sommes à l'abri des critiques qui leur sont si injustement adressées.

J'espère que, lorsque ce projet de loi ira au comité, en plus de l'examiner - et je sais qu'aucun changement n'y sera apporté - le comité profitera de l'occasion pour entendre des recommandations sur la façon d'en arriver à un meilleur système pour déterminer les salaires et autres émoluments qu'ils méritent. Le système en place actuellement est injuste en ce sens qu'il donne lieu à des critiques injustes. Je pense même à ceux qui, il y a quelques années, ont décidé de se retirer du régime de pensions et qui veulent maintenant y adhérer de nouveau. Je respecte leur décision et je respecte le fait qu'ils avaient peut-être fait une erreur à ce moment-là. Ils avaient peut-être une motivation politique au moment où ils ont pris cette décision, mais ils ont découvert par la suite qu'il faut avoir une certaine sécurité financière en quittant le Parlement, sans quoi les bonnes personnes ne seront pas attirées à venir ici. Ce qui est important pour les Canadiens, c'est de voir à ce que ceux qui viennent au Parlement aient le moins possible de soucis financiers. C'est la moindre des choses que les contribuables puissent faire pour eux.

Des voix: Bravo!

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, je veux prendre quelques instants pour participer à cette discussion.

Le sénateur Lynch-Staunton a fait une très judicieuse observation lorsqu'il a indiqué qu'il convenait de faire en sorte que les députés - et les sénateurs qui, après tout, sont des parlementaires non élus - puissent aborder le sujet des allocations de retraite et des niveaux de rémunération de façon méthodique. Je rappelle au sénateur Lynch-Staunton que la question a été réglée en 1981. J'ai voté en faveur du projet de loi alors que j'étais député aux Communes, comme l'ont fait d'ailleurs le premier ministre Jean Chrétien et d'autres anciens députés qui sont aujourd'hui des nôtres. Si mon souvenir est bon, le vote avait été pratiquement unanime, exception faite d'un seul député qui avait voté contre. Le projet de loi visait à mettre en place une formule qui s'appliquerait sur une base annuelle à l'ensemble des parlementaires. Il ne s'agissait pas d'une formule visant à leur accorder une augmentation, mais plutôt d'une formule destinée à régler le problème posé par l'inflation.

Je me fie à ma mémoire. J'avais tout à l'heure le projet de loi en main, mais je ne le retrouve plus. Si je ne m'abuse, le projet de loi proposait d'augmenter de façon suivie la rémunération des parlementaires d'un pourcentage inférieur de 1 p. 100 à l'indice des prix à la consommation. Ainsi, au lieu que les revenus des parlementaires soient constamment à la baisse, on a, dans une certaine mesure, réglé le problème.

Si le projet de loi a été présenté dans les années 70 - et j'avais à l'époque exercé les fonctions de député dans quatre législatures - c'est parce que l'inflation était galopante. À quelques reprises, les députés avaient dû s'octroyer une augmentation de salaire, ce qui n'avait jamais manqué de scandaliser l'opinion publique. Cette formule a réglé le problème.

Lorsque le comité étudiera la question des pensions des députés - et je suis très sympathique à ces pensions - il doit aussi se pencher sur la question plus large mentionnée par le sénateur Lynch-Staunton. Qu'est-il arrivé à la formule sur laquelle le Parlement s'était entendu? Elle avait été adoptée pratiquement à l'unanimité, mais j'imagine qu'elle a été mise de côté au moment de la récession. Ce fut peut-être à tort parce que nous devons à nouveau nous pencher sur le même problème.

Honorables sénateurs, à mon avis, il n'est que raisonnable que nous réexaminions la question parallèlement aux pensions et allocations de retraite des anciens députés. C'est un tout et il est temps de l'examiner, en utilisant la formule en faveur de laquelle tous les sénateurs qui étaient députés à l'époque ont voté.

Je recommande au comité qui sera chargé d'étudier le sujet de le faire avec logique et bon sens.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je partage les vues exprimées par le sénateur Lynch-Staunton sur ce projet de loi. Au nom du député qui me représente et qui a eu le courage et la force morale d'affronter les caméras après le fameux vote qui a eu lieu à l'autre endroit pour dire qu'il préférait passer pour un hypocrite que pour un imbécile, je voudrais prendre le temps de rétablir les faits. Les médias ont fait grand cas de cette déclaration. Puisque mon député ne s'est pas défendu, je veux me porter à sa défense. Il n'a pas été hypocrite. Il a été tout le contraire d'hypocrite. Ce qu'il a dit, en fait, c'est qu'il avait fait une erreur, qu'il avait changé d'idée et qu'il corrigeait cette erreur.

(1850)

J'ignore combien d'entre nous pourraient lever la main en disant: «Je n'ai jamais commis d'erreur.» Moi-même, j'ai commis une erreur. C'était en 1951 ou en 1952, si je me rappelle bien. J'aimerais signaler haut et fort que M. Ian McClelland n'avait rien d'un hypocrite et qu'il était honnête et courageux alors qu'il se trouvait dans un endroit très sensible à une époque troublée. En passant, je ne peux pas m'empêcher de glousser devant le fait qu'aucun des députés de son défunt parti qui, à cette occasion, ont voté contre le projet de loi - et qui se sont présentés devant leurs électeurs en faisant valoir qu'ils avaient voté contre et qu'ils s'y conforment à leur corps défendant - n'a exprimé son opposition au consentement unanime qu'il fallait obtenir pour que le projet de loi soit adopté à la Chambre des communes en l'espace de 48 heures. Quoi qu'il en soit, ils sont parvenus à mettre huit semaines pour faire adopter le traité nisga'a en faisant encore de l'obstruction dans l'art de laquelle ils sont passés maîtres. Ce sont des hypocrites. Ils n'ont pas protesté en affirmant que ça n'avait pas de sens, que c'était contraire aux habitudes, que ça allait à l'encontre de la procédure parlementaire. Ils n'ont pas parlé de la nécessité de consulter la population.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud: Honorables sénateurs, les propos qui ont été tenus m'intéressent. Je suis d'accord avec le fait qu'on devrait porter une attention particulière à ce projet de loi parce que souvent on méprise les gens pour quelque chose qu'ils méritent bien.

Le comité chargé de faire l'étude de ce projet de loi ne devrait pas outrepasser le projet de loi lui-même en examinant le salaire et les bénéfices des parlementaires en général. Si nous voulons faire cela, nous devrons le faire de façon à ce que les gens sachent clairement ce que nous faisons et non pas tenter de le faire par la porte arrière d'un comité qui examine un autre projet de loi. Voilà la seule réserve que je voulais vous communiquer.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, le sénateur Hays, appuyé par le sénateur Robichaud, c.p. (L'Acadie-Acadia), propose que ce projet de loi soit lu une deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

[Traduction]

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

Projet de loi sur la commission canadienne du tourisme

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Callbeck, appuyée par l'honorable sénateur Cook, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi constituant la Commission canadienne du tourisme.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole relativement au projet de loi C-5, Loi constituant la Commission canadienne du tourisme. À l'origine, la Commission canadienne du tourisme fut créée par le gouvernement du premier ministre Mulroney, en avril 1985, à titre d'organisme de service spécial. Le projet de loi vise à transformer la commission en une société d'État.

Cette modification juridique est faite à la demande de l'industrie du tourisme et vise à assurer une plus grande liberté et souplesse à la commission dans l'exécution de ses fonctions, qui sont de planifier, gérer et mettre en oeuvre des programmes qui favorisent le tourisme au Canada et qui en font la promotion.

L'industrie du tourisme a une incidence économique importante dans notre pays et elle génère des revenus de près de 51 milliards de dollars. En Ontario seulement, la contribution du tourisme au PIB provincial se chiffre à 6,9 milliards de dollars, ce qui est beaucoup plus que celle de l'agriculture, de l'exploitation minière, de l'exploitation forestière et de la foresterie. Une industrie touristique en pleine expansion a des retombées remarquables sur un vaste éventail de personnes et de groupes, notamment les entreprises locales et, évidemment, l'industrie des services.

L'industrie touristique est l'une des plus importantes au monde et elle compte aussi parmi celles qui connaissent la croissance la plus spectaculaire. Au moment où le Canada fait concurrence aux autres pays afin de s'assurer une plus grande part de ce marché mondial en expansion, nous devons améliorer nos plans stratégiques afin de susciter de l'intérêt à l'égard de ce que nous avons à offrir. Nous devons aussi prendre des mesures afin que le Canada tire profit de son territoire unique et très vaste. La Commission canadienne du tourisme est de toute évidence appelée à jouer un grand rôle à cet égard.

Ce changement de mission donnera à la Commission canadienne du tourisme une certaine souplesse pour promouvoir le tourisme. Ce changement permettra à la commission d'exercer ses activités d'une façon plus structurée, d'une façon plus commerciale, en lui accordant plus de flexibilité sur les plans administratif, financier et individuel.

Ces changements faciliteront également l'exercice de responsabilités accrues pour que la commission s'adapte à des tendances en rapide évolution. Auparavant, les Canadiens voyageaient à l'étranger plutôt qu'à l'intérieur de leur pays. La faiblesse du dollar canadien rend les voyages à l'étranger financièrement impossibles pour un grand nombre de Canadiens. Bien que la faiblesse de notre dollar ait un impact négatif, elle a eu un effet plutôt positif sur l'industrie touristique en encourageant nos concitoyens à rester au pays et en faisant également du Canada une destination intéressante pour les visiteurs des autres pays.

La nouvelle Commission canadienne du tourisme veillera, tout d'abord, à la prospérité et à la rentabilité de l'industrie touristique canadienne en travaillant avec tous les niveaux de gouvernement de même qu'avec le secteur privé pour développer le tourisme dans notre pays.

Deuxièmement, la commission fera la promotion du Canada comme destination touristique de choix. Même si la plupart des touristes du Canada et de l'étranger sont attirés par notre capitale nationale, Ottawa, et par les grandes villes comme Toronto, Montréal, Calgary ou Vancouver, il y a d'innombrables autres régions du pays qui ont un grand pouvoir d'attraction. Depuis l'aire de nature sauvage du parc national de Gros-Morne au charme de la maison de Lucy Maud Montgomery à l'Île du Prince-Édouard en passant par les merveilles de la nature que constituent les diverses sources thermales des Rocheuses et le caractère unique de Victoria, en Colombie-Britannique, les touristes sont fascinés par la diversité du Canada. Il y a beaucoup à découvrir au Canada, et la création d'une commission nationale du tourisme facilitera cette initiative de commercialisation.

Troisièmement, la Commission canadienne du tourisme favorisera des relations de collaboration entre le secteur privé et les gouvernements du Canada, des provinces et des territoires. Cela permettra à la commission de mettre en contact les principaux intervenants dans l'industrie touristique et, partant, accroîtra l'ampleur et la portée du travail de la commission.

Enfin, la commission fournira des renseignements touristiques sur le Canada au secteur privé et aux gouvernements du Canada, des provinces et des territoires. Cette responsabilité permettra à toutes les parties intéressées d'être au courant de la situation actuelle du tourisme au Canada et permettra d'identifier les secteurs qui nécessitent une amélioration ou un changement.

Honorables sénateurs, avec l'établissement de la Commission canadienne du tourisme, la société d'État aura une plus grande liberté et une plus grande flexibilité pour remplir ses objectifs rapidement et sans délai excessif. J'apporte mon appui à ce projet de loi, car, comme nous le savons tous, il a reçu un fort appui de l'Association de l'industrie touristique du Canada. Cette association comprend tous les secteurs de l'industrie touristique.

L'industrie touristique a des impacts sur tous les secteurs de notre économie. Le projet de loi C-5 tente de veiller à ce que l'industrie touristique dispose du meilleur cadre possible pour soutenir et générer le tourisme canadien. Alors que la Commission canadienne du tourisme va continuer de s'attacher à faire croître cette industrie et à accroître notre réputation, notre industrie touristique va continuer de croître et de prospérer. Il en résultera un avantage considérable pour le Canada, ses citoyens et notre économie.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Callbeck, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

(1900)

projet de Loi de 1999 modifiant les taxes de vente et d'accise

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kolber, appuyée par l'honorable sénateur Bacon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et une loi connexe, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi d'exécution du budget de 1997, la Loi d'exécution du budget de 1998, la Loi d'exécution du budget de 1999, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur l'accise, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt et la Loi sur l'assurance-chômage.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, il y a neuf ans, la TPS, taxe visible de 7 p. 100, remplaçait la TVF, taxe de vente fédérale cachée de 13,5 p. 100.

Remplacer la TVF était une décision logique du point de vue économique. L'ancienne taxe de vente était devenue un moyen de moins en moins sûr de percevoir de l'argent car les entreprises n'arrêtaient pas de trouver de nouvelles façons très ingénieuses de l'éviter. Sous le régime de la TVF, les biens faits au Canada étaient imposés plus lourdement que les importations, et des centaines d'exemptions et de règles spéciales en rendaient l'application très compliquée.

Toutefois, les décisions économiquement saines ne sont pas toujours acceptées politiquement. Alors que la TPS avait été conçue pour ne pas rapporter plus que la vielle TVF, elle suscita la colère des Canadiens qui y virent non pas un remplacement de la TVF, mais une nouvelle taxe. Notre parti a bien sûr payé un prix très lourd pour avoir eu le courage d'introduire une taxe de vente aussi novatrice et les libéraux exploitèrent cette colère, promettant verbalement pendant la campagne électorale de 1993 d'éliminer, de supprimer ou d'abolir la TPS.

Paul Martin lui-même a dit à l'autre endroit, le 28 novembre 1989, que la TPS était une taxe stupide, inepte et incompétente. Quelques mois plus tard, alors qu'il se présentait à la direction du Parti libéral, M. Martin disait aux délégués, dans une publication intitulée De Novo Leadership 1990, Special Edition: «Je m'engage à supprimer la TPS et à la remplacer par une solution de rechange.»

J'aimerais revenir sur la déclaration faite par le sénateur Banks plus tôt aujourd'hui, félicitant le gouvernement pour son intégrité et son honnêteté. Je le renvoie au tristement célèbre livre rouge de 1994 dans lequel les libéraux s'engageaient - écoutez bien, c'est magnifique - à ceci:

Nous substituerons à la TPS un dispositif qui produira des recettes tout aussi élevées[...]
[...] soit 22 milliards de dollars.
[...] qui sera plus juste à l'égard des consommateurs et des petites entreprises, qui sera moins un casse-tête pour les PME et qui encouragera les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux à coopérer et à harmoniser leurs politiques fiscales.
Ça semble merveilleux. C'était toute une promesse.

Quelques années plus tard, en avril 1996, Ottawa et les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick convenaient d'harmoniser leurs taxes de vente. Depuis le 1er avril 1997, Ottawa perçoit une taxe combinée fédérale provinciale de 15 p. 100 dans ces trois provinces. On nous a dit que c'était un pas en avant en vue d'éliminer la TPS, tel que promis.

Voyons les choses en face: la TPS est ici pour y rester, peu importe ce qu'en disait le livre rouge des libéraux en 1993.

En mars 1997, juste après l'adoption du projet de loi C-7 visant la création de la taxe de vente harmonisée, le gouvernement a annoncé plusieurs des modifications techniques qui figurent dans ce projet de loi. C'était il y a plus de trois ans. Pendant cette période, le gouvernement a appliqué la taxe de vente en partant de l'hypothèse que les changements figurant dans le projet de loi seront un jour entérinés. Qu'arriverait-il si le projet de loi était battu? Les recettes fiscales d'une période de trois ans s'envoleraient et l'exercice devrait être repris intégralement. Le gouvernement se trouverait dans une situation où il doit pourchasser des entreprises qui ont dans certains cas fermé leurs portes et dans d'autres cas quitté le pays.

Il n'existe aucune raison valable pour qu'un projet de loi fiscal mette trois ans avant d'aboutir devant le Parlement, même si les changements sont principalement d'ordre technique. Le gouvernement peut certes gérer son programme législatif mieux qu'il ne l'a fait.

En plus d'apporter des modifications techniques à la TPS, le projet de loi abroge également la taxe spéciale sur les magazines à tirage dédoublé que le gouvernement avait adoptée en 1995. L'OMC a décrété qu'elle est illégale et qu'elle doit disparaître. Lorsqu'il a imposé cette taxe, le gouvernement ne s'est-il pas dit qu'il se pourrait qu'elle ne résiste pas à une contestation commerciale?

D'autres mesures figurant dans ce projet de loi découlent de la lutte continue du gouvernement contre la contrebande de cigarettes. La quantité de cigarettes que les fabricants peuvent envoyer à l'extérieur du pays sans payer la taxe de 8 $ par cartouche diminue, réduisant donc encore plus les bénéfices éventuels qui pourraient être tirés de la réintroduction en contrebande des cigarettes au pays.

En 1994, les taxes sur le tabac ont été réduites dans cinq provinces en vue de contribuer à la réduction de la contrebande. Maintenant que les prix ont grimpé aux États-Unis, le gouvernement hausse de nouveau les taxes sur le tabac dans ces provinces. Il doit le faire en raison d'un nouveau problème, soit la contrebande interprovinciale de cigarettes, ces dernières étant moins chères en Ontario qu'en Saskatchewan.

Voici un extrait du discours prononcé par le sénateur Kolber à l'occasion de la deuxième lecture:

Le gouvernement reconnaît que la réduction des taxes est essentielle à l'amélioration du niveau de vie. Elle accroît la productivité, crée des emplois et laisse plus d'argent dans les goussets des Canadiens. C'est pourquoi, avec l'élimination du déficit et la diminution du fardeau de la dette, le gouvernement a adopté des mesures visant à commencer à réduire le fardeau des impôts personnels.

Le sénateur St. Germain: Une grande déclaration du sénateur Kolber.

Le sénateur Stratton: Environ quatre paragraphes plus loin, il ajoute:

La mesure législative adoptée aujourd'hui comprend une nouvelle hausse de 60c. de la taxe d'accise fédérale par cartouche de 200 cigarettes mise en vente en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, les cinq provinces partenaires de notre plan d'action. Ces provinces augmentent également leurs taxes sur les cigarettes d'un montant comparable.

Il ajoute aussi que la taxe d'accise sur les bâtonnets de tabac sera également accrue dans ces provinces.

Il dit ensuite ce qui suit:

De plus, ce projet de loi propose de rendre permanente la surtaxe actuelle de 40c. sur les bénéfices des fabricants de tabac.

Comment pouvez-vous affirmer d'un côté que le gouvernement a pris des mesures pour commencer à réduire les impôts des particuliers lorsque d'un autre côté vous augmentez sans cesse les taxes sur les produits du tabac? Comment pouvez-vous vous contredire de la sorte? Les gens qui ont une dépendance envers la cigarette n'ont pas beaucoup de choix. Si vous avez déjà connu quelqu'un qui a tenté d'arrêter de fumer, vous savez certainement ce que je veux dire. Il faudra se demander, lorsque le comité sera saisi de la question, combien d'argent le gouvernement prévoit recueillir avec ces taxes. Combien d'argent obtiendra-il ainsi? Il pourrait peut-être songer alors à respecter la promesse qu'il a déjà faite d'éliminer la taxe sur les livres. Prenons cet argent pour réduire les taxes dans un autre secteur, comme la TPS sur les livres par exemple. Il serait alors plus facile de croire le gouvernement lorsqu'il affirme qu'il réduit réellement les taxes et qu'il ne recueille pas d'argent d'une main sans réduire les taxes de l'autre.

Le débat étant en grande partie orienté vers la contrebande, les revenus et la santé, il démontre clairement un fait tout simple que les gouvernements ignorent à leurs propres risques, c'est-à-dire que les gens ne réagissent pas toujours aux taxes de la façon dont les gouvernements aimeraient qu'ils réagissent.

Ce qui est vrai pour les taxes sur les produits de base l'est également pour les taxes sur les gains. Si les impôts sur le revenu sont plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, cela entrera très certainement en ligne de compte lorsque les meilleurs et les plus doués de nos jeunes décideront où ils veulent vivre et gagner leur vie.

Honorables sénateurs, au-delà de quelques modifications de forme dans la TPS et des mesures timides prises dans le dernier budget, ce qu'il nous faut vraiment, ce sont des réductions d'impôt appréciables.

Je ne terminerai pas sans féliciter le sénateur Kolber de son explication exhaustive du projet de loi. Il s'agit au fond d'un projet de loi à caractère technique qui règle beaucoup de questions administratives. Je le remercie de cette explication.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kolber, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

La Western Canada Telephone Company

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fitzpatrick, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-26, Loi abrogeant la Loi constituant en corporation The Western Canada Telephone Company.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je suis heureux de donner la réponse de ce côté-ci du Sénat à la motion portant deuxième lecture du projet de loi S-26. J'ai lu attentivement l'excellent exposé que mon collègue de la Colombie-Britannique, le sénateur Fitzpatrick, a fait sur le projet de loi. Il a été éloquent comme jamais et droit comme toujours. Que dire d'autre du sénateur? La seule chose que j'ai du mal à croire, c'est qu'il puisse être libéral. Quoi qu'il en soit, son intervention était excellente.

Ce projet de loi vise à abroger la Loi constituant en corporation The Western Canada Telephone Company, appelée communément la loi sur la B.C. Tel. Ceci pourra paraître répétitif, honorables sénateurs, mais il importe de le signaler officiellement.

L'abrogation de la loi sur la B.C. Tel est vraiment une question d'ordre administratif, mais elle est importante pour les Britanno-Colombiens. En tant que telle, cette loi est désuète. Elle a constitué en corporation la B.C. Tel en 1916 et limité sa capacité d'être concurrentielle dans l'ouest du Canada. Cela va à l'encontre de la politique actuelle en matière de télécommunications. En l'abrogeant, nous renforçons l'objectif actuel qui consiste à créer un marché concurrentiel et des règles du jeu équitables pour toutes les compagnies de téléphone du Canada. Cela permettra à la B.C. Tel d'être concurrentielle en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba et de mettre fin à la discrimination dont sont victimes les Canadiens de l'Ouest et nos sociétés.

Je tiens à signaler que la nécessité d'abroger la loi sur la B.C. Tel constitue un tournant dans l'histoire de l'industrie du téléphone au Canada, en particulier en Colombie-Britannique. Les télécommunications ont beaucoup progressé depuis le temps où il fallait une loi fédérale pour circonscrire le marché d'une compagnie de téléphone.

Je me permets de rappeler aux sénateurs l'importance des progrès accomplis. Des téléphones ont été installés pour la première fois en Colombie-Britannique, en 1878, à deux endroits dans l'île de Vancouver. Le premier servait à relier une mine à un quai de chargement et l'autre, à relier la résidence d'un directeur des télégraphes de la Colombie-Britannique au bureau de celui-ci - peut-être un des premiers exemples de télétravail. Il y eut bientôt des téléphones sur le continent aussi. Dès les années 1880, des Canadiens se sont servis du téléphone pour éviter de devoir affronter le relief accidenté de la Colombie-Britannique. C'est en répondant à des défis de ce genre que les télécommunications canadiennes ont pris la tête de l'industrie mondiale.

En 1916, le Parlement a adopté une loi constituant en corporation The Western Canada Telephone Company et, trois ans plus tard, The Western Canada Telephone Company fusionnait avec la British Columbia Telephone Company Limited et prenait le nom de The British Columbia Telephone Company, ou B.C. Tel. La loi faisait plus que constituer la B.C. Tel en corporation. Elle contenait des dispositions visant à clarifier la sphère dans laquelle la B.C. Tel pourrait mener ses activités.

Cette loi impose deux genres de restrictions à la B.C. Tel. La première est contenue à l'article 17 de la B.C. Tel Act, qui concerne la concurrence dans l'ouest du Canada et dans une municipalité de la Colombie-Britannique, Prince Rupert. Aux termes de cet article, si la B.C. Tel veut construire ou entretenir des installations en Alberta, en Saskatchewan ou au Manitoba, elle doit d'abord obtenir le consentement du lieutenant-gouverneur en conseil de chacune de ces provinces. Cette restriction a été mise en place à une époque de monopoles provinciaux. Elle visait à confiner la B.C. Tel au territoire de la Colombie-Britannique.

La seconde restriction est contenue aux articles 8, 9 et à l'alinéa 9(a), aux termes desquels la B.C. Tel doit obtenir le consentement du CRTC avant d'aliéner ou de vendre une entreprise ou d'acquérir les actions ou la propriété d'une autre compagnie de télécommunications. Aucune autre compagnie n'est assujettie à ce genre de restriction. Sérieusement, je dois demander au sénateur Fitpatrick: Avons-nous été victimes d'une telle discrimination pendant tout ce temps? C'est terrible!

Quelques articles de la loi sur la B.C. Tel visent la constitution en corporation de la compagnie et les droits des actionnaires et des créanciers obligataires. Afin de protéger les actionnaires et les tiers contre une perte possible de valeur des titres et créances, le projet de loi contient une disposition de transition qui vise à préserver les droits reconnus par la loi jusqu'à ce que les textes tombent en désuétude conformément à leurs propres modalités.

Les restrictions dont je viens de parler ont été imposées à la B.C. Tel pour permettre au gouvernement fédéral d'imposer sa compétence. À l'époque, la compétence fédérale dans le domaine des télécommunications n'était pas encore un fait accompli. En fait, la question de savoir si les compagnies de téléphone relevaient de la compétence du gouvernement fédéral ou de celle des provinces n'a été tirée au clair que relativement récemment, soit dans la décision rendue par la Cour suprême, en 1989, dans l'affaire Alberta Government Telephones c. (Canada) conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. La cour a statué que la Alberta Government Telephones, et implicitement toutes les autres grandes compagnies de téléphone, était une entreprise interprovinciale visée à l'alinéa 92.10a) de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu'elle relevait donc de la compétence exclusive du gouvernement fédéral. La B.C. Tel continuera d'être réglementée par le CRTC et la Loi sur les télécommunications continuera de s'appliquer à la B.C. Tel ainsi qu'aux autres compagnies de téléphone.

Il ne faut pas oublier que d'autres aspects de la réglementation des compagnies de téléphone subissaient aussi des changements. La Loi sur les télécommunications, adoptée en 1993, accorde beaucoup d'importance à la concurrence dans l'industrie du téléphone. Le CRTC a aussi ouvert le secteur des appels interurbains et, peu après, celui des appels locaux à la concurrence. La nouvelle technologie a créé des débouchés énormes à mesure que les télécommunications convergeaient avec la technologie de l'information pour créer l'autoroute de l'information.

La B.C. Tel faisait face à de nouveaux défis, mais était toujours assujettie à la loi de 1916 et à ses restrictions. En 1993, l'entreprise s'est réorganisée en une société de portefeuille, la B.C. Telecom Inc., et est devenue un membre clé de la Stentor Alliance, qui a regroupé les entreprises dans toutes les provinces. Cependant, dans le marché de plus en plus concurrentiel ayant résulté de la déréglementation du secteur des télécommunications dans les années 90, la Stentor Alliance s'est dissoute, car les sociétés qui en faisaient partie voyaient la nécessité de soutenir la concurrence dans leurs différents marchés provinciaux, ce qui a été excellent pour les consommateurs.

Dans ce nouveau contexte, celui où les compagnies de téléphone devaient être suffisamment importantes pour être efficaces sur le plan des ventes et pour représenter une masse critique permettant de mettre en oeuvre d'importants projets d'immobilisation, la B.C. Tel a fusionné avec Telus Corporation, autrefois l'Alberta Government Telephones, pour former la BCT.TELUS Communications Inc. Le mois dernier, la société de portefeuille a officiellement changé son nom pour devenir la société TELUS. Même la compagnie de téléphone en fonction, connue sous le nom de B.C. Tel, a changé de nom en octobre 1999 pour devenir la TELUS Communications B.C. Inc. De cette fusion est née la deuxième compagnie de téléphone en importance au Canada.

Honorables sénateurs, le projet de loi à l'étude a tenu compte des besoins des détenteurs de titres ainsi que des dispositions de constitution en société de l'entreprise. Le CRTC a été consulté et a dit que l'abrogation de la loi constituant en corporation la B.C. Tel ne posait pas de problèmes au regard de la réglementation. La Loi sur la concurrence s'appliquera probablement à l'entreprise pour ce qui est des fusions et des acquisitions, au même titre qu'elle s'applique actuellement aux autres entreprises de télécommunications assujetties à la réglementation découlant de la Loi sur les télécommunications. Les quatre gouvernements provinciaux de l'Ouest ont été consultés, et chacun a rédigé une lettre dans laquelle il dit n'avoir aucune objection à ce que la loi soit abrogée et à ce qu'on supprime ces restrictions désuètes. Pour ces raisons, il n'y a aucune raison de maintenir la loi sur la société B.C. Tel.

Honorables sénateurs, la structure réglementaire maintenant en place rend cette loi redondante, au mieux, et, ce qui est pire encore, incohérente par rapport à la politique publique actuelle en matière de concurrence - les restrictions étant incompatibles avec les dispositions de la Loi sur les télécommunications.

(1920)

En terminant, je rappelle qu'un citoyen de Kelowna, d'où vient le sénateur Fitzpatrick, et qui a dirigé notre province pendant des années avait l'habitude de dire que, faute de convictions, on croit à tout. W.A.C. Bennett, où que vous soyez, voyez ce pas de géant que nous réussissons à faire avec le concours des sénateurs Fitzpatrick et St. Germain et bien d'autres. J'exhorte tous les honorables sénateurs à adopter rapidement ce projet de loi.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Fitzpatrick, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux:

L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le mercredi 28 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-18, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies causant la mort et autres matières), a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 22 juin 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, la troisième lecture est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Maheu, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement).-(L'honorable sénateur Lynch-Staunton).

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je propose: Que le projet de loi soit lu une troisième fois.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une troisième fois et adopté.)

projet de Loi sur la Journée Sir Wilfrid Laurier

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyée par l'honorable sénateur DeWare, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-23, Loi instituant la Journée Sir Wilfrid Laurier.-(L'honorable sénateur Grafstein).

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai longuement parlé aujourd'hui de sir John A. Macdonald. J'admire également beaucoup sir Wilfrid Laurier. Je n'ai aucune objection à formuler contre ce projet de loi.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais simplement dire que le Canada compte plusieurs grands admirateurs de sir Wilfrid Laurier. Mackenzie King, sir John A. Macdonald et sir Wilfrid Laurier représentent certainement les plus importants premiers ministres que le Canada a connus. Cependant, ce sont sir Wilfrid Laurier et Mackenzie King qui m'ont le plus inspiré dans mes recherches. Je profite, à cette étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, le jour même où nous avons discuté de l'exclusion possible du Sénat dans les projets de grande envergure, pour vous dire que sir Wilfrid Laurier serait furieux qu'un projet prévoyant l'exclusion du Sénat soit présenté en cette Chambre.

Il semble que le débat se termine demain, mais nous pourrions y revenir éventuellement. Je trouve extraordinairement bizarre que le jour même où nous honorons sir Wilfrid Laurier, il soit question d'émasculer une des deux Chambres, c'est-à-dire le Sénat.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

Le sénateur Prud'homme: Maintenant!

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous n'avons pas coutume d'adopter des projets de loi sans les renvoyer à un comité. J'estime que nous ne devrions pas faire une exception dans le cas présent.

J'ignore à quel comité le sénateur Lynch-Staunton souhaite que le projet de loi soit renvoyé.

Le sénateur Prud'homme: Le comité plénier.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): J'ignore à quel comité il devrait être renvoyé.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Le comité plénier.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi ne pas le lire une troisième fois à la prochaine séance?

(Sur la motion du sénateur Hays, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

(1930)

Projet de loi sur la Journée Sir John A. Macdonald

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grimard, appuyée par l'honorable sénateur Atkins, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-16, Loi instituant la Journée Sir John A. Macdonald.-(L'honorable sénateur Grafstein).

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai eu le plaisir de relire les paroles prononcées par le très honorable sir John A. Macdonald lorsqu'il était procureur général de l'assemblée législative. Je conseille à tous les sénateurs qui s'intéressent à ce projet de loi de se reporter aux débats parlementaires sur la confédération des provinces de l'Amérique du Nord britannique. Commencez à la page 2013 et continuez pendant des dizaines de pages pour constater sa grande éloquence, sa prévoyance, sa puissance de réflexion et sa capacité de susciter l'intérêt.

J'attire l'attention des honorables sénateurs sur un certain paragraphe qui présente un intérêt particulier. Il y est question de l'union des Maritimes et il se demande si les provinces maritimes devraient s'unir au reste du Canada en un seul bloc. Il disait que la seule question était de déterminer s'il devait y avoir une fédération ou une union, mais qu'il était clair que ces colonies ne souhaitaient pas former trois peuples, mais un seul.

Pour cela, j'appuie le projet de loi parce que l'esprit de sir John A. Macdonald est encore bien vivant au Canada aujourd'hui.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat, tout comme le projet de loi sur Sir Wilfrid Laurier. Cela me donnera le temps de consulter mon vis-à-vis pour déterminer si le projet de loi doit être renvoyé à un comité et, si oui, à quel comité.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Privilèges, Règlement et procédure

Huitième rapport du comité-Motion d'amendement-Ajournement du débat jusqu'à la décision de la présidence

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à l'adoption du huitième rapport du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (modifications à l'article 86 du Règlement), présenté au Sénat le 22 juin 2000.-(L'honorable sénateur Roche).

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je suis heureux de dire que j'appuie le huitième rapport du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Par exemple, le rapport cherche à établir deux nouveaux comités du Sénat. Le premier s'occuperait des questions de défense et de sécurité. Comme le sénateur Rompkey l'a dit de façon si éloquente et claire hier soir, on a grandement besoin d'un tel comité. Je veux aussi rendre hommage au sénateur Forrestall pour le travail qu'il a fait dans ce domaine et pour avoir fait avancer ce dossier.

Le second comité proposé s'occuperait des droits de la personne. Je n'ai pas à insister sur mon appui à l'égard des droits de la personne. J'espère que je ne froisserai aucun sénateur en ne mentionnant que le nom du sénateur Wilson, qui a joué un rôle de chef de file dans ce dossier.

Je dois ensuite me demander d'où vient ce rapport. Qu'est-il advenu de l'entente claire qui existait? Comme l'a confirmé hier soir le sénateur Maheu, ancienne présidente du comité, il avait été clairement entendu que deux questions concernant les comités seraient réglées en même temps, soit la création de deux nouveaux comités, un sur la défense et un sur les droits de la personne, et la nomination de sénateurs indépendants aux comités du Sénat.

Comme nous nous en souvenons tous, l'an dernier, lorsque la question a été débattue par suite de la présentation des neuvième et onzième rapports du comité du Règlement, les deux sujets étaient clairement liés, et ils sont maintenant séparés. Je n'ai reçu aucune explication au sujet de cette séparation. En fait, j'ai envoyé un tas de lettres à divers présidents et personnages influents au Sénat pour exprimer mon intérêt à l'égard de la question de la nomination de sénateurs indépendants aux comités.

Hier soir, le sénateur Austin, que je félicite aussi pour son leadership, a donné, j'en suis sûr, un compte rendu fidèle de la situation lorsqu'il a dit qu'il n'y avait pas consensus au sein du comité relativement à la question des sénateurs indépendants.

Qu'est-ce qu'on entend par «consensus» lorsqu'on parle des fonctions du Sénat? Il n'y a certainement pas consensus à l'égard des grandes mesures législatives dont nous sommes saisis. Nous tenons des votes dans cette Chambre. Si l'on fait intervenir la notion de «consensus» dans le cas de la nomination de sénateurs indépendants cela équivaut à donner un droit de veto à un, deux ou trois sénateurs. Je ne pense pas que le Sénat devrait fonctionner de cette façon, ni qu'il soit censé le faire. Ce n'est certainement pas prévu dans notre propre Règlement que les sénateurs indépendants ne peuvent pas faire partie des comités.

Il y a une histoire derrière cette question, mais je vais en épargner le récit aux honorables sénateurs, pour des raisons de temps. En ce qui a trait à la question des sénateurs indépendants, j'ai jeté un coup d'oeil aux données historiques. À ce jour, 820 personnes ont été nommées au Sénat du Canada depuis 1867. De ce nombre, 11 se sont déclarés sénateurs indépendants. Compte tenu que 5 de ces 11 sénateurs indépendants siègent actuellement au Sénat, j'estime que la question est pertinente.

Pendant de nombreuses années, les sénateurs indépendants ont été nommés au sein de comités sénatoriaux. En fait, honorables sénateurs, il est même arrivé que des sénateurs indépendants président des comités. Par exemple, le sénateur Hartland Molson, qui est bien connu et fort respecté dans cette Chambre, a été président suppléant du comité sénatorial permanent des transports et des communications en 1958 et en 1961. Notre collègue actuel, le sénateur Pitfield, qui siège aussi comme indépendant, a été président d'un comité sénatorial spécial sur le Service canadien du renseignement de sécurité, en 1983. Par conséquent, il existe clairement un précédent voulant que des sénateurs indépendants puissent être des membres à part entière des comités sénatoriaux permanents.

(1940)

Honorables sénateurs, il y a eu un changement dans le Règlement en 1991. Je n'étais pas ici, je n'y ai pas pris part et je ne vais pas raconter toute l'histoire de cette période que de nombreux sénateurs connaissent probablement bien. Toutefois, le résultat net de ce changement touchant la composition des comités a été que les sénateurs indépendants ne pouvaient pas être nommés aux comités. Quelques années plus tard, en 1994, cette question a refait surface et une enquête a été menée ici, au Sénat, afin de déterminer si les sénateurs indépendants devaient être nommés aux comités. Les résultats ont montré que 87,1 p. 100 des répondants au Sénat étaient d'avis que les sénateurs indépendants devraient pouvoir siéger aux comités et que 9,7 p. 100 estimaient qu'ils ne le devraient pas.

Pour ce qui est de la désignation des sénateurs indépendants, je déduis des propos qui sont tenus ici qu'il y a peut-être un certain malentendu sur le statut de sénateur indépendant. Je pense devoir préciser, en attirant l'attention des honorables sénateurs sur la question ce soir, que ce n'est pas par caprice qu'un sénateur arrive ici et déclare qu'il choisit d'être indépendant parce qu'il ne souhaite pas faire partie d'un parti ou d'un autre. Par exemple, lorsque j'ai été nommé, un document officiel daté du 17 septembre 1998 et intitulé: «Nominations au Sénat» a été émis par le bureau du premier ministre. Une phrase de ce document disait ceci: «M. Roche siégera à titre de sénateur indépendant.» Ce statut est reconnu lors du processus de nomination.

Honorables sénateurs, je n'ai qu'un recours dans cette affaire, qui, dois-je le préciser respectueusement, a cours depuis trop longtemps pour que l'on puisse corriger l'anomalie. Je n'ai qu'un recours, soit la Constitution du Canada. La Constitution dit que le gouverneur général doit convoquer des personnes qualifiées au Sénat, processus qui a mené chacun d'entre nous dans cette enceinte. La Constitution ne dit pas que vous devez appartenir à un parti politique particulier pour pouvoir bénéficier des droits du Sénat. Il est donc très manifeste qu'une perpétuation de la situation actuelle permettra l'existence d'un statut de deuxième classe. Je ne crois pas que les honorables sénateurs veulent que cela se produise. Par conséquent, je mets de côté toutes les autres questions et je demande aux honorables sénateurs d'accorder leur attention au principe profond que j'épouse ici en ce moment, soit celui de l'égalité de tous les sénateurs. Nul sénateur qui se présente ici ne demande quelque chose que d'autres sénateurs n'ont pas.

Réciproquement, j'estime que nul sénateur qui se présente ici ne devrait être privé de quelque chose que possèdent d'autres sénateurs. Par conséquent, c'est à mon avis le moment propice d'apporter un amendement au huitième rapport. Dans un instant, je lirai un amendement que je vais présenter, et les honorables sénateurs en reconnaîtront le libellé étant donné que je l'ai tiré du onzième rapport. C'est un libellé qui a été contrôlé. Le onzième rapport s'est retrouvé dans un bourbier, et je n'insisterai pas sur ce point, mais je dis qu'il est maintenant temps d'aller de l'avant sur cette question.

Motion d'amendement

L'honorable Douglas Roche: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey:
Que le huitième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure soit modifié en ajoutant le texte suivant avant les mots «respectueusement soumis»:
«De plus, que le Règlement du Sénat soit modifié comme suit:
a. en ajoutant un nouvel alinéa 85(2.2)a) au Règlement:
«(2.2)a) Le Comité de sélection peut recommander au Sénat d'ajouter deux membres à n'importe quel Comité permanent.»
b. en ajoutant un nouvel alinéa 85(2.2)b) au Règlement:
«(2.2.)b) Les sénateurs peuvent demander de siéger à un comité permanent en s'adressant soit à leurs whips respectifs, soit directement au Comité de sélection.»

Honorables sénateurs, je vous prie d'étudier cet amendement.

Recours au Règlement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): J'invoque le Règlement. J'estime que cette motion n'est pas recevable parce qu'elle ne concorde pas avec la motion que le sénateur Austin a présentée. Elle va bien au-delà de la motion dont nous sommes saisis. Un examen du rapport du comité dont nous sommes saisis révèle que celui-ci ne traite pas de la question qui est soulevée dans la motion, et je pense même que cela va à l'encontre de la proposition qui a été faite comme le signale le rapport du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Par conséquent, tant que nous ne nous serons pas prononcés sur la motion dont nous sommes saisis, nous ne pouvons accepter qu'une motion différente soit présentée. J'estime que cette motion est irrecevable.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, à propos du même rappel au Règlement, mon interprétation de cette motion, c'est qu'elle permettrait au Sénat de décider de ne pas recevoir cette proposition pour le moment, tout en renvoyant le rapport au comité pour qu'il l'examine plus à fond. Voilà, selon moi, ce à quoi sert en définitive le Règlement.

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, en ce qui a trait à la cohérence, la recommandation qui veut que deux nouveaux comités soient créés et que soit mis en place un processus par lequel le comité de sélection puisse choisir les sénateurs qui y siégeront, voilà qui ne pose pas de problème au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Toutefois, je ne sais pas trop comment réagir au point soulevé par le sénateur Corbin. Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner le Règlement et je me demande si d'autres sénateurs ne pourraient pas prêter leur concours à cet égard.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il d'autres commentaires sur le rappel au Règlement?

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Il convient de signaler que le sénateur Maheu était la présidente du comité et qu'elle a abordé les deux questions dans deux rapports distincts.

(1950)

On complique le rapport du sénateur Austin en introduisant une question qui diffère totalement de l'affaire dont il est essentiellement question dans son rapport. Voilà pourquoi je pense que la façon la plus efficace de procéder serait de laisser au comité sénatorial du Règlement le soin de trancher la question de l'amendement. Il pourrait ensuite en rendre compte dans un rapport distinct, s'il le juge à propos.

L'honorable Douglas Roche: Au sujet du rappel au Règlement, en défendant ma propre motion quant à la cohérence, j'ai fait observer que, l'année dernière, les deux questions avaient été traitées ensemble dans les neuvième et onzième rapports du comité et, qui plus est, que le sénateur Maheu avait confirmé que le comité avait abordé les deux questions de pair. J'estime donc que le présent rapport est incomplet, vu l'objet initial qui lui avait été fixé.

Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres sénateurs qui veulent intervenir au sujet du rappel au Règlement?

Honorables sénateurs, si ma mémoire est fidèle, la marche à suivre pour apporter un amendement consiste normalement à renvoyer le rapport au comité, avec des instructions. Toutefois, je vérifierai volontiers le Règlement pour m'assurer que c'est bien le cas. Je vais donc prendre la question en délibéré.

L'honorable Shirley Maheu: Puisque Son Honneur prend la question en délibéré, je lui signalerai que la deuxième partie du onzième rapport contient un renvoi, sous la rubrique «Membres supplémentaires du comité».

Son Honneur le Président: Je dois signaler au sénateur Maheu que je ne puis autoriser aucune autre observation.

Le sénateur Maheu: Je demanderais à Son Honneur de bien vouloir me permettre de poser une question au sénateur qui m'a précédée, une fois que le recours au Règlement aura été jugé recevable.

Son Honneur le Président: La question ne peut maintenant plus faire l'objet d'observations supplémentaires.

(Le débat est ajourné en attendant la décision de la présidence.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du onzième rapport du comité

Le Sénat entame l'étude du onzième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités), présenté au Sénat le 27 juin 2000.-(L'honorable sénateur Rompkey, c.p.).

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les éminents canadiens et leur rôle au Royaume-Uni

Interpellation-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cools, attirant l'attention du Sénat sur:

a) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des communes du Royaume-Uni, y compris le natif de l'Ontario Edward Blake, ministre de la Justice du Canada de 1875 à 1877 et chef du Parti libéral du Canada de 1880 à 1887, le natif du Nouveau-Brunswick le très honorable Bonar Law, premier ministre du Royaume-Uni de 1922 à 1923, et le natif de l'Ontario sir Bryant Irvine, vice-président de la Chambre des communes du Royaume-Uni de 1976 à 1982;
b) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des lords du Royaume-Uni, y compris le très honorable Richard B. Bennett, premier ministre du Canada de 1930 à 1935, et Lord Beaverbrook, ministre du Royaume-Uni en 1918 et de 1940 à 1942;
c) les Britanniques de naissance nés au Royaume-Uni ou dans les dominions et colonies qui ont siégé au Sénat et à la Chambre des communes du Canada, y compris le très honorable John Turner, premier ministre en 1984 et chef de l'Opposition libérale de 1984 à 1990, et moi-même, sénateur noire en exercice née dans les Antilles britanniques;
d) les personnes de citoyenneté canadienne qui ont fait partie du Conseil privé du Royaume-Uni, y compris les premiers ministres du Canada, les juges en chef de la Cour suprême et certains ministres canadiens dont le leader du gouvernement au Sénat de 1921 à 1930 et de 1935 à 1942, le très honorable sénateur Raoul Dandurand, qui a été nommé au Conseil privé du Royaume-Uni en 1941;
e) la résolution Nickle de 1919, une motion de la Chambre des communes du Canada en vue d'une adresse à Sa Majesté le roi George V, et les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934 à son sujet:
«C'était aussi inefficace en droit que possible. Non seulement c'était inefficace, mais c'était aussi, je regrette de le dire, un affront au souverain lui-même. N'importe quel avocat de droit constitutionnel ou quiconque se donne la peine d'étudier cette question s'en rend bien compte.»;
f) les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934 dans une lettre au député J.R. MacNicol:
«Tant que je resterai citoyen de l'Empire britannique et loyal sujet du roi, j'entends reconnaître au souverain la prérogative de reconnaître les services de ses sujets.»
g) les nombreux distingués Canadiens qui ont depuis 1919 reçu des honneurs du roi ou de la reine du Canada, y compris l'élévation à l'ordre de la chevalerie en 1934 de sir Lyman Duff, juge en chef de la Cour suprême du Canada, en 1935 de sir Ernest MacMillan, musicien, en 1986 de sir Bryant Irvine, parlementaire, en 1994 de sir Neil Shaw, industriel, et en 1994 de sir Conrad Swan, conseiller du premier ministre Pearson au sujet du drapeau national du Canada;
h) les nombreux distingués Canadiens qui ont reçu 646 honneurs et décorations de souverains étrangers non britanniques et non canadiens entre 1919 et février 1929;
i) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens de naissance et de citoyenneté concernant leur aptitude ou leur inaptitude à siéger à la Chambre des lords et ou à la Chambre des communes du Royaume-Uni, notamment les Canadiens domiciliés au Royaume-Uni et jouissant de la double citoyenneté du Canada et du Royaume-Uni;
j) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens domiciliés au pays ou à l'étranger concernant leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de leur propre souverain, la reine Elizabeth II du Canada, ainsi que leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de souverains autres que le leur, y compris le souverain de la France l'honneur de l'Ordre royal de la Légion d'Honneur;
k) les honneurs, les distinctions et les décorations qui ne sont pas héréditaires, comme la pairie à vie, l'élévation à l'ordre de la chevalerie et les ordres militaires et de chevalerie;
l) la recommandation par le premier ministre britannique Tony Blair à Sa Majesté la reine Elizabeth II portant de nommer comme membre non héréditaire de la Chambre des lords Conrad Black, un distingué éditeur et entrepreneur canadien et colonel honoraire des Governor General's Foot Guards du Canada.-(L'honorable sénateur Cools).
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, une fois où je me trouvais seul dans mon coin, le sénateur Murray à eu la gentillesse d'appuyer une de mes motions, mais il avait ajouté que cela ne signifiait pas qu'il voterait pour elle. J'ai fait la même chose la semaine dernière, lorsqu'un collègue a demandé la tenue d'un vote. Je n'aime pas être isolé, et je n'aime pas non plus qu'un collègue le soit. C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, j'ai posé un geste qui en a peut-être surpris certains.

Nous savons tous que l'interpellation dont nous sommes saisis a exigé beaucoup de travail. Plus je l'étudie, plus je la trouve instructive et intéressante et plus je pense que nous devrions lui rendre justice en la laissant au Feuilleton.

[Français]

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je me demande si le sénateur Prud'homme est dûment autorisé à prendre la parole sur une interpellation qui est inscrite au nom du sénateur Cools. Je suis quelque peu confus quant à la procédure suivie actuellement et j'aimerais savoir si le sénateur Cools a pris la parole sur cette motion.

Son Honneur le Président: Cette interpellation a été présentée par l'honorable sénateur Cools. Elle a le droit de réponse.

Dans le Règlement, à l'article 35, il est écrit, et je cite:

Le droit de réplique définitive est reconnu à un sénateur qui a proposé la deuxième lecture d'un projet de loi ou qui a fait une motion de fond ou une interpellation.

Il s'agit bien d'une interpellation. Le sénateur Cools a certainement parlé lorsqu'elle a proposé l'interpellation.

Le sénateur Corbin: Ma question est clarifiée. Je vous prie de m'excuser pour l'interruption.

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme: Le sénateur Cools voudra peut-être rester encore quelques minutes puisque j'interviens pour demander que son interpellation ne meure pas au Feuilleton. J'en ai déjà suffisamment dit - en fait, un peu plus qu'hier soir quand j'ai pris la parole au sujet de ma propre interpellation, qui porte le numéro 15. Si les sénateurs souhaitent que je parle plus longuement, je serai plus que ravi de les obliger. Mais il me semble que tout le monde doit en avoir assez. Je vois que le sénateur Adams, le whip en chef, le sénateur DeWare, et tous les autres semblent d'avis que j'en ai suffisamment dit pour sauver cette interpellation. Par conséquent, je m'en remets au sénateur Cools.

L'honorable Anne C. Cools: Je propose l'ajournement.

Son Honneur le Président: Je rappelle au sénateur Cools que, si elle le propose, cela aura pour effet d'empêcher tous les autres sénateurs de prendre la parole à ce sujet, car, dans les faits, elle clôturera mettra ainsi fin au débat. Il vaudrait peut-être mieux reporter la question.

Le sénateur Cools: Je n'y vois pas d'inconvénient, honorables sénateurs. Je suis très généreuse. Si quelqu'un d'autre veut prendre la parole, je serai ravie de lui céder la place.

L'honorable J. Michael Forrestall: Mais on ne peut pas procéder de la sorte.

Le sénateur Cools: Alors que la question soit reportée.

(Le débat est reporté.)

Affaires sociales, sciences et technologie

autorisation au comité D'étudier les soins de santé offerts aux anciens combattants des guerres et des missions de maintien de la paix

L'honorable Mabel M. DeWare, au nom du sénateur Meighen, conformément à l'avis du 20 juin 2000, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ses rapports précédents sur ces questions; et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché, et à faire un rapport sur ces questions.

Que le comité fasse rapport au plus tard le 30 juin 2001.

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(2000)

Le rôle constitutionnel du Sénat

Motion visant à aviser la Chambre des Communes de l'intention du Sénat de protéger son statut-Ajournement du débat

L'honorable Nicholas W. Taylor, conformément à l'avis donné le 27 juin 2000, propose:

Que le Sénat du Canada déplore l'habitude de plus en plus fréquente de la Chambre des communes de débattre et d'adopter des mesures législatives qui négligent le rôle constitutionnel du Sénat, les droits de nos peuples autochtones, ainsi que les groupes de la minorité linguistique officielle;

Que le Sénat continue de maintenir son statut constitutionnel légitime en amendant tout projet de loi qui méconnaît les rôles constitutionnels dévolus aux deux Chambres du Parlement; et

Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes pour l'en aviser en conséquence.

- Honorables sénateurs, c'est le moment que le Sénat en entier attendait.

Le sénateur Prud'homme: Et comment donc.

Le sénateur Taylor: Cette motion s'inscrit dans la plus pure tradition de la politique active. Je sais que les indépendants ne seront pas d'accord avec moi à ce sujet, mais à mon avis, c'est là de la politique avec un grand P. J'ai proposé que nous envoyions une motion à la Chambre des communes pour déplorer le fait qu'elle néglige le rôle constitutionnel du Sénat, les droits de nos peuples autochtones, ainsi que les groupes de la minorité linguistique officielle.

Le sénateur Kinsella: J'achète.

Le sénateur Taylor: Il semble y avoir un important exode de sénateurs. Je me sens moi-même un peu coincé entre la motion d'ajournement et le comité de l'énergie qui doit se réunir tout de suite après l'ajournement de cette séance.

Il s'agit d'une motion toute simple, honorables sénateurs. C'est diablement politique. Je dois avouer qu'après avoir passé 14 années dans l'opposition et quelques années dans cette Chambre, j'ai toujours considéré que la politique, telle qu'elle a été établie à Westminster et qu'elle est appliquée depuis l'époque de la Grande Charte et du Parlement de la Grande-Bretagne, fonctionne beaucoup mieux que les coups frappés sur la table et les discussions futiles sur le sexe des anges.

Il ne semble faire aucun doute qu'un grand nombre de sénateurs estiment que les groupes minoritaires de langue officielle ont été négligés à l'occasion dans des mesures législatives qui nous ont été envoyées par la Chambre des communes. Cela s'applique certainement aussi à nos peuples autochtones. Ma collègue, le sénateur Chalifoux, et moi-même avons fait partie d'un certain nombre de comités, ainsi que le sénateur Watt, et ils ont souvent eu à rappeler aux gens - et je ne veux pas seulement dire les députés et les sénateurs, mais aussi les fonctionnaires - qu'on n'avait pas tenu compte des peuples autochtones dans la rédaction de certaines mesures législatives. Enfin, il y a le rôle constitutionnel du Sénat. Je passerai plus de temps sur ce dernier point parce qu'il est indéniable que nous devons soulever encore et encore la question des droits des minorités de langue officielle et des droits des peuples autochtones. C'est comme frapper une mule sur la tête pour avoir son attention. La Chambre des communes et la bureaucratie ne se préoccuperont pas de ces questions si on ne les talonne pas continuellement. Cette motion, à elle seule, ne règlera pas le problème, mais c'est un pas dans la bonne direction.

Pour ce qui est du rôle du Sénat, nous avons tous pu constater qu'il n'est pas intégré autant qu'il le devrait dans le processus bicaméral.

Il faut bien comprendre que j'ai présenté la motion, mais que la Chambre des communes n'est pas la seule en cause. Je suis convaincu, honorables sénateurs, que les journaux du groupe Thompson, les journaux The Sun, et les journaux de lord Black ont tous leur siège en Ontario de telle sorte que les chroniqueurs de la scène politique canadienne sont ici, où ils touchent les plus gros salaires et où ils sont proches du siège social, ce qui augmente leurs chances de promotion. Il règne dans ces sièges sociaux un culture ou une atmosphère qui les pousse sans cesse à réclamer l'abolition du Sénat. Une personne qui vit en Ontario est parfaitement justifiée de vouloir cela, surtout si elle ne pense pas à la situation d'avant la Confédération, parce que, en pourcentage, l'Ontario a presque le double de représentants à la Chambre des communes que ce qu'elle a au Sénat. De plus, l'Ontario compte pour peut-être 75 p. 100 du caucus du parti ministériel. Dieu bénisse ces petits bienheureux de voter libéral, mais, il reste qu'il existe dans notre capitale une attitude carrément hostile au Sénat. Qu'il s'agisse de M. Jack Aubrey ou de quelqu'un d'autre, dès qu'ils emménagent à Ottawa les journalistes veulent plaire à lord Black, à lord Thompson et au Sun pour obtenir une promotion. La chose la plus en vogue consiste dénigrer le Sénat en oubliant complètement que, sans le Sénat, le Canada se désintègrerait bien plus vite qu'il le ferait sans le Québec. Le Canada tomberait en morceaux s'il n'avait pas le Sénat ou un système bicaméral. Il ne pourrait tout simplement pas survivre. Un système à une seule Chambre serait condamné.

Certes, quelqu'un - et je ne dirai pas qui - avait proposé une motion similaire dans l'un des projets de loi précédents, mais une telle motion est une façon sûre de faire passer le message indépendamment de tout projet de loi ou de quoi que ce soit d'autre. Ce que je veux dire, c'est que, particulièrement pour quelqu'un qui vient de l'Ouest, le rôle du Sénat est essentiel, car celui-ci représente les régions et les minorités.

Le sénateur Nolin: On le sait!

Le sénateur Taylor: Il faut le répéter sans cesse, car ce sont les fonctionnaires qui rédigent les lois. Les députés sont dominés par l'idée que, si on laissait Dieu et l'Ontario diriger le pays, tout irait bien. Ce n'est pas vrai. Le fait est que, si nous voulons arriver à quelque chose, nous devons séparer cette question du projet de loi du jour, quel qu'il soit, et nous demander si oui ou non le Sénat est exclu.

J'ai consulté certaines statistiques, honorables sénateurs, et j'ai utilisé un document préparé par le ministre Dion - des cas de projets de loi par lesquels le Parlement avait conféré à la Chambre des communes un rôle qui n'était pas accordé au Sénat. Il a cité 14 projets de loi de 1985 à 1997. On avait l'habitude de voir des projets de loi où le Sénat était oublié ou écarté à raison d'un par année ou tous les deux ans, mais nous en voyons maintenant trois par année. À l'heure actuelle, il y a deux projets de loi à l'étude qui mettent le Sénat de côté. Je ne parle pas de quelque chose d'hypothétique, mais de très réel.

Si les honorables sénateurs consultent les journaux demain, ils liront que le Sénat se défend. C'est vrai, mais nous défendons également la Constitution. Peu importe que nous soyons élus à l'avenir, ou nommés ou sacrés ou venus du ciel, nous avons besoin d'un système bicaméral. Je ne discute pas de la façon dont le Sénat sera constitué ni de la façon dont ses membres seront choisis. Je note que la Chambre des lords a récemment proposé un système en vertu duquel le parti vainqueur et le parti d'opposition nomment environ les deux tiers de la nouvelle Chambre des lords, tandis que le dernier tiers est nommé par un organisme impartial. Je ne discute pas de la façon dont nous sommes appelés à siéger ici. Je dis simplement que nous devrions cesser de penser à la composition du Sénat, bien que cela soit parfois difficile.

Honorables sénateurs, c'est pourquoi je propose cette motion. J'espère qu'elle recueillera l'appui d'un fort pourcentage des sénateurs. Il ne faut pas voir là un projet de loi à teneur politique. Je remarque qu'un de mes adversaires se cache la tête. Par fierté ou par honte? Il a mis quelque fierté à dire qu'il a fait ma connaissance il y a un certain nombre d'années.

Le sénateur Prud'homme: Vous devriez avoir honte.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, cette motion regroupe les difficultés les plus flagrantes des projets de loi qui nous sont renvoyés. Elles concernent le pouvoir du Sénat, les peuples autochtones et les minorités linguistiques.

Il se fait tard et j'ai assez parlé, honorables sénateurs.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorable sénateurs, je ne poserai pas de questions. Si quelqu'un veut poser des questions, c'est d'accord. Je veux participer au débat.

Honorables sénateurs, la motion de l'honorable sénateur Taylor, le jour même où - je pense que c'est le même sénateur qui a pris la parole - il nous donne la preuve irréfutable de son intention. Je vais être très précis. Je sais que la traduction va être très précise. Il y a une expression qui dit que le ridicule ne tue pas. Je n'ai pas dit «le sénateur», j'ai dit «le ridicule ne tue pas». C'est une expression très populaire. Au moment même où au moins trois amendements ont été présentés en ce qui a trait au projet de loi C-20.

[Traduction]

(2010)

L'un porte sur le droit des autochtones d'être consultés, le deuxième sur groupe de langue officielle minoritaire et l'autre, surtout, sur la loi qui fait fi du rôle constitutionnel du Sénat.

[Français]

Le même jour il présente une motion.

L'honorable Pierre Claude Nolin: La même loi!

Le sénateur Prud'homme: La même loi. Le sénateur Taylor nous a informés cet après-midi de son intention lors du vote de demain, d'ailleurs à la surprise générale. Chacun a droit à ses opinions.

[Traduction]

Pour le sénateur Finnerty, je vais me corriger, ainsi que les propos qu'elle a peut-être cru m'entendre tenir.

[Français]

Chacun a droit à ses opinions. Le débat en démocratie, c'est d'essayer de se convaincre les uns et les autres. C'est évident. Je n'ai jamais osé le dire, et si je l'ai dit, je retire tout ce que j'ai pu dire d'offensant cet après-midi. C'est le droit des honorables sénateurs de voter comme ils l'entendront demain. On a le droit de s'impressionner les uns les autres. Moi, je n'aime pas les gens qui arrivent ici avec un idée déjà faite, et ce, indépendamment de ce que ma brillante collègue le sénateur Spivak pourrait dire sur un sujet qu'elle connaît bien.

Voilà que l'estimé honorable sénateur nous amène une résolution. Je ne sais pas quel sera le résultat du vote demain, honorables sénateurs. Il y a encore une nuit pour y penser, cela va encore travailler plus fort cette nuit, mais peut-être un peu moins fort depuis cet après-midi pour avoir le vote nécessaire demain. Je ne sais pas. Les anges de la nuit vont certainement passer et faire leur travail, et le whip aussi.

Toutefois, que cette motion soit faite au même moment où nous nous prononçons sur exactement les mêmes propositions de l'honorable sénateur m'apparaît - je n'ose pas dire pour le moins farfelu - plutôt bizarre. J'aurais compris s'il l'avait présentée au cours de la prochaine session. Je l'aurais même appuyé, mais pas aujourd'hui, car nous allons être le ridicule total de l'autre Chambre. Je n'ai pas de complexe face à l'autre Chambre, je n'en ai aucun. J'ai été là 30 ans, j'ai été fier. Je suis ici, je suis très fier. Je n'ai pas de leçon à leur donner, mais je n'en ai pas à recevoir. Quand les Canadiens et les Canadiennes décideront ce qu'ils veulent faire des institutions, ils nous le diront.

[Traduction]

Ce ne sont pas les universitaires, ni les professeurs, ni les éditorialistes, mais bien les Canadiens qui décideront ce qu'ils veulent faire de notre institution. Ils décideront peut-être de réformer davantage la Chambre des communes que le Sénat, car s'il y a un endroit où des changements s'imposent, c'est bien à la Chambre des communes. Je suis sûr que le sénateur Bacon partage mon avis. N'importe quelle institution peut être abolie, et la même chose est vraie des chefs d'État.

Plus le sénateur Bacon montrera des signes qu'elle désire que je termine là-dessus, plus je parlerai, alors je lui suggère d'être patiente. Je le répète, ceux qui en ont assez entendu peuvent partir.

[Français]

Je pense que le sénateur Bacon voudrait parler. Non? Si vous voulez prendre la parole, levez-vous. J'encouragerais mes collègues à l'écouter encore, mais je n'encourage certainement pas mes collègues à appuyer cette motion. Le sénateur Taylor, le jour même où il vient de nous parler de l'importance de ne pas amender le projet de loi C-20, nous parle de l'importance des projets de loi. Je pense qu'il pourrait peut-être demander l'ajournement de ce débat jusqu'à l'automne.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Prud'homme: Certainement.

Le sénateur Kinsella: Dans son édition de cette semaine, la revue Maclean's rapporte que le nouvel ambassadeur du Canada à Paris, Raymond Chrétien, aurait déclaré:

Il faut tenir tête aux Américains. C'est la seule façon d'obtenir leur respect.

Sénateur Prud'homme, remplaçons «Américains» par «cabinet du premier ministre». Le sénateur est-il d'accord pour dire que la seule façon de se faire respecter par le cabinet du premier ministre, c'est de lui tenir tête?

Le sénateur Prud'homme: Je suis tellement heureux que vous me posiez la question. Avec la permission du Sénat, je pourrais parler jusqu'à minuit. C'est précisément le point que je veux faire valoir. Nous devons transmettre un message à ces gens, comme nous devons envoyer un message au personnel du cabinet du premier ministre. Depuis 35 ans, Raymond Chrétien est un excellent ambassadeur pour le Canada.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Prud'homme: Oui, vous pouvez applaudir, car il a très bien servi mon pays. Il n'a pas bénéficié d'une nomination politique. Il était en poste bien avant que M. Chrétien n'arrive au pouvoir. Je vais donc me porter à sa défense. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

Quelle belle citation! Si je l'avais lue avant, je l'aurais utilisée. Je dois avouer que je vais maintenant m'assurer de la lire. En fait, je vais la lire ce soir. Il serait peut-être opportun de l'envoyer par messager spécial au premier ministre, en apportant le changement qui s'impose, bien sûr. Il ne l'a peut-être pas lue. Nous pourrions lui dire «Voici ce que Raymond a dit.» Il a dit que le moment est venu de tenir tête au Cabinet du premier ministre. Nous pourrions alors surveiller sa réaction. Quelle belle citation! J'espère que vous ferez un discours fondé sur cette citation.

Le sénateur Kinsella: J'apprécie ce que l'honorable sénateur a dit au sujet de Raymond Chrétien, car, lorsqu'il était sous-secrétaire d'État associé aux Affaires extérieures, j'ai eu le privilège d'être le sous-secrétaire d'État associé au Secrétariat d'État; je l'ai donc très bien connu.

Voici simplement ma deuxième question au sénateur Prud'homme: Selon votre interprétation de la motion du sénateur Taylor, le principe de la rétroactivité s'applique-t-il?

Le sénateur Taylor: Adoptez-la ce soir, alors!

Le sénateur Prud'homme: C'est pourquoi j'ai dit que cela pourrait faire changer d'idée à bien des gens. Je suggère gentiment à notre ami le sénateur Taylor de relire son discours de cet après-midi ainsi que les trois amendements, dont l'un a été présenté par son collègue et ami qui est assis à ses côtés et qui hoche la tête en signe d'approbation, le sénateur Watts, et les autres, par les sénateurs Gauthier et Grafstein. Ces trois amendements portent exactement sur ce qu'il a dit dans son discours.

Si le sénateur Taylor relit son discours de cet après-midi et celui qu'il a prononcé ce soir sur la résolution, il pourra surprendre tout le monde demain, comme il l'a fait cet après-midi.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Français]

(2020)

drogues illicites

Présentation et adoption du rapport du comité spécial

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux:

L'honorable Pierre Claude Nolin, président du Comité spécial sur les drogues illicites, présente le rapport suivant:

Le mercredi 28 juin 2000

Le Comité spécial sur les drogues illicites a l'honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le 11 avril 2000 à réexaminer les lois et les politiques antidrogue canadiennes, demande respectueusement que le comité soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire, ainsi qu'à se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada et à l'étranger aux fins de cette étude.

Le budget fut présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration le mardi 27 juin 2000. Dans son onzième rapport le Comité de la régie interne a fait la recommandation que 170 062 $ soit libérés pour cette étude. Ce rapport fut adopté par le Sénat le mercredi 28 juin 2000.

Respectueusement soumis,

Le président,
PIERRE CLAUDE NOLIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)g) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Recours au règlement

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, le greffier, lors de la lecture du rapport du comité, a cité le chiffre de 160 000 $, il est inscrit au rapport le montant de 170 000 $.

Son Honneur le Président: En effet, le rapport montre le montant de 170 062 $. Le rappel au règlement est accepté. Nous allons faire le changement du montant tel qu'il convient.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h), propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le jeudi 29 juin 2000, à 13 heures.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 29 juin 2000, à 13 heures.)


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